Question de : M. François-Michel Lambert (Provence-Alpes-Côte d'Azur - Libertés et Territoires), posée en séance, et publiée le 26 janvier 2022
INTERDICTION DE LA VENTE DE FLEURS ET FEUILLES DE CANNABIS
M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert. Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur.
« Les fleurs et les feuilles de chanvre ne revêtent pas un degré de nocivité pour la santé justifiant une mesure d'interdiction générale et absolue de leur vente et de leur consommation. » Par ces mots le Conseil d'État a suspendu l'arrêté ministériel du 30 décembre dernier, qui interdisait la commercialisation et la consommation des fleurs et des feuilles de ces variétés de cannabis qui sont dépourvues – rappelons-le – de propriétés stupéfiantes.
Ainsi, le Conseil d'État a pointé les incohérences et les méconnaissances de la politique gouvernementale. Car, non, monsieur le ministre, toutes les substances contenues dans le cannabis, ne sont pas « très mauvaises pour la santé », contrairement à ce que vous affirmiez, ce matin, sur une radio. Non, le cannabidiol (CBD) n'est pas une drogue !
L'interdiction portant sur les fleurs et feuilles est disproportionnée, totalement injustifiée d'un point de vue sanitaire et absurde économiquement. Elle va à rebours de la jurisprudence européenne, qui autorise la libre circulation du cannabis CBD.
Pourtant, vous persistez dans votre prohibition stérile. Cet acharnement contre le CBD a des conséquences notables : il plonge des personnes dans l'illégalité, simplement parce qu'elles consomment des feuilles de CBD ; il transforme le pizzaïolo en dealer s'il met une fleur de cannabis sur sa pizza ; il tue une filière économique qui prend son envol – 25 000 personnes tireraient un revenu de la filière de cannabis CBD, réputée pour son excellence et qui représente quatre emplois agricoles à l'hectare, comme en Creuse ou dans le Gers, tandis qu'à Paris ou à Marseille, les boutiques permettent à de jeunes passionnés d'avoir un revenu légal.
Tout le monde vous le dit, les scientifiques, les professionnels, les députés unanimes, vos collègues européens. Alors, monsieur le ministre, êtes-vous prêt à tous les recevoir, pour travailler ensemble à l'intérêt commun, car, non, les fleurs de chanvre et les fleurs de cannabis ne sont pas les « fleurs du mal ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
M. Pierre Cordier. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le député, vous interrogez le ministre de l'intérieur, c'est le ministre de la santé qui vous répond, signe que nous sommes parfaitement en phase, avec Gérald Darmanin, sur cette question du CBD.
M. Pierre Cordier. Au moins un dossier où vous l'êtes !
M. Olivier Véran, ministre . Vous l'avez dit vous-même, le CBD est dépourvu d'action psychotrope et aucune allégation thérapeutique ne peut lui être attribuée.
L'arrêté que nous avons pris autorise la culture du chanvre dans notre pays – ce qui est une bonne nouvelle pour les agriculteurs, puisque, outre que c'est un isolant, le chanvre peut être utilisé de diverses manières. En revanche, ce texte interdisait la vente de fleurs et de feuilles séchées de cannabis contenant du CBD.
Nous ne parlons pas ici du tétrahydrocannabinol (THC), qui est un autre débat – que vous n'avez d'ailleurs pas ouvert et sur lequel je ne me prononcerai donc pas. Quoi qu'il en soit, nous avons estimé que les fleurs et les feuilles séchées n'avaient aucune utilité industrielle et que, sous couvert de constituer pots-pourris ou tisanes, elles étaient en réalité vendues dans des boutiques destinées à des consommateurs. Or en termes de santé publique, tout ce qui se fume après combustion est considéré comme n'allant pas dans le bon sens.
Le Conseil d'État a annulé, pour des raisons de forme, la partie de l'arrêté relative à l'interdiction de la vente de CBD, considérant que le motif sanitaire était peut-être excessif. À charge pour nous de démontrer que c'est un motif valable. Un nouveau jugement au fond infirmera ou confirmera la décision initiale du Conseil d'État, nous obligeant, dans le second cas, à prendre d'autres dispositions, car il est bien évident que nous suivrons l'avis de la haute juridiction. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert. Votre position s'inscrit à rebours de toutes les politiques européennes. Il faudra qu'un jour vous vous posiez les bonnes questions.
Auteur : M. François-Michel Lambert (Provence-Alpes-Côte d'Azur - Libertés et Territoires)
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Drogue
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 janvier 2022