Responsabilité des entreprises en matière de droits humains
Question de :
M. Dominique Potier
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 17 février 2021
RESPONSABILITÉ DES ENTREPRISES EN MATIÈRE DE DROITS HUMAINS
M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier. Monsieur le ministre des affaires étrangères et de l'Europe, la France devrait, comme cela a été annoncé, prendre dans quelques semaines une initiative en faveur de l'objectif du développement durable 8.7, afin d'être un pays pionnier dans l'alliance visant à mettre fin à la traite des êtres humains, au travail forcé et au travail des enfants. Nous ne pouvons que vous en féliciter.
Tous les opérateurs sur le terrain qui militent contre ce fléau – 28 millions de forçats, 150 millions d'enfants aux champs ou à l'usine au lieu d'être à l'école – nous disent que l'un des outils, l'un des instruments juridiques les plus puissants sera la loi passe-muraille de 2017, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre. Depuis l'adoption de cette loi, en effet, les multinationales ont l'obligation de mettre en œuvre un plan de prévention et peuvent être poursuivies au nom de leur responsabilité pour l'atteinte aux droits humains et des atteintes graves à l'environnement.
Cette loi, vous le savez, a fait école dans près de quatorze pays européens, par la société civile et par les parlements, et c'est inespéré. La coalition allemande a ainsi annoncé que, début mars, elle adopterait l'équivalent de la loi française, et c'est un signe historique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Le commissaire à la justice a engagé avec le Parlement européen un dialogue en vue d'aboutir à une directive européenne.
Alors, nous attendons la France – pas seulement la France qui dit, mais la France qui fait. Parallèlement à la résolution européenne que nous préparons avec la présidente de la commission des affaires européennes, et à une évaluation de la loi française qui n'a toujours pas eu lieu quatre ans après son adoption – ce qui est un scandale –, nous avons besoin d'une diplomatie active. Nous attendons que le Président de la République inscrive à l'agenda de la présence française de l'Union européenne, en 2022, au plus tard, l'adoption de cette directive avec un niveau d'exigence et d'ambition au moins équivalent à ce qu'il est dans la loi française.
Monsieur le ministre, nous vous attendons au rendez-vous de l'histoire pour une mondialisation plus humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Jean-Paul Dufrègne et M. Jean-Paul Lecoq applaudissent aussi.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Vous posez une question essentielle, sur laquelle vous vous êtes beaucoup engagé avec le texte qui a permis de traduire en termes législatifs le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, et qui a également connu des avancées lors de l'examen de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE.
Ce que vous avez porté au niveau national, il convient maintenant de le porter au niveau européen. Vous l'avez dit, plusieurs pays européens se sont engagés – l'Allemagne vient de le faire et la France est évidemment au rendez-vous, puisqu'elle a déjà posé dans sa législation les principes qui viennent d'être repris par les autres États membres. Nous attendons maintenant de la Commission européenne, pour bientôt, je le pense, un projet de directive qui devrait être discuté et débattu à partir de la deuxième partie de l'année 2021. Nous sommes très vigilants quant au contenu de cette directive, qui doit renforcer concrètement la responsabilité sociale et environnementale des entreprises dans toute leur chaîne d'approvisionnement, y compris les fournisseurs et les sous-traitants. C'est une exigence de transparence indispensable, que nous entendons voir prendre en considération dans cette directive.
Croyez bien, en tout cas, que cette initiative s'inscrit pleinement dans la diplomatie des droits de l'homme que mènent la France et l'Union européenne – je pense notamment à une situation particulière que vous avez à l'esprit : celle du Xinjiang, en Chine, qui est directement concernée, on peut le dire ici. En tout cas, le calendrier sera tel que ce sera sous la présidence française que le Conseil pourrait adopter cette directive et que le débat pourrait avoir lieu au Parlement. Je vous confirme donc pleinement l'engagement de la France à cet égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Cécile Untermaier, M. Jean-Louis Bricout et M. Dominique Potier applaudissent également.)
Auteur : M. Dominique Potier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Union européenne
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 février 2021