Inflation carcérale
Question de :
Mme Cécile Untermaier
Saône-et-Loire (4e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 3 mars 2021
INFLATION CARCÉRALE
M. le président. La parole est à Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. En 2020, pour la première fois depuis vingt ans, le taux d'incarcération est passé en dessous des 100 %, en raison d'une baisse du taux de délinquance due au confinement et des mesures adaptées qui ont été prises, en lien avec la covid-19.
Le 3 juin 2020, monsieur le garde des sceaux, vous avez signé, en tant qu'avocat et avec plusieurs centaines de personnalités, une lettre au Président de la République, saluant la déflation carcérale et ajoutant que celle-ci faisait « naître un fol espoir », celui que « la France ne soit plus pointée du doigt par les instances européennes pour les traitements inhumains et dégradants qu'elle inflige aux prisonniers ».
Tout cela est derrière nous. Le monde d'après ressemble à ce monde d'avant dont nous ne voulons pas. 122,7 % : c'est le taux d'occupation moyen des maisons d'arrêt en France au 1er février 2021. Le taux d'occupation est de 129 % à la maison d'arrêt de Varennes-le-Grand et près de 150 % dans certains territoires.
De plus, la pandémie impose des espaces réservés à l'isolement des nouveaux entrants, complexifiant l'accueil et aggravant, de ce fait, la surpopulation dans les autres secteurs. Dans ce contexte, il nous faut exprimer notre soutien aux personnels déçus et inquiets – directeurs, surveillants, équipes des services pénitentiaires d'insertion et de probation, personnels de santé, enseignants. Des décisions urgentes s'imposent pour endiguer l'inflation carcérale et lutter contre l'indignité des conditions d'accueil, comme nous le rappellent la CEDH – Cour européenne des droits de l'homme – et le Conseil constitutionnel.
Monsieur le garde des sceaux, pourquoi ne pas reprendre les mesures d'aménagement de fin de peine qui ont fait leurs preuves lors du premier confinement ? Tous les professionnels les réclament. Comment favoriser les peines alternatives, qui ne nuisent ni à la sécurité des personnes, ni à la protection de la société ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes FI et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Je connais votre humanité, madame la députée Untermaier, ainsi que la question qui vous préoccupe. La surpopulation carcérale, les conditions de détention, mais aussi les conditions de travail des personnels pénitentiaires, sont au cœur de mes préoccupations quotidiennes. La prison est nécessaire, car elle protège nos concitoyens, mais l'incarcération doit être digne (Mme Cécile Untermaier acquiesce), et je m'y emploie chaque jour.
La crise sanitaire a fait tomber de façon historique le nombre de détenus dans notre pays. En outre, nous comptabilisons toujours 8 000 détenus de moins par rapport au mois de janvier de l'année précédente. Il faut rester extrêmement vigilants, vous avez raison de le souligner. J'ai réuni, il y a quinze jours, les chefs de cour et les chefs de juridiction, pour leur demander d'accélérer la mise en œuvre des dispositions dites du bloc peine. Je tiens tout de même à vous rassurer : nous sommes passés de 3 % à 11 % s'agissant des aménagements de peine ab initio.
Pour le reste, je n'ai cessé de développer des alternatives. Je suis ainsi extrêmement attaché à la plateforme numérique appelée « TIG 360o ». Vous connaissez le contenu et le sens de la justice de proximité, avec la réduction des délais d'exécution. L'Assemblée nationale et le Sénat ont également adopté, en première lecture, la proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, qui permet de développer le TIG – travail d'intérêt général –, avec une exécution plus rapide.
Je vous annonce que nous avons trouvé 8 000 sites (M. le Premier ministre acquiesce) : la promesse du Président de la République de construire 15 000 places de prison sera donc tenue. Bien sûr, il ne s'agit pas d'incarcérer plus, mais d'incarcérer plus dignement.
Enfin, nous aurons l'occasion de discuter prochainement des mesures que nous impose le Conseil constitutionnel et dont l'examen a été retardé pour des raisons procédurales : M. le sénateur Buffet a en effet repris l'amendement ambitieux que j'avais déposé et que vous pourrez bien évidemment enrichir. Comme vous pouvez le constater, madame la députée, les préoccupations que vous évoquez sont véritablement les miennes et celles de l'ensemble du Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Auteur : Mme Cécile Untermaier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 mars 2021