Question au Gouvernement n° 4610 :
Réquisition des données de connexion

15e Législature

Question de : M. Philippe Latombe
Vendée (1re circonscription) - Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés

Question posée en séance, et publiée le 8 décembre 2021


RÉQUISITION DES DONNÉES DE CONNEXION

M. le président. La parole est à M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Vendredi dernier, le Conseil constitutionnel a censuré, au nom du respect de la vie privée, un dispositif du code de procédure pénale permettant la réquisition de données de connexion – comme les factures détaillées téléphoniques – dans le cadre d'une enquête préliminaire. Cette censure était attendue, au vu de la jurisprudence des cours européennes.

Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés est très attaché au respect des libertés, notamment au respect de la vie privée. C'est la raison pour laquelle j'ai eu l'occasion d'aborder cette éventuelle censure avec vous, et de souligner la nécessité d'en anticiper les conséquences. Pour notre groupe, il était indispensable de permettre aux forces de police et à la justice d'avoir les moyens légaux d'accomplir les investigations nécessaires à la manifestation de la vérité, mais ceci, dans le respect des droits de tous les citoyens, c'est-à-dire en assurant un usage proportionné d'une technique de surveillance pouvant être très intrusive.

Conscient des conséquences manifestement excessives qu'engendrerait l'abrogation immédiate des dispositions contestées, le Conseil constitutionnel l'a différée au 31 décembre 2022. Ainsi, les mesures prises avant cette date ne pourront pas être contestées sur le fondement d'une inconstitutionnalité. Cet effet différé, qualifié par un avocat de « bombe à fragmentation », pose plusieurs questions liées à la période de transition.

Afin de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, quel agenda législatif envisagez-vous d'appliquer pour mettre notre législation en conformité avec la Constitution et avec la norme européenne ?

En attendant de légiférer à nouveau, comment les enquêtes préliminaires pourront-elles être menées ? N'y a-t-il pas un risque de recours contre l'inconventionnalité de ces mêmes articles, par des avocats qui invoqueront l'arrêt Prokuratuur de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 2 mars 2021 ? Enfin, comment budgéterez-vous les postes de magistrats dédiés à ces questions et à cette transition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Je vous remercie de cette question qui démontre, s'il en était encore besoin, que le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés et vous-même êtes particulièrement attachés à la procédure pénale, dont il est enseigné à tous les étudiants de ce pays qu'elle est la sœur jumelle de la liberté.

En réalité, la décision rendue vendredi dernier par le Conseil constitutionnel n'entend pas restreindre les prérogatives du parquet mais le champ des infractions concernées – vous l'avez compris – par la saisie des données, des fadettes notamment. Il s'agit de trouver un juste équilibre entre, d'une part, le droit à la vie privée et, d'autre part, la recherche des auteurs d'une infraction, ce qui d'ailleurs existe déjà en matière d'interceptions téléphoniques.

Les enquêtes en cours ne seront pas concernées par cette décision qui nous fait obligation de légiférer avant le 31 décembre 2022, ce que nous ferons ensemble à travers le premier véhicule législatif possible. L'arrêt Prokuratuur de la Cour de justice de l'Union européenne ne concerne a priori que le parquet estonien. Enfin, la modification législative à venir n'aura aucune incidence sur les effectifs de magistrats.

Puisque l'on évoque le Conseil constitutionnel, j'ai entendu ce matin l'un des prétendants à la magistrature suprême déclarer « que le Conseil ne fera pas la politique de la France et [qu'] il faudra qu'il s'y habitue ». Ben voyons ! D'une part, ce monsieur n'est pas encore élu, d'autre part, l'article 62 de la Constitution nous impose de nous conformer aux décisions du Conseil constitutionnel : cela s'appelle l'État de droit, et il en est très bien ainsi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

Données clés

Auteur : M. Philippe Latombe

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Télécommunications

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 décembre 2021

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