Conséquences des essais nucléaires en polynésie
Question de :
M. Moetai Brotherson
Polynésie Française (3e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Question posée en séance, et publiée le 10 mars 2021
CONSÉQUENCES DES ESSAIS NUCLÉAIRES EN POLYNÉSIE
Mme la présidente. La parole est à M. Moetai Brotherson.
M. Moetai Brotherson. En matière d'essais nucléaires français dans le Pacifique, quelle confiance les Polynésiens peuvent-ils avoir en la parole de l'État ? Quelle confiance, quand l'actuel président du gouvernement polynésien admet devant la représentation locale avoir menti pendant trente ans, avec la bénédiction de l'État, à propos de ces essais ? Quelle confiance, quand l'État offre généreusement un bâtiment pour édifier un centre de mémoire et qu'on apprend quelques semaines plus tard que ce bâtiment est amianté, et donc voué à une destruction coûteuse ? Quelle confiance, après avoir appris que, quatre mois avant cette belle conférence de presse, un rapport remis au gouvernement polynésien et établissant clairement les clusters de cancers, notamment dans les îles Gambier, avait été tenu sous le boisseau et maintenu secret jusqu'à hier ?
Quelle confiance encore, lorsque le principal investissement de l'État en Polynésie depuis quinze ans est le système de surveillance géomécanique Telsite puis Telsite 2 et qu'on nous dit en même temps qu'il n'y a aucun risque d'effondrement de l'atoll de Mururoa ? Quelle confiance, enfin, lorsqu'une enquête menée pendant deux ans nous a révélé hier que c'est bien l'ensemble de la Polynésie, et pas seulement quelques îles, qui a été touché par les retombées des essais nucléaires atmosphériques, soit 110 000 personnes – la totalité de la population polynésienne de 1974 –, dont 10 000 ont reçu cinq fois la dose minimale requise pour être considéré comme victime d'une maladie radio-induite ?
Monsieur le Premier ministre, depuis 2017, chaque fois que je prends l'avion pour venir ici, il se trouve systématiquement sur mon vol des personnes victimes de maladies radio-induites. Ma question est donc simple : qu'êtes-vous réellement prêt à faire pour qu'un jour, le peuple polynésien puisse avoir confiance dans la parole de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Sandrine Mörch applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Permettez-moi, avant de répondre à votre question, de m'associer moi aussi aux hommages qui ont été rendus à Olivier Dassault et d'adresser mes pensées à sa famille, à ses amis et à ses collègues, ainsi qu'aux collaborateurs du groupe qui porte le nom de son illustre fondateur, Marcel Dassault.
Comme vous le savez, à la fin des essais nucléaires en Polynésie française, en 1996, les installations ont été entièrement démantelées et, à la demande du gouvernement français, une expertise radiologique a été menée par l'Agence internationale de l'énergie atomique entre 1996 et 1998, impliquant des experts de vingt nationalités différentes. Aujourd'hui, les demandes d'indemnisation des victimes des essais sont instruites par un Comité d'indemnisation des essais nucléaires, le CIVEN, devenu une autorité administrative indépendante qui, depuis 2013, ne relève plus en aucune façon du ministère des armées.
Pour établir cette confiance que vous appelez de vos vœux, le ministère continue d'assurer le suivi géologique de l'atoll de Mururoa avec le dispositif Telsite 2, en vue d'alerter les populations d'un éventuel risque de submersion pour le cas où des effondrements de blocs de falaises coralliennes se produiraient. Le ministère des armées exerce une surveillance radiologique continue et des campagnes de prélèvements ont lieu pour informer en toute transparence les élus et la population. Enfin, des opérations de dépollution, que vous connaissez, sont menées.
En 2014, le ministère des armées a également commandé une enquête à l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, pour faire le bilan des connaissances scientifiques internationales sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires. Ce travail indépendant devait permettre d'évaluer la nécessité de conduire une étude épidémiologique, comme le demandent les associations locales. Il a été rendu public le 23 février par l'INSERM. Les services de l'État et les services compétents de la Polynésie française, sans oublier, bien sûr, les nombreuses associations, étudieront donc ses conclusions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. Moetai Brotherson
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Armées
Ministère répondant : Armées
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 mars 2021