Question au Gouvernement n° 4046 :
Fonctionnement de la justice pendant la crise sanitaire

15e Législature

Question de : Mme Anne-Laure Blin
Maine-et-Loire (3e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 19 mai 2021


FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE PENDANT LA CRISE SANITAIRE

M. le président. La parole est à Mme Anne-Laure Blin.

Mme Anne-Laure Blin. Notre pays s'embrase ; il se consume même partout à petit feu. Nos forces de l'ordre et nos militaires tirent la sonnette d'alarme, mais le Gouvernement reste impassible. Pis, il dément les dysfonctionnements avérés de notre État de droit. Notre justice vacille en raison de la situation sanitaire. Votre gouvernement a fait des choix. Partout en France des réductions de peine ou des jugements de libération hâtifs ont été prononcés – je pense évidemment aux « libérés covid ». Sous prétexte de vouloir soulager la surpopulation carcérale, des milliers de détenus ont été libérés par différents moyens. Malheureusement, plutôt que de reconnaître les dérives liées à ces libérations anticipées, vous vous obstinez à affirmer qu'il n'y a aucun problème.

Comment M. le garde des sceaux peut-il affirmer dans les médias – ce qu'il a fait à plusieurs reprises – que notre justice n'a en aucun cas failli alors qu'une jeune fille mineure a pu être violée, en octobre dernier, par un homme condamné pour des faits de violences conjugales et libéré de manière anticipée afin de « limiter les conséquences d'une éventuelle propagation du virus au sein de son établissement pénitentiaire » – tels sont expressément les termes du jugement ?

Monsieur le Premier ministre, quand reconnaîtrez-vous qu'une erreur a été commise dans notre chaîne pénale ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Pardon de vous le dire, madame la députée, mais vous mélangez les sujets. Je vais m'efforcer de répondre à vos interrogations légitimes.

L'affaire que vous évoquez renvoie à une décision prise par un juge de l'application des peines (JAP) sur la base de plusieurs critères, en l'occurrence des critères traditionnels pour une telle affaire. Quant aux libérations intervenues au moment du confinement, il s'agit d'une tout autre question.

Permettez-moi de rappeler qu'il y avait en France, lors du déclenchement de la crise sanitaire, 71 600 détenus pour 61 000 places, soit un taux d'occupation moyen des prisons de 140 %. Chacun garde en mémoire les mutineries sanglantes intervenues en Italie, au Brésil et au Venezuela, les prises d'otages et les nombreux morts. Grâce à la décision que nous avons prise de libérer des détenus lors du confinement, nous avons limité la casse. Trois membres du personnel pénitentiaire sont morts de la covid-19 et des milliers de malades ont été dénombrés chez les détenus et au sein du personnel de l'administration pénitentiaire, auquel je veux d'ailleurs rendre hommage.

Vous aviez moins d'états d'âme lorsque vous étiez au pouvoir et que vous libériez, tous les 14 juillet, 3 000 à 4 000 détenus sans aucune autre raison que de faire de la régulation pénale qui ne portait pas son nom ! (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Pierre Cordier. C'était sous François Hollande, pas sous Nicolas Sarkozy !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Il était absolument indispensable de prendre les mesures que nous avons prises. Et cessez de dire que ce sont des criminels endurcis qui ont été libérés, puisque la règle que nous avons fixée était de ne libérer ni les violeurs, ni les auteurs de violences conjugales ! J'ajoute que les détenus libérés de manière anticipée l'auraient de toute façon été de manière imminente, dans la mesure où il s'agissait de détenus dont la fin de la peine devait intervenir au terme du confinement.

Voilà ce que nous avons fait et que nous avons bien fait de faire ! Qu'auriez-vous dit si nous n'avions rien fait et si la population pénale et les membres de l'administration pénitentiaire avaient été atteints en masse par la pandémie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Émilie Bonnivard proteste.)

M. Pierre Cordier. Et le viol alors ?

M. le président. La parole est à Mme Anne-Laure Blin.

Mme Anne-Laure Blin. Monsieur le garde des sceaux, vous connaissez l'affaire dont je vous parle et vous savez qu'il est écrit noir sur blanc dans le jugement que le condamné a été libéré pour raison de covid-19 et de surpopulation carcérale.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Non, ce n'est pas vrai !

Mme Anne-Laure Blin. Pis, le juge de l'application des peines reconnaît dans sa décision que le risque de récidive, d'agression sexuelle et de viol est avéré et élevé.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C'est faux !

Mme Anne-Laure Blin. C'est écrit !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C'est incroyable !

Mme Anne-Laure Blin. Répondez-à ma question !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Lisez le jugement !

Données clés

Auteur : Mme Anne-Laure Blin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mai 2021

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