Question au Gouvernement n° 4422 :
Refus de la libération conditionnelle de Pierre Alessandri

15e Législature

Question de : M. Jean-Félix Acquaviva
Haute-Corse (2e circonscription) - Libertés et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 20 octobre 2021


REFUS DE LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE DE PIERRE ALESSANDRI

M. le président. La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Monsieur le Premier ministre, pour la deuxième fois consécutive, Pierre Alessandri, l'un des trois membres du commando dit Érignac, vient de se voir refuser une libération conditionnelle en appel. Il a effectué sa peine et a même dépassé de plus de quatre ans la période de sûreté de dix-huit ans à laquelle il avait été condamné. À chaque fois, son projet de réinsertion est validé par tous les experts et toutes les commissions locales de l'administration pénitentiaire, de même que par les juges en première instance. Le parquet national antiterroriste (PNAT) a cependant fait appel à chaque fois, pour aboutir in fine à un refus obstiné.

Le motif invoqué cette fois-ci par la cour d'appel de Paris, « trouble à l'ordre public ayant déstabilisé durablement les institutions de la République », démontre que le traitement du prisonnier Alessandri est, à l'instar de celui réservé à Alain Ferrandi et à Yvan Colonna, politique et motivé par une vengeance aujourd'hui décomplexée. Cette même logique vous avait déjà conduit en janvier dernier, monsieur le Premier ministre, à refuser la levée, pourtant fondée, du statut de détenu particulièrement signalé (DPS), empêchant ainsi tout rapprochement dans l'île et pénalisant encore les familles par la double peine.

Toute la Corse respecte profondément la douleur de la famille Érignac, mais respecter la douleur des familles endeuillées ne peut conduire en aucun cas à accepter la vengeance d'un État profond, qui fait tout pour qu'au détriment des droits les plus élémentaires de ces hommes et de leurs familles, une peine de mort déguisée se cache derrière une perpétuité réelle et à tout prix. Montesquieu écrivait qu'il n'y avait point « de plus cruelle tyrannie que celle que l'on exerce à l'ombre des lois et avec les couleurs de la justice. » Alors que nous venons de célébrer le quarantième anniversaire de l'abolition de la peine de mort, la tyrannie et la haine manifestées dans ce dossier viennent scier les fonts baptismaux des principes démocratiques et républicains.

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous permettre le transfert de ces hommes en Corse, de même que l'exercice de leur droit à la réinsertion ? Quand allez-vous tourner le dos à la vengeance et à la haine pour consolider enfin les voies de la paix construites dans l'île ? (MM. Michel Castellani et Jean Lassalle applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Tous les représentants de la République doivent respecter les décisions de justice : c'est ce que je fais ! Vous avez évoqué devant la représentation nationale l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 7 octobre, qui a confirmé le jugement rendu en première instance le 27 juillet par le tribunal d'application des peines de Paris. Vous l'avez dit, la cour d'appel a refusé de faire droit à la demande d'aménagement de peine formulée par M. Pierre Alessandri, condamné en 2003 à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Érignac. Il ne m'appartient pas, vous le savez parfaitement, de commenter les décisions de justice, qui s'appliquent à moi comme à vous. Je ne peux pas laisser dire que cet arrêt serait, en quoi que ce soit, l'instrument d'une vengeance de l'État, celui-ci n'étant pas ici pour se venger.

Vous avez également abordé la question du maintien du statut de DPS : je voudrais, là aussi, rappeler à la représentation nationale que le registre de ces détenus particulièrement signalés est un répertoire national qui regroupe les détenus « appartenant à la criminalité organisée ou reliés aux mouvances terroristes. » L'inscription sur cette liste a pour effet de maintenir le détenu dans une maison centrale, c'est-à-dire un établissement comportant une organisation et un régime de sécurité renforcés, ce qui n'est pas le cas, comme vous le savez également, du centre pénitentiaire de Borgo ou de la maison d'arrêt d'Ajaccio en Corse.

Nous verrons bien ce que proposera la commission composée de magistrats et de représentants des forces de l'ordre et des fonctionnaires, qui, là encore vous le savez, doit réviser, dans quelques semaines, la liste des DPS, laquelle compte actuellement quelque 300 personnes. Comme nous l'avons toujours fait, nous prendrons en toute objectivité et impartialité les décisions qui s'imposent.

Je veux dire à la représentation nationale que je ne suis animé vis-à-vis de la Corse, où j'entends bien me rendre dans quelques semaines, d'aucun esprit de vengeance. L'État conservera à l'égard de la Corse sa totale impartialité ; il souhaite d'ailleurs s'engager avec les élus de l'île sur le chemin d'un développement, comme il le fait avec l'ensemble des territoires de la République, auxquels, vous le savez, je suis particulièrement attaché. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Félix Acquaviva

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 octobre 2021

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