Question au Gouvernement n° 4125 :
Réforme de l'allocation aux adultes handicapés

15e Législature

Question de : M. Jean-Louis Bricout
Aisne (3e circonscription) - Socialistes et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 16 juin 2021


RÉFORME DE L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, nous le savons, l'allocation aux adultes handicapés – AAH – n'assure pas l'autonomie financière des bénéficiaires tout au long de leur vie, les rendant dépendants dans leur vie de couple. C'est la raison pour laquelle notre groupe soutient la proposition de loi du groupe de la gauche démocrate et républicaine, qui sera débattue jeudi prochain, et qui propose de corriger cette injustice.

Le débat est simple, la question est claire : l'AAH est-elle un minimum social ou une prestation d'autonomie d'existence permettant de pallier le handicap ? En commission, votre majorité a fait le choix de détricoter la mesure permettant de conserver une AAH versée indépendamment des revenus du couple.

Un député du groupe GDR. Ouh !

M. Jean-Louis Bricout. Faut-il que les adultes handicapés renoncent à être en couple pour ne pas perdre leur allocation ? Faut-il laisser en l'état un tel dispositif, qui contrarie la vie sentimentale des bénéficiaires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR, LT, FI et GDR.) Mettez-vous aussi un instant à la place des parents d'adultes handicapés, nombreux à s'inquiéter des conditions de vie de leurs enfants après eux.

Madame la secrétaire d'État, votre bilan pour le handicap est plus que mitigé. Certes, l'AAH a été revalorisée, mais, en même temps, vous avez modifié le plafond des ressources pour les bénéficiaires en couple, sortant ainsi 100 000 d'entre eux du dispositif. C'est scandaleux !

Le moment est venu de vous rattraper. Ne commettez pas la faute politique et morale de refuser cette proposition de loi. Vous devez porter haut et fort l'exigence d'émancipation, de bienveillance, de justice et de liberté, autant de valeurs fondamentales qui doivent présider à notre vision de l'allocation aux adultes handicapés. Je vous exhorte à reprendre le lien avec la réalité, la solidarité et l'humanité : jeudi matin, accepterez-vous cette proposition ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LT, FI et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Vous évoquez l'autonomie des personnes en situation de handicap, qui, il est très important de le rappeler, est au cœur de la mission du Gouvernement depuis 2017,…

M. Stéphane Peu. On ne dirait pas !

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État . …et nous pouvons en être fiers : 51 milliards d'euros mobilisés chaque année pour que les personnes en situation de handicap puissent être des citoyens comme les autres, droit à l'éducation et à la formation dès le plus jeune âge, droit de travailler, droit d'être parent, droit de se loger décemment, droit d'être accompagné selon les besoins. En 2020, 11 milliards d'euros ont été consacrés à l'AAH, qui a connu deux vagues inédites de revalorisation, portant son montant à 903 euros,…

M. Stéphane Peu. La question n'est pas le montant, c'est l'autonomie !

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État . …soit une hausse de 12 % pour ses 1,2 million de bénéficiaires, contre 6 % lors du quinquennat précédent, le vôtre, monsieur le député. (Vives protestations sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)

Vous parlez d'injustice : nous sommes le Gouvernement qui a donné des droits à vie, nous sommes le Gouvernement qui a redonné le droit de vote aux majeurs protégés sous tutelle. Je l'affirme avec force, la déconjugalisation de l'AAH remettrait en cause le principe même sur lequel est bâti notre système de solidarité (Protestations prolongées et huées sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe LR.), un système où la solidarité nationale s'appuie sur la solidarité familiale, pour soutenir ceux qui en ont le plus besoin, ce qui est par définition le rôle d'un minimum social.

Demanderez-vous aussi la déconjugalisation du RSA, des pensions de réversion, des aides personnalisées au logement ? La déconjugalisation ferait 40 000 perdants parmi les personnes en situation de handicap qui travaillent. Comment justifierez-vous que certains perdent l'AAH au profit de foyers plus aisés ? (Vives protestations et huées sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR. – Les protestations et le bruit se poursuivent tout au long de l'intervention de la secrétaire d'État.)

M. Maxime Minot. Un peu de conviction madame, arrêtez de lire votre fiche !

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État . Tel n'est pas mon projet ni celui du Gouvernement, qui est celui de la justice sociale : bien plus équitable que la conjugalisation, notre dispositif d'abattement forfaitaire sur les revenus du conjoint est une mesure redistributive : grâce à ce nouveau mode de calcul, les 120 000 personnes qui touchent le SMIC percevront 150 euros de plus par mois. C'est un engagement politique concret, rapide, opérationnel, bien loin d'une politique d'incantation qui ferait des perdants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Maxime Minot. Heureusement que vous n'êtes pas présidente de région !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Non seulement vous ne répondez pas à la question,…

M. Maxime Minot. Comme d'habitude !

M. Jean-Louis Bricout. …mais votre réponse est méprisante, pour ne pas dire humiliante, pour le monde du handicap. J'espère que, d'ici à jeudi, vous vous reprendrez et serez en faveur de cette disposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR et GDR.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Louis Bricout

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Personnes handicapées

Ministère interrogé : Personnes handicapées

Ministère répondant : Personnes handicapées

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 juin 2021

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