Crise de la filière bois
Question de :
M. Jean-Paul Dufrègne
Allier (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Question posée en séance, et publiée le 14 juillet 2021
CRISE DE LA FILIÈRE BOIS
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M. Jean-Paul Dufrègne. Dans l'Allier, où je suis élu, se trouve la forêt de Tronçais, plus belle chênaie d'Europe. Ma question concerne la pénurie de bois que connaît en ce moment le pays du fait des exportations vers la Chine…
Un député du groupe LR . Il a raison !
M. Jean-Paul Dufrègne. …qui capte nos richesses et la plus-value économique qu'elles pourraient engendrer pour la France.
Un chêne français sur trois part en Chine sans avoir subi aucune transformation sur le territoire. Dans le même temps, les scieries françaises sont empêchées de tourner à plein régime faute de bois, alors que la relance est là et que les commandes affluent. Si ce problème d'approvisionnement touche déjà 90 % des scieries de chêne, il s'étendra bientôt au résineux, pilier du bois de construction et de la palette. La situation va encore s'aggraver avec la décision prise par la Russie de bloquer ses exportations de grumes et de sciages à partir du 1er juillet 2021, alors que 70 % des bois russes partaient jusqu'alors en Chine, laquelle a interdit la récolte de chênes sur son territoire durant quatre-vingt-dix-neuf ans, et plafonné la récolte de résineux.
C'est une fuite des ressources forestières et un gâchis économique pour la France, mais aussi un gâchis écologique, car le chêne est une véritable pompe à carbone, à quoi s'ajoutent les émissions liées au transport des grumes jusqu'en Chine.
De plus, le Gouvernement prévoit la suppression de près de 500 postes au sein de l'Office national des forêts (ONF) dans le cadre du contrat État-ONF 2021-2025. Or ce n'est pas en affaiblissant l'ONF qu'on réglera ces questions. Les communes forestières sont elles aussi inquiètes de la dégradation à venir du maillage territorial.
La filière bois a besoin du soutien de l'État. Quelles décisions fortes comptez-vous prendre pour répondre à la situation et enrayer rapidement l'export massif et incontrôlé du bois français, tout en maintenant la capacité de gestion et d'action de l'ONF ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la biodiversité. Votre question est double : tout d'abord, elle illustre la responsabilité majeure de l'ONF en matière de gestion des forêts publiques mais également s'agissant de la politique forestière et de la vision que nous défendons au niveau national.
Avec la reprise de l'activité, nous constatons en effet de fortes tensions sur les matières premières, causant d'importantes hausses des prix. C'est dans ce cadre que le sujet que vous évoquez est devenu prioritaire, notamment s'agissant de l'approvisionnement de nos scieries.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, le Gouvernement a fait adopter un amendement visant à créer une obligation de qualification pour les opérateurs qui commercialisent ces grumes : c'est un premier pas.
M. Pierre Cordier. Insuffisant !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État . Il s'agit de nous donner des leviers pour agir, ce travail ayant été engagé ici même, au sein du groupe d'études « Forêt, bois, nouveaux usages et industrie du bois », dont je salue le coprésident, Rémy Rebeyrotte. Il nous faut trouver des réponses, par exemple dans le taux de contractualisation, qui a considérablement augmenté au cours des dernières années.
Face au développement des exportations de grumes de chêne en dehors de l'Union européenne, l'État et les communes forestières ont décidé dès 2018 que l'accès aux ventes publiques de l'ONF nécessiterait dorénavant l'engagement d'assurer la première transformation sur notre sol. La forêt publique représente en France 50 % du volume des chênes : cette mesure est donc extrêmement forte. Même si une récente décision du Conseil d'État va nous conduire à revoir les modalités de ce dispositif, le principe n'en est pas remis en cause.
Par conséquent, l'ONF se trouve pleinement engagé en la matière. Il nous est indispensable ; le Gouvernement le soutient, comme il soutient tous ceux qui y travaillent. Il fait face au défi structurel du changement climatique, mais aussi à une dette de 450 millions d'euros, sur laquelle vous avez appelé notre attention : certaines décisions devaient être prises en vue de sa pérennité. C'est ce que nous faisons avec de nouveaux crédits, avec une subvention d'équilibre, avec le plan de relance ; nous veillerons à ce que les communes forestières comme tous les opérateurs y soient pleinement associés.
Auteur : M. Jean-Paul Dufrègne
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Bois et forêts
Ministère interrogé : Biodiversité
Ministère répondant : Biodiversité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 juillet 2021