Distribution de la propagande électorale
Question de : M. François-Michel Lambert (Provence-Alpes-Côte d'Azur - Libertés et Territoires), posée en séance, et publiée le 30 juin 2021
DISTRIBUTION DE LA PROPAGANDE ÉLECTORALE
M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert. Monsieur le ministre de l'intérieur, les élections départementales et régionales ont été caractérisées par de grands dysfonctionnements dans la distribution des enveloppes contenant les professions de foi et bulletins de vote des candidates et des candidats.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est vrai !
M. François-Michel Lambert. Le second tour qui s'est tenu dimanche dernier n'a fait que confirmer ces manquements qui posent un réel problème d'équité.
De nombreuses remontées de ces dysfonctionnements vous ont été transmises par l'intermédiaire du comité de suivi des élections, dont mon groupe, Libertés et territoires, avait obtenu la création. C'est ainsi que la propagande destinée à un canton de la Marne où notre collègue Charles de Courson a été brillamment réélu s'est retrouvée dans la boîte aux lettres du président Bertrand Pancher, qui réside dans la Meuse. Vous reconnaîtrez que c'est assez cocasse ! Que dire des bulletins retrouvés dans les poubelles ou dans les bois, par exemple dans le département de la Côte-d'Or ?
M. Pierre Cordier. Et dans les Ardennes !
M. François-Michel Lambert. Dans certaines zones rurales, près de 60 % de ces documents n'ont pas été distribués.
Disons-le également : cela ne doit en rien masquer la lourde défaite que votre majorité a subie dans les urnes – votre score de 7 % constitue un record. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Les syndicats d'Adrexo dénoncent des pratiques managériales déplorables, fondées sur la précarité des salariés, en particulier sur le recours à des sans-papiers qui mériteraient d'être soutenus et régularisés. Nul ne peut croire que cette société a accepté une activité surdimensionnée par rapport à sa capacité dans une sorte de cavalerie dont elle est coutumière. Monsieur le ministre, comment a-t-on pu attribuer un marché public à Adrexo alors que, de longue date, l'insuffisance caractérisée de son service est connue de tous ?
M. Pierre Cordier. C'est vrai ! Il a raison !
M. François-Michel Lambert. Monsieur le ministre, quelles sanctions comptez-vous prendre contre cette société aux pratiques opaques ayant échappé de peu au redressement judiciaire avec le suivi bienveillant de Bercy ? Monsieur le ministre, ne faut-il pas se poser des questions sur le dysfonctionnement d'une administration dont vous avez la responsabilité ?
M. Pierre Cordier. C'est exact !
M. François-Michel Lambert. Monsieur le ministre, quand ferez-vous confiance non pas à l'ultralibéralisme, mais bien au service public et, en premier lieu, à La Poste, pour redonner espoir aux Français et à la démocratie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et FI ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Vous me demandez comment on en est arrivé à confier à la société Adrexo la distribution de la propagande électorale pour la moitié de la France.
M. Pierre Cordier. Ce n'est pas la question !
Mme Valérie Beauvais. C'est une formulation subjective !
M. Gérald Darmanin, ministre . Je répète tout d'abord que nous avons connu des dysfonctionnements graves et inacceptables ; il n'y a pas de doute sur ce point. Cependant, tout en reprochant ces dysfonctionnements graves à la société Adrexo – je l'ai convoquée moi-même à plusieurs reprises à mon ministère pour demander qu'il y soit mis fin, vous avez eu raison de le répéter –, je veux rappeler qu'il y a, derrière cette entreprise, des centaines de salariés qui se posent des questions sur leur avenir. Les difficultés financières qu'elle rencontre sont connues, mais je ne voudrais pas jeter le bébé avec l'eau du bain : je souhaite entendre aussi les arguments de ses responsables, même si, bien sûr, le ministère de l'intérieur s'intéressera avec acuité et responsabilité à la poursuite de ce marché.
Pourquoi ce marché, demandez-vous ? En 1997 puis en 2002, deux directives européennes ont libéralisé l'envoi postal, dont celui de la propagande électorale.
Mme Danielle Brulebois. Exactement !
M. Gérald Darmanin, ministre . En 2005, une loi votée par le Parlement a inscrit la propagande électorale dans la « privatisation » – je mets des guillemets à ce mot. En 2010, un premier appel d'offres a été lancé, et seule La Poste était validée par l'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse. Depuis plusieurs années, alors que l'appel d'offres a été relancé, l'ARCEP a validé uniquement deux sociétés : La Poste et Adrexo.
M. Guy Bricout. Il faut revenir en arrière !
M. Gérald Darmanin, ministre . Ce n'est pas un choix du ministère de l'intérieur, mais une décision d'une autorité administrative indépendante – nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler dans le cadre de la commission d'enquête parlementaire.
Le ministre de l'intérieur est obligé de rendre des lots concurrentiels, c'est-à-dire qu'il ne doit pas y avoir de monopole pour une société. Je vous propose donc un problème de mathématiques : comment le ministre de l'intérieur et ses services peuvent-ils permettre que la concurrence s'exerce quand ils ne peuvent faire appel qu'à deux sociétés ? Je vous laisse répondre.
J'ai suggéré au Premier ministre de proposer au Parlement de réinternaliser, en dépit de la directive européenne, l'intégralité des opérations électorales,…
M. Jean-Luc Mélenchon. Ah !
M. Gérald Darmanin, ministre . …la mise sous pli comme la distribution. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Vive l'État ! À bas le marché !
M. Gérald Darmanin, ministre . Je crois que nous aurions tous intérêt, à la suite des conclusions du Parlement, que cela s'applique assez rapidement, et même dès la prochaine élection présidentielle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. François-Michel Lambert (Provence-Alpes-Côte d'Azur - Libertés et Territoires)
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Élections et référendums
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 juin 2021