Levée des brevets sur les vaccins contre la covid-19
Question de :
M. Ugo Bernalicis
Nord (2e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 12 mai 2021
LEVÉE DES BREVETS SUR LES VACCINS CONTRE LA COVID-19
M. le président. La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Le 20 juin dernier, Emmanuel Macron disait que le vaccin devrait être un bien public mondial. Or la France a voté à deux reprises, en octobre et en mai, contre une proposition de lever les brevets, déposée notamment par l'Inde et l'Afrique du Sud auprès de l'OMC. L'aréopage des ministres nous a alors expliqué pendant des semaines que la levée des brevets ne servait à rien. Pire : elle nuirait à l'innovation et à la recherche. Rappelons que, jusqu'en 1959, il n'était pas possible de breveter les vaccins. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Le monarque présidentiel a été récemment frappé par la grâce états-unienne du président Biden qui approuve la levée des brevets. Celle-ci n'est évidemment pas une condition suffisante : il faut aussi obliger les industries pharmaceutiques à intensifier la production des vaccins contre la covid-19, en supprimant les barrières qui pèsent sur les capacités d'approvisionnement, en partageant les technologies et en mettant fin au monopole qu'ils détiennent sur leurs vaccins respectifs.
Selon l'UNICEF, le Fonds des Nations unies pour l'enfance, seulement 43 % des capacités mondiales de production de vaccins sont actuellement utilisés. Oxfam a récemment pointé du doigt les entreprises Moderna et Pfizer-BioNTech qui, fortes de subventions publiques, rationnent artificiellement l'approvisionnement en vaccins. Face à ce refus de partager la technologie, les États doivent procéder à des réquisitions et à des mises en partage. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) Alors que les variants se multiplient et que la situation en Inde s'aggrave, l'urgence est là.
En voyant les Indiens mourir, je ne peux que regretter que l'usine de bouteilles d'oxygène médical Luxfer n'ait pas été sauvée. Nous sommes en train de perdre la course de la maîtrise de cette pandémie, en raison de l'appât du gain et de la défense idéologique des profits de quelques-uns. Vos tergiversations, depuis un an, démontrent un aveuglement cupide qui tue en Inde, en Afrique et en France. La pandémie étant mondiale, il faut produire partout des vaccins et des remèdes libres de brevet. Quand allez-vous enfin proposer une résolution à l'OMC pour demander la levée des brevets ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. À propos de grâce, cela me fascine de voir que, depuis quelques jours, votre leader n'est plus Jean-Luc Mélenchon mais Joe Biden. Quelle est la réalité, au-delà des slogans ? En matière de bien public mondial, nous agissons au lieu de nous contenter de parler. Cela fait un an que la France et l'Europe défendent l'idée du vaccin comme un bien public mondial, ce qui ne revient pas, aujourd'hui, à lever les brevets. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Ce débat viendra en son temps, mais je maintiens que cette mesure ne servirait actuellement à rien.
M. Pierre Dharréville. L'OMC dit l'inverse !
M. Clément Beaune, secrétaire d'État . En ce moment, il faut produire, exporter, donner des doses aux pays qui en ont besoin. Qui le fait ? La France et l'Europe. Alors que les exportations des États-Unis s'élèvent à zéro, l'Europe et la France ont exporté 200 millions de doses vers les pays d'Afrique, les pays qui en ont besoin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Nous exportons la moitié de notre production, ce qui est notre honneur et notre devoir. C'est ainsi que nous répondons aux difficultés réelles.
Nous aurons un débat sur les brevets. Soulignons cependant que même la directrice générale de l'OMC, Mme Ngozi Okonjo-Iweala, a indiqué aujourd'hui que ce n'était pas la priorité. Puisque nous partageons l'objectif de donner à tous concrètement un accès aux vaccins, continuons de soutenir l'initiative Covax. Je me réjouis de voir les États-Unis décidés à donner des vaccins comme nous le faisons depuis un an,…
Mme Mathilde Panot. Faux !
M. Clément Beaune, secrétaire d'État . …car cela permet de livrer des doses aux soignants africains. C'est la France qui a commencé ces livraisons dès le mois d'avril…
Mme Mathilde Panot. Faux !
M. Clément Beaune, secrétaire d'État . …et elle va les poursuivre.
M. le président. Ne criez pas, vous gênez Mme Autain !
M. Clément Beaune, secrétaire d'État . Nous sommes ouverts à toutes les solutions.
M. Ugo Bernalicis. Ce n'est pas vrai !
M. Clément Beaune, secrétaire d'État . Quoi qu'il en soit, le problème n'est pas la propriété intellectuelle des vaccins, c'est leur production et leur exportation. Le week-end dernier, le Président de la République a demandé au président des États-Unis et au Premier ministre britannique de lever les interdictions d'exportation. Si vous voulez combattre la pandémie, joignez-vous à cette demande. C'est la priorité du moment ; nous travaillerons ensuite sur les brevets. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Auteur : M. Ugo Bernalicis
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Pharmacie et médicaments
Ministère interrogé : Affaires européennes
Ministère répondant : Affaires européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 mai 2021