Lutte contre la grande pauvreté
Question de :
M. Éric Coquerel
Seine-Saint-Denis (1re circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 7 octobre 2020
LUTTE CONTRE LA GRANDE PAUVRETÉ
M. le président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel. Monsieur le Premier ministre, la France est malade. Cette maladie se propage ; cette maladie, c’est la misère. La France, 66 millions d’habitants, comptera à la fin de l’année 10 millions de pauvres ; 8 millions de Français vont chercher, la boule au ventre, une aide alimentaire.
« Nous n’avons jamais vécu une situation pareille depuis la seconde guerre mondiale », nous dit le Secours populaire. Une responsable de Médecins du Monde nous a confié qu’elle avait dû gérer en Seine-Saint-Denis une situation comparable à celle des pays pauvres. Je veux rendre hommage à ces associations, aux familles aussi, qui combattent, seules, l’épidémie de misère qui ronge le pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR et sur quelques bancs des groupes SOC, LT et LaREM.)
Seules, parce que l'État n’est plus là. Le Président est parti en guerre contre un virus, paraît-il, mais il a capitulé face à la misère. Non, vous n’êtes plus là : moins de 1 % des 100 milliards du plan de relance est consacré au soutien aux personnes pauvres et précaires. Il aurait pourtant suffi de 7 milliards d’euros pour éradiquer la grande pauvreté, pour que la solidarité ne soit pas qu’un mot. Aussi je vous demande de prendre position sur les premières mesures concrètes que je vais vous présenter.
Je pense à notre jeunesse à genoux. Pour qu’elle puisse rester debout, on pourrait ouvrir le RSA – revenu de solidarité active – aux 18-25 ans, ou recruter 300 000 emplois jeunes au SMIC. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.) Dans une société solidaire, la gratuité des premiers mètres cubes d’eau, de l’électricité et du gaz ne serait pas un cadeau, mais une juste mesure contre la misère.
M. Fabien Di Filippo. Ça n'existe pas, la gratuité !
M. Thibault Bazin. Demain, on rase gratis…
M. Éric Coquerel. Dans une société solidaire, annuler la réforme de l'assurance-chômage, augmenter les minimas sociaux et automatiser leur versement ne serait pas une faveur, mais une juste mesure contre la pauvreté. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
Collègues, écoutez la voix de nos anciens. C’était il y a 170 ans. Victor Hugo était là, sur les mêmes bancs que nous, et disait : « Je ne suis pas de ceux qui croient qu'on peut supprimer la souffrance en ce monde. Mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu'on peut détruire la misère. » (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe FI.)
Collègues, il n’y a pas besoin de décréter la guerre à la misère pour éradiquer cette lèpre, simplement de tendre la main. Alors, à ceux et celles qui se taisent, qui se cachent sous leur capuche dans les files d’attente alimentaires, je dis : n’ayez pas honte de revendiquer la solidarité.
Je demande au Gouvernement ce qu’il compte faire pour détruire la misère. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR et sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Vous avez raison, l'épidémie et le confinement de ces derniers mois ont eu un impact sur de nombreux ménages français. Il est factuel de dire que le nombre de familles qui relèvent de l'aide alimentaire a augmenté dans le pays. Il est factuel de dire que certains Français n'ont pas pu joindre les deux bouts, faute de pouvoir gagner le complément de salaire qui était parfois le leur, et de dire que de nombreuses familles qui ne pouvaient plus se rendre dans les supermarchés bon marché et qui ont dû faire les courses dans leur quartier ont vu leurs dépenses du quotidien augmenter.
Mais le Gouvernement n'a pas été inactif, loin s'en faut, pendant cette période. L'aide exceptionnelle de solidarité a été attribuée à des millions de familles. L'aide alimentaire a été augmentée pour des millions de familles - elle n'avait jamais été attribuée à un tel niveau. L'allocation de rentrée scolaire a été augmentée de 100 euros par enfant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Fabien Di Filippo. C’est une aide sociale déguisée ! Qui paie ?
M. Olivier Véran, ministre . Un soutien exceptionnel et sans précédent de 100 millions a été apporté aux associations distribuant de l'aide alimentaire. (Mêmes mouvements.)
J'ai moi-même installé, il y a quinze jours, le Comité national de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire, qui réunit des associations impliquées dans le soutien à l'aide alimentaire et le CNLE – Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion –, placé sous l'autorité de la députée Fiona Lazaar. Il y a quelques jours, le Premier ministre a reçu pendant plus de trois heures l'ensemble des associations qui luttent dans le champ des solidarités pour faire le point sur la stratégie de lutte contre la pauvreté et pour annoncer que des mesures supplémentaires seraient bientôt prises pour venir en aide aux familles les plus pauvres.
M. Thibault Bazin. Il n'a rien compris !
M. Olivier Véran, ministre . Monsieur le député, je ne partage pas votre vision du plan de relance. D'abord, parce que des sommes considérables et inédites seront consacrées aux plus précaires et aux plus fragiles. Ensuite, parce que la première solidarité dans notre pays, c'est l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.)La première porte de sortie de la misère, c'est l'emploi. La première raison d'entrée dans la pauvreté, c'est le chômage.
Lorsque vous mettez des milliards sur la table pour aider les entreprises à embaucher des jeunes, lorsque vous évitez aux seniors des entreprises de perdre leur emploi – car on sait qu'ils n'en retrouveront pas –, vous menez une politique de solidarité active et efficace. C'est un tout que constitue l'action du Gouvernement de ces derniers mois, et celle qu'il poursuivra dans les mois à venir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. Éric Coquerel
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Pauvreté
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 octobre 2020