Fusion entre TF1 et M6
Question de :
Mme Michèle Victory
Ardèche (2e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 10 novembre 2021
FUSION ENTRE TF1 ET M6
M. le président. La parole est à Mme Michèle Victory.
Mme Michèle Victory. Madame la ministre de la culture, par une opération sans précédent dans l'histoire de l'audiovisuel français, les deux chaînes les plus importantes de la télévision privée de notre pays, TF1 et M6, ont lancé il y a quelques mois un projet de fusion. Celui-ci suscite légitimement de grandes inquiétudes chez les différents acteurs de l'audiovisuel, alors que le Gouvernement a déjà laissé entendre sa grande bienveillance à son égard.
Pourtant, si ce mariage aboutissait, il donnerait naissance à un groupe en situation de quasi-monopole pour l'information par les journaux du matin, du midi et du soir, pour les parts d'audience qui atteindraient 42 % contre 28 % à France Télévisions, mais aussi pour la publicité – avec près de 75 % du marché, selon les estimations – et enfin pour la production des contenus audiovisuels, alors que celle-ci touche directement à notre patrimoine et à notre souveraineté.
La stratégie consistant à soutenir un champion capable de concurrencer Netflix interroge lorsque l'on compare les chiffres. La plateforme américaine a investi 19 milliards d'euros ; c'est quarante fois plus que ce qui est prévu pour ce nouveau géant ! Alors, à quoi bon ? Quel intérêt y a-t-il à prendre le risque de l'ultraconcentration, de la domination du marché ?
Les mesures anticoncentration en vigueur depuis 1986 prévoient que des autorités administratives indépendantes délivrent les autorisations de diffusion, mais elles sont tellement indépendantes que nous avons appris que la présidente de l'Autorité de la concurrence a été remerciée par le Président de la République en pleins travaux !
Comble du cynisme, au même moment, le président du CSA – Conseil supérieur de l'audiovisuel – nous annonçait un renforcement des aides anticoncentration dans la future ARCOM – Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Madame la ministre, la pluralité de l'information, de l'expression des contenus et de la production est indispensable aux démocraties. Nous avons depuis des mois un exemple trop grave de la capacité de certains médias à participer à des dérives populistes pour ne pas réagir. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un soutien sans faille à l'audiovisuel public et non d'une trajectoire financière à la baisse depuis trois ans. Surtout, nous avons besoin de l'indépendance des autorités administratives qui sont les garantes du pluralisme.
Face à ceux pour qui les citoyens ne sont que du temps de cerveau disponible, n'est-il pas de la responsabilité du Gouvernement de s'opposer à de telles manœuvres monopolistiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Sébastien Jumel applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Madame Victory, je connais votre intérêt pour les questions relatives à l'audiovisuel. Nous savons depuis fort longtemps que M6 est à vendre ; TF1 s'en est porté acquéreur. Nous n'avons pas à choisir l'acheteur de M6, puisqu'il s'agit d'une transaction privée. Les différents dispositifs prévus dans le processus ont été respectés : les organisations représentatives du personnel de Bouygues, de TF1 et de M6 ont été consultées et se sont prononcées à l'unanimité pour la fusion de ces groupes. Cette fusion prendra du temps, car elle doit franchir plusieurs obstacles et faire l'objet de vérifications ; elle pourrait se concrétiser à la fin de 2022.
Le CSA est saisi et a commencé ses consultations ; il devrait rendre son avis sur le respect du pluralisme au premier semestre 2022. L'Autorité de la concurrence est également saisie ; elle rendra son étude sur l'impact des éventuelles concentrations sur le marché publicitaire à l'été 2022. Enfin, les mécanismes anticoncentration devront être respectés : on ne peut pas disposer de plus de sept chaînes sur la télévision numérique terrestre (TNT) ; le groupe éventuellement constitué devra donc en vendre trois, puisqu'il en posséderait dix.
Plusieurs textes ont été élaborés à une période où, il faut le reconnaître, les moyens de diffusion, de production et de distribution n'étaient pas ceux que nous connaissons. En particulier, des mécanismes de concentration verticale n'avaient pas été envisagés au moment de la loi du 30 septembre 1986. C'est la raison pour laquelle, avec le ministre de l'économie, des finances et de la relance, nous avons fait appel à nos inspections respectives pour une double mission, afin d'élaborer de nouveaux textes. Bien entendu, le Parlement sera également saisi de cette réflexion. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
Auteur : Mme Michèle Victory
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Audiovisuel et communication
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 novembre 2021