Question au Gouvernement n° 375 :
contrôle des structures des exploitations agricoles

15e Législature

Question de : M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Nouvelle Gauche

Question posée en séance, et publiée le 6 décembre 2017


CONTRÔLE DES STRUCTURES DES EXPLOITATIONS AGRICOLES

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier, pour le groupe Nouvelle Gauche.

M. Dominique Potier. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, l'historien Fernand Braudel disait que les territoires résilients étaient ceux qui avaient un pied dans l'économie-monde et l'autre dans un écosystème solide et protégé. Si cette condition n'est pas satisfaite, il existe un véritable déséquilibre.

C'est par exemple le cas aujourd'hui dans l'industrie du bois : dans nos scieries manquent les chênes qui sont exportés de manière déloyale vers des pays d'Asie sans contrôle sanitaire ni autorisation idoine. C'est a fortiori le cas du sol qui fait pousser les forêts et notre agriculture.

M. Thibault Bazin. Sauvons nos forêts !

M. Dominique Potier. Nous le savons tous ici et, au-delà de nos sensibilités politiques, nous partageons l'idée que la terre n'est pas une marchandise comme les autres et que le monde rural ne saurait servir de supermarché à une mondialisation sans foi ni loi.

L'affaire de l'Allier, après celle de l'Indre, nous alerte quant à la possibilité d'accaparement des terres sur notre sol. Partout dans les territoires se fait jour un souci de l'agrandissement sans mesure. Si nous voulons des fermes et non des firmes, si nous voulons assurer la relève de l'agriculture, nous devons continuer de contrôler et de maîtriser le marché du foncier.

Or nos instruments de contrôle sont aujourd'hui fatigués. Nous avons commencé à les réparer au cours de la dernière législature. Plus que jamais, il faut poursuivre ce travail, non l'abandonner.

Pourtant, l'article 30 du projet de loi sur le droit à l'erreur – ou à la confiance, je ne sais plus – vise à expérimenter l'abandon du contrôle des structures. Cela reviendrait à expérimenter l'introduction du renard dans le poulailler.

Mme Émilie Bonnivard. Et du loup au milieu des moutons !

M. Dominique Potier. Nous connaissons d'avance le résultat.

Nous avons au contraire besoin de protection, de partage, de portage, de modernité, non d'abandon par la puissance publique dans ce secteur stratégique pour la France.

Monsieur le ministre, dites-nous aujourd'hui que vous êtes ouvert à une discussion, dans le sillage de la dynamique des états généraux de l'alimentation. Nous avons besoin d'une relève, pour l'avenir de notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, sur de nombreux bancs du groupe NG, et sur plusieurs bancs des groupes REM, MODEM et UAI.)

M. André Chassaigne. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur Potier, le contrôle des structures des exploitations agricoles a pour objectif principal de favoriser l'installation des agriculteurs. Il vise aussi à la consolidation de l'ensemble des exploitations.

L'article 30 du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance prévoit d'habiliter le Gouvernement à expérimenter – j'y insiste, il s'agit d'une expérimentation – par voie d'ordonnance, pour une durée de trois ans, dans certains départements ou certaines régions, l'allègement du contrôle des structures. (Exclamations sur les bancs des groupes NG et GDR.)

M. Jean-Louis Bricout. Non !

Mme Delphine Batho. On ne peut pas faire ça !

M. Stéphane Travert, ministre. L'ordonnance permettra également de modifier la liste des opérations soumises à autorisation ou à déclaration et justifiant réellement que le contrôle des structures s'applique. Il s'agit, sur le fondement d'une évaluation objective, d'alléger les dispositions complexes et sans effet utile pour réserver le contrôle aux situations qui le justifient – vous en avez cité un certain nombre, monsieur le député.

Ce contrôle trouve effectivement ses limites dans sa mise en œuvre actuelle, lorsque certains acteurs font tout pour le contourner, par exemple par l'intermédiaire de montages sociétaires.

M. Claude Goasguen. Évidemment !

M. Stéphane Travert, ministre . J'en veux pour preuve le fait que, dans 90 % des cas, la décision est favorable : cela conduit à relativiser la portée du contrôle. Il est donc aujourd'hui nécessaire d'adapter celui-ci,…

M. Dominique Potier. Non, au contraire !

M. Stéphane Travert, ministre. …de le moderniser et de limiter les possibilités de contournement.

En parallèle de l'expérimentation qui sera menée, je lancerai en 2018 une réflexion sur la rénovation des outils de régulation du foncier agricole – un sujet que vous connaissez particulièrement bien –, car la répartition des terres constitue un enjeu majeur et requiert une approche d'ensemble qui intéresse tant le contrôle des structures que le droit de préemption et les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural – SAFER.

Sachez que toutes les conséquences seront tirées de cette expérimentation pour adapter le contrôle des structures aux réalités du terrain. Les organisations professionnelles agricoles seront bien évidemment consultées.

Mme Marietta Karamanli. Elles n'en veulent pas !

M. Stéphane Travert, ministre. C'est avec elles, ensemble, que nous trouverons des solutions et des voies de progrès. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes REM et MODEM.)

M. André Chassaigne. Vous ouvrez la boîte de Pandore !

Données clés

Auteur : M. Dominique Potier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 décembre 2017

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