Protections des langues régionales
Question de :
M. Paul-André Colombani
Corse-du-Sud (2e circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 17 février 2021
PROTECTION DES LANGUES RÉGIONALES
M. le président. La parole est à M. Paul-André Colombani.
M. Paul-André Colombani. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, la protection et la promotion des langues régionales et minoritaires est une préoccupation ancienne des institutions européennes. Elles voient dans la défense de ces langues un renforcement de la démocratie, de la diversité et de la richesse culturelles des peuples et des pays qui la composent.
En effet, les langues et cultures régionales, que nous défendons, sont le socle de notre identité. C'est dans cet état d'esprit qu'a été adoptée, en 1992, la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, destinée à protéger et promouvoir ces langues, considérées comme des éléments menacés du patrimoine culturel européen. Signée par la France, cette charte n'a toujours pas été ratifiée.
1992, c'est également l'année où il a été inscrit dans l'article 2 de la Constitution que le Français est la langue officielle de la République. En théorie, cette inscription devait permettre de lutter contre l'hégémonie grandissante de l'anglais ; en pratique, elle n'aura finalement servi qu'à combattre insidieusement les langues régionales qui, depuis lors, subissent des attaques répétées – à l'image de l'article 6 du projet de loi confortant les principes de la République, qui menace les associations de promotion des langues régionales.
Après la réforme du bac l'an dernier, la réforme du CAPES de langue corse, le 25 janvier, est donc un nouveau coup de boutoir visant à remettre en question l'ensemble des systèmes éducatifs dédiés aux langues régionales. En effet, menée sans concertation avec l'université de Corse et les acteurs politiques et syndicaux, qui s'y opposent, cette réforme impose une inversion des coefficients des épreuves disciplinaires, faisant ainsi reculer la part du corse dans les épreuves. L'arrêté signe donc l'abaissement du niveau de maîtrise de la langue corse et témoigne d'une stratégie de fragilisation de l'enseignement des langues régionales.
Monsieur le ministre, quand allez-vous ratifier la charte des langues régionales ou minoritaires, et comment s'arrêtera ce processus délétère pour nos langues régionales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – M. Marc Le Fur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Il est dommage de poser la situation en ces termes, car le Gouvernement n'a évidemment rien contre les langues régionales : au contraire, à l'occasion des discussions de la proposition de loi de M. Paul Molac relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, nous avons récemment encore travaillé sur ces enjeux et approfondi les avancées possibles, dans le respect de la Constitution.
La réforme du lycée est le premier élément de promotion des langues régionales, puisqu'elle a justement offert la possibilité de suivre quatre heures de langue régionale en première, et six en terminale, dans le cadre des enseignements de spécialité des lycées qui le propose.
M. Pierre Cordier. C'est historique !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . Cela n'existait pas auparavant, et c'est une possibilité de développement des langues régionales, comme en témoigne la situation dans plusieurs régions. En Corse, puisque c'est votre territoire, nous avons ainsi observé une augmentation du nombre d'élèves choisissant d'étudier la langue corse : ils sont 22 583 cette année – j'ai les chiffres sous les yeux. Il n'y a donc pas une politique contre les langues régionales, mais bien en faveur des langues régionales.
En outre, 514 professeurs sont titulaires d'un CAPES de langue régionale, et une section d'agrégation dédiée aux langues de France a même été ouverte à l'éducation nationale en 2018,…
M. Maxime Minot. Historique !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . …qui a permis d'agréger sept professeurs dès 2019. 170 000 élèves ont appris les langues régionales, et nous nous attachons à faire progresser ce chiffre.
Par ailleurs, dans le cadre de la réforme du lycée, un coefficient plus important a été affecté pour la LVB – langue vivante B –, c'est-à-dire la deuxième langue, et la LVC, c'est-à-dire la troisième langue, lorsqu'elles sont étudiées dans le cadre d'une option.
M. Maxime Minot. Historique !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre . En revanche, nous ne pouvons ignorer que la demande pour l'apprentissage des langues régionales est parfois en baisse. En l'espace de deux générations, les choses se sont effectivement inversées : autrefois, la langue régionale était parlée en famille et interdite à l'école : aujourd'hui, on l'apprend à l'école mais elle est difficile à pratiquer au sein de la famille. C'est bien cette logique que nous devons inverser si nous voulons réussir à créer une demande plus forte : ensemble, nous pouvons y parvenir. Soyez assuré que nous sommes favorables aux langues régionales. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. Paul-André Colombani
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Patrimoine culturel
Ministère interrogé : Éducation nationale, jeunesse et sports
Ministère répondant : Éducation nationale, jeunesse et sports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 février 2021