Question de : M. François-Michel Lambert (Provence-Alpes-Côte d'Azur - Libertés et Territoires), posée en séance, et publiée le 15 décembre 2021
NUTRI-SCORE
M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert. Permettez-moi d'évoquer la mémoire d'André Aschieri, maire de Mouans-Sartoux pendant quarante ans, premier député écologiste du Sud de la France, élu en 1997. C'est sous son impulsion que fut créée l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, pour enfin prendre en compte le lien entre dégradation de l'environnement et impacts sur notre santé. Il nous a quittés la semaine dernière. (Applaudissements.)
À quelques semaines de Noël, nous nous inquiétons du devenir de nos produits régionaux. Le danger ne vient pas de la position de quelques-uns face au foie gras, mais bien du risque que pourrait être l'utilisation à tort et à travers de l'outil nutri-score.
L'outil est intéressant pour comparer deux boîtes de raviolis, certes, mais il n'est d'aucune utilité pour nous expliquer que le kouign-amann est gras et sucré ! Le vrai danger pour notre santé, ce ne sont pas nos recettes traditionnelles à base de produits naturels, ce sont ces produits ultratransformés de l'industrie agroalimentaire mondiale, ces produits fortement soupçonnés d'être la principale cause de la maladie de NASH – stéatohépatite non alcoolique –, une forme d'hépatite.
Je me permets d'ailleurs de rappeler que c'est dans le Gers, pays du foie gras – qui est gras –, du confit de canard – qui est gras –, de la croustade – qui, sucrée et beurrée, contient un peu d'armagnac – que l'on vit le plus longtemps : 87 ans en moyenne ! La preuve est faite !
Monsieur le ministre de l'agriculture, dans notre pays qui a inventé la gastronomie, à la veille des fêtes de fin d'année, de ce plaisir à se retrouver autour de nos bons produits, nous devons prendre garde à la simplification des messages induits par le nutri-score. (M. Jean-Paul Dufrègne applaudit.)
M. André Chassaigne. Très bien !
M. François-Michel Lambert. Quelle sera la politique française dans le cadre du cycle européen de la politique agricole commune (PAC) et de la présidence française de l'Union européenne face au danger de perdre nos bons produits de terroir au profit de produits ultratransformés de l'agro-industrie, ce qui ne serait pas sans conséquence sur la santé de nos concitoyens et sur le revenu de nos agriculteurs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR, SOC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Je vous confesse que le Premier ministre, le Gouvernement et l'ensemble de l'exécutif sont aussi attachés que vous aux beaux produits de notre terroir, nos IGP – indications géographiques protégées – et AOP – appellations d'origine protégée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LT.) Le Gouvernement les défendra aux niveaux national et européen.
Soyons clairs : la France n'imposera pas le nutri-score au niveau national. Le Gouvernement n'entend pas rendre ce système obligatoire, il pourrait le devenir uniquement s'il en était décidé ainsi au niveau européen. Il n'y aurait aucun sens à agir différemment, puisque nous sommes dans un marché commun. La position française est sans ambiguïté.
Par ailleurs, nous savons bien que le calcul du nutri-score ne prend pas en compte la réalité des consommations puisqu'il se fonde sur une proportion exprimée en millilitres ou en grammes. Parfois, en dépit de notre amour prononcé pour les beaux produits dont vous avez parlé, cette proportion dépasse largement le niveau de la consommation effective, ce qui crée un biais. Nous avons décidé de revoir cette méthodologie au niveau européen, avec nos partenaires espagnols et italiens, qui sont confrontés à la même difficulté.
La position du Gouvernement est donc très claire : nous soutenons ces beaux produits du territoire et nous ne rendrons pas le nutri-score obligatoire au niveau national. Une telle décision ne pourrait être prise qu'au niveau européen. Nous devons revoir la méthodologie pour tenir compte de la réalité de la consommation et des bienfaits de ces produits auxquels nous sommes tant attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
M. André Chassaigne. Très bien !
M. Jean-Paul Dufrègne. Nous y veillerons !
M. le président. Et vive le kouign-amann. (Sourires.)
Auteur : M. François-Michel Lambert (Provence-Alpes-Côte d'Azur - Libertés et Territoires)
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Consommation
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 décembre 2021