Question au Gouvernement n° 4476 :
Désertification médicale

15e Législature

Question de : M. Patrice Perrot
Nièvre (2e circonscription) - La République en Marche

Question posée en séance, et publiée le 3 novembre 2021


DÉSERTIFICATION MÉDICALE

M. le président. La parole est à M. Patrice Perrot.

M. Patrice Perrot. Aujourd'hui, je veux lancer devant vous un cri d'alarme, un cri du cœur. Je sais que beaucoup se reconnaîtront dans mon propos, notamment ma collègue Nicole Le Peih, très engagée dans ce combat, ainsi que de nombreux autres députés comme ceux qui m'entourent.

La désertification médicale des zones rurales et des villes moyennes ne cesse de progresser. Dans un grand nombre de nos circonscriptions, notamment dans la Nièvre, les interpellations d'une urgence absolue sont quotidiennes. Elles proviennent des associations citoyennes, des élus, des membres de la communauté médicale et paramédicale, et concernent les difficultés quasi insurmontables que tous rencontrent pour faire venir s'installer des médecins généralistes et spécialistes en exercice libéral ou des praticiens hospitaliers.

Mme Agnès Thill. Tout à fait ! Il a raison !

M. Patrice Perrot. Pour les habitants de ces territoires souvent défavorisés, qu'ils soient ruraux ou classés quartiers prioritaires de la ville, accéder à la médecine de ville devient difficile, critique, voire impossible.

Nous héritons aujourd'hui de dizaines d'années d'immobilisme en la matière, nous ne l'oublions pas.

Si notre majorité s'est rapidement affairée pour qu'à l'horizon 2030 la tendance s'inverse, et je m'en félicite, elle n'a pas encore reçu d'écho favorable à ses propositions pour endiguer la désertification médicale immédiate, s'agissant en particulier de la possibilité d'une contrainte d'installation des médecins généralistes et spécialistes au cœur de nos déserts médicaux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et SOC.)

Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, vous l'aurez compris, nous sommes fort préoccupés de la santé des habitants de nos territoires et des grandes difficultés auxquelles notre hôpital public se trouve confronté – j'en veux pour preuve leur dépendance grandissante à l'emploi de médecins intérimaires. Quelles initiatives comptez-vous prendre afin d'apporter à court terme des solutions à la hauteur des enjeux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Cécile Untermaier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Vous avez raison, monsieur le député, la France manque de médecins. J'irai même plus loin : la France a organisé sa propre pénurie en médecins. Elle l'a fait patiemment, pendant cinquante ans.

Mme Valérie Beauvais. Cinquante ans ? N'exagérons rien !

M. Olivier Véran, ministre . Je vous donne quelques chiffres intéressants pour se faire une idée. Le numerus clausus, machine à empêcher les jeunes à apprendre la médecine en France, a été instauré en 1972 pour faire face à ce qui était appelé la pléthore médicale. C'était le début de la maîtrise médicalisée : l'État, voulant maîtriser les dépenses de santé, a considéré que s'il y avait moins de médecins, il y aurait moins de consultations, et que cela coûterait donc moins cher. C'était il y a cinquante ans. Le nombre de jeunes médecins en formation en France était alors limité à 8 600. Ce nombre est tombé par la suite : lorsque j'ai passé le concours, il était fixé à 3 500. Vous imaginez ce que cela signifie à l'échelle du pays.

Il y a eu une prise de conscience au début des années 2000. Je donne quelques chiffres pour que chacun soit renvoyé à son propre bilan.

M. Sébastien Jumel. Il faut se tourner vers l'avenir !

M. Olivier Véran, ministre . En 2007, on comptait 7 100 médecins formés par an. En 2012, c'est-à-dire à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy – je me tourne vers les bancs de droite –, il y en avait 7 500, soit 400 de plus par an en cinq ans. On restait sous le nombre de médecins formés en 1972 quand la France comptait 15 millions d'habitants en moins et que sa population vivait quinze ans de moins. En 2017, après que Marisol Touraine a fait un geste important la dernière année du quinquennat de François Hollande, on est passé à 8 100 médecins formés tous les ans, soit 600 de plus qu'en 2017. On retrouvait seulement le niveau de 1972.

M. Pierre Cordier. M. Attal au banc du Gouvernement était conseiller de Mme Touraine !

M. Olivier Véran, ministre . Durant cette législature-ci, qu'avez-vous fait, monsieur Perrot ? Vous avez voté la fin du numerus clausus. Cette année, plus de 10 000 étudiants sont admis à suivre les études pour devenir médecins et ce chiffre augmentera. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.) Nous avons fait le bon choix et vous avez adopté la bonne mesure pour augmenter le nombre de médecins.

Mme Caroline Fiat. Cette fin du numerus clausus est un trompe-l'œil !

M. Olivier Véran, ministre . Aujourd'hui la pénurie est globale ; nous faisons face. Nous transférons des tâches, nous pratiquons la coopération interprofessionnelle, nous développons les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), nous décloisonnons la ville et l'hôpital, nous boostons la télémédecine. Nous mettons tout en œuvre pour qu'en attendant l'arrivée des médecins supplémentaires dont vous avez permis la formation,…

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. Olivier Véran, ministre . …nous puissions faire face à la situation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.)

Données clés

Auteur : M. Patrice Perrot

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Médecine

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 novembre 2021

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