Procédure contre un magistrat
Question de :
M. Pascal Brindeau
Loir-et-Cher (3e circonscription) - UDI et Indépendants
Question posée en séance, et publiée le 27 octobre 2021
PROCÉDURE CONTRE UN MAGISTRAT
M. le président. La parole est à M. Pascal Brindeau.
M. Pascal Brindeau. Ma question s'adresse au garde des sceaux et concerne l'indépendance de la justice, condition de notre État de droit et fondement de la démocratie.
À partir de demain et pour trois jours, le magistrat Charles Prats, juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Paris, sera interrogé par l'Inspection générale de la justice dans le cadre d'une enquête administrative et disciplinaire que vous avez diligentée à son encontre voici plusieurs mois et qui a fait l'objet d'une fuite et d'un long article dans le journal Libération la semaine passée. Ma question est simple : quels sont les griefs, les motivations de cette procédure à l'encontre d'un magistrat par ailleurs engagé syndicalement et politiquement puisqu'il est secrétaire national de l'UDI ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Si vous avez lu l'article du journal Libération, une première évidence s'impose, ce n'est pas la Chancellerie qui a fait fuiter puisque c'est un article en faveur de Charles Prats.
Ensuite, les faits qui font ou qui feront l'objet d'un examen par l'Inspection générale de la justice sont très anciens et remontent bien avant mon arrivée au ministère de la justice. Ils ont fait, comme toujours, l'objet d'échanges entre chefs de cour, chefs de juridiction, intéressés et services de la direction des services judiciaires – la DSJ. La DSJ a un bureau de déontologie qui demande au ministre de saisir l'Inspection générale de la justice : j'ai suivi les recommandations de mon administration sur ce point. J'indique – vous l'ignorez sans doute – que le Conseil d'État dans une jurisprudence désormais archi-constante rappelle qu'une Inspection générale de la justice ne fait pas grief. Il convient également de rappeler qu'elle est composée de magistrats totalement indépendants.
M. Sébastien Jumel. Ce n'est pas une réponse !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Je suis ravi que vous me posiez la question parce que j'ai lu et j'ai entendu un certain nombre de choses sur cette affaire et je veux vous rassurer : je suis très attaché à l'indépendance et à la liberté juridictionnelles.
M. Ugo Bernalicis. Je ne crois pas !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux . Il n'est pas question de penser, ne fût-ce que l'ombre de l'ombre d'une seconde, que M. Prats se verrait objet d'une enquête du fait qu'il libérerait beaucoup de gens. J'ai lu ça, mais je ne sais pas d'où ça sort. Évidemment, c'est une ineptie. La liberté juridictionnelle est totalement garantie dans notre pays, et fort heureusement.
Pour le reste, comme M. Prats est membre de l'UDI, je suggère que vous lui demandiez vous-même ce qu'il peut vous dire sur cette enquête, parce que moi je ne peux pas m'exprimer sur cette question. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Brindeau.
M. Pascal Brindeau. Monsieur le garde des sceaux, je pense que nous n'avons pas lu le même article la semaine dernière : celui de Libération n'était pas vraiment en faveur du magistrat Charles Prats. Pour être plus précis et éclairer la représentation nationale, j'indique que cette enquête a été diligentée quelques jours après que le parquet a rejeté la saisine au titre de l'article 40 du code pénal à l'encontre de M. Nicolas Revel, ancien directeur de la Caisse nationale de l'assurance maladie et directeur de cabinet du Premier ministre, pour des déclarations contradictoires qu'il avait faites sous serment devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les fraudes.
M. Thibault Bazin. C'est très grave !
M. Pascal Brindeau. Doit-on y voir de la rétorsion politique ?
M. Ugo Bernalicis. Évidemment !
M. Pascal Brindeau. En réalité, votre gouvernement ne supporte pas les vérités assénées par Charles Prats sur la réalité et l'ampleur de la fraude sociale dans notre pays. D'avocat, vous vous êtes mu en procureur politique (« Oh là là ! » sur quelques bancs du groupe LaREM) contre un magistrat qui ne s'est jamais exprimé publiquement dans le champ de ses missions professionnelles. Est-ce qu'Éric Halphen, qui a soutenu publiquement le candidat Emmanuel Macron, posant en photo avec son titre de conseiller à la Cour d'appel de Paris, a été l'objet d'une telle procédure disciplinaire ? Je pourrais multiplier les exemples de magistrats qui ont des engagements syndicaux, qui ont des engagements politiques, qui exercent des mandats locaux et qui ne sont pas inquiétés au titre de leur devoir de réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.) Faut-il donc être UDI et dénoncer la fraude pour se voir flageller par le ministre de la justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.)
Auteur : M. Pascal Brindeau
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 octobre 2021