Question au Gouvernement n° 4732 :
Déserts médicaux

15e Législature

Question de : M. Guillaume Chiche
Deux-Sèvres (1re circonscription) - Non inscrit

Question posée en séance, et publiée le 26 janvier 2022


DÉSERTS MÉDICAUX

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chiche.

M. Guillaume Chiche. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, il demeure dans notre pays une ségrégation insupportable, celle de l'accès à notre système de santé.

Plus de 8 millions de femmes, d'hommes et d'enfants sont privés d'accès aux soins car ils vivent dans un désert médical. Plus de 70 % des Françaises et des Français déclarent avoir renoncé à des soins par impossibilité d'accéder à un médecin.

C'est une véritable injustice qui nourrit le sentiment d'abandon. Les territoires ruraux et périurbains, comme celui des Deux-Sèvres que je représente ici, ne peuvent plus continuer à être les victimes de la désertification médicale.

Derrière la technicité du sujet se cachent des réalités de vie tragiques : des diagnostics tardifs qui conduisent à des pertes de chance de survie, des souffrances accentuées par l'impossibilité d'une prise en charge, des renoncements qui conduisent à de véritables drames de vie.

À ces fractures territoriales s'ajoutent des discriminations sociales. Pour pallier l'absence de médecins, les Françaises et les Français qui le peuvent se rendent dans les départements voisins pour décrocher un rendez-vous avec un professionnel de santé. Cette mobilité contrainte a un coût insupportable.

Cela fait des années que les élus locaux dont je salue la pugnacité se démènent pour attirer des professionnels de santé dans leurs communes. Cela fait des années aussi que les mécanismes d'incitation à l'installation se développent. Vous-même, monsieur le ministre, avez travaillé dans ce sens, avec le déploiement de la télémédecine, la suppression du numerus clausus et, vous l'avez rappelé, l'installation de maisons de santé – lesquelles demeurent vides dans nombre de nos territoires.

Le résultat est sans appel : les déserts médicaux seront toujours là dans les dix années à venir. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé une proposition de loi visant à supprimer la libre installation des médecins pour autoriser, durant les cinq premières années d'exercice, les seules installations effectuées dans les déserts médicaux.

Une telle mesure est forte, à la hauteur d'un constat insupportable : l'espérance de vie des Français, la possibilité de leur maintien à domicile et leur prise en charge en ambulatoire varient en fonction des territoires d'habitation.

Monsieur le ministre, quand piloterez-vous réellement l'installation des médecins ?

M. Pierre Cordier. Avant, M. Chiche faisait partie d'En marche, c'était l'un de vos collègues !

M. Fabien Di Filippo. On est toujours trahi par les siens !

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le député, je comprends évidemment le sens de votre question, mais je ne vais pas rappeler tous les éléments du bilan que je viens d'exposer à M. Favennec-Bécot tout en concluant qu'il restait encore beaucoup de chemin à parcourir. Le Gouvernement travaille d'ailleurs à de nouvelles mesures permettant de favoriser l'installation dans les territoires sous-dotés, mais aussi au développement de pratiques de coopération interprofessionnelle et à donner davantage de responsabilités à des non-médicaux, et ce en toute sécurité – un pas a été fait à cet égard dans le dernier budget de la sécurité sociale : les députés de la majorité ont voté la possibilité pour les orthoptistes de prescrire des lunettes parce qu'on sait que l'accès à la filière visuelle peut être extrêmement complexe. Sur ce plan, les Deux-Sèvres ne font pas exception à la règle.

La coercition, je n'y crois pas. Non par corporatisme ou par un rejet de principe de toute mesure coercitive, mais parce que le problème ne tient pas à la répartition. Il vient de ce que nous manquons de médecins. Si l'on décidait aujourd'hui de ne plus autoriser l'installation de médecins dans la ville de Niort pendant cinq ans pour les contraindre à exercer dans les campagnes, à vingt ou trente minutes en voiture, on n'améliorerait pas la situation dans le département. On ne ferait que répartir la pénurie.

La solution, encore une fois, consiste à favoriser, au lieu de l'exercice isolé, le regroupement, le travail en maison de santé pluriprofessionnelle en s'appuyant sur les techniques du numérique sans toutefois qu'elles remplacent le colloque singulier en présentiel entre le médecin et son patient. Nous travaillons d'arrache-pied pour y parvenir, mais ne faisons pas croire aux Français qu'il y aurait une martingale. Acceptons notre responsabilité collective : pendant quarante ans et quel que soit leur bord politique, les pouvoirs publics ont coupé le robinet de la formation des médecins pour se retrouver, au bout du compte, à constater que la France en manquait et à se demander : « Comment on fait ? » La solution qu'il fallait choisir, je le répète, c'était d'abord de supprimer le numerus clausus, ce que nous avons fait dès 2018. Vous-même l'avez noté et je vous en sais gré. À présent, nous continuons de travailler avec les élus locaux, vous l'avez souligné. C'était le sens du déplacement du Président de la République hier en Creuse, comme c'est celui du travail que nous menons territoire par territoire avec les élus, avec les partenaires sociaux, avec les soignants et les représentants des usagers. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : M. Guillaume Chiche

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Médecine

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 janvier 2022

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