Question au Gouvernement n° 927 :
politique sociale du Gouvernement

15e Législature

Question de : M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 30 mai 2018


POLITIQUE SOCIALE DU GOUVERNEMENT

M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière, pour le groupe La France insoumise.

M. Alexis Corbière. En l'absence de M. Darmanin, cette question s'adresse à M. le Premier ministre.

Ce matin, M. Darmanin a déclaré : « il y a trop d'aides sociales » ; il a qualifié certaines d'entre elles de « trappes à inactivité », pas assez « incitatives » à se mettre à la recherche d'un emploi.

Cette déclaration rend une nouvelle fois les chômeurs responsables de leur situation : à ses yeux, ils ne sont pas assez « incités » à chercher du travail, en raison de droits sociaux jugés trop généreux. Dans un pays qui compte 6 millions de chômeurs, c'est une provocation ! Malgré sa courtoisie d'apparence, ce que cette pensée dit aux chômeurs, c'est un vulgaire « bouge-toi, feignasse ! » (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Jean-Michel Jacques. Caricature !

M. Alexis Corbière. Les propos du ministre sont très caricaturaux, en effet. Mais je voudrais le prendre au mot ; je suis d'accord avec lui. Oui, il y a trop d'aides, et pas assez incitatives pour atteindre leur but. Oui, il y a trop d'assistés, trop de gaspilleurs d'argent public. Quelques exemples : le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – coûte à l'État plus de 20 milliards d'euros par an. Vous avez reconduit ce dispositif, qui profite largement aux grandes entreprises du CAC 40, sans aucune contrepartie « incitative » pour créer de l'emploi. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

À l'inverse, le RSA-socle – perçu seulement par 70 % de ceux qui y ont droit – et la prime d'activité coûtent à eux deux 15 milliards d'euros par an. C'est 25 % de moins que le CICE, alors que le RSA et la prime d'activité profitent à des millions de Français.

Vous avez rendu ces derniers mois 1,5 million d'euros à chacun des cent contribuables les plus riches. Vous avez supprimé l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, et cela a coûté 3 milliards. Vous avez baissé l'imposition sur les dividendes, et cela a coûté 5 milliards. Vous avez créé des « trappes à profit » dont le groupe Carrefour profite – il licencie quand même.

Depuis que vous êtes là, nous avons l'angoisse de voir baisser les aides personnalisées au logement, les APL, de voir la CSG augmenter, et de constater la fragilisation du contrat de travail. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)

Ce ne sont jamais les droits sociaux qui ont créé le chômage et la misère ; c'est toujours l'absence de droits qui creuse les injustices et la pauvreté.

Au lieu d'humilier les chômeurs, aurez-vous le courage de supprimer ces aides publiques coûteuses et sans efficacité pour l'emploi dont bénéficient les patrons du CAC 40 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI ainsi que sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Mesdames et messieurs les députés, le modèle social français et les politiques sociales conduites dans notre pays ont mené à une situation où 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont 3 millions d'enfants, c'est-à-dire un enfant sur cinq. (Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.)

Notre pays compte aussi 4 millions de personnes mal logées. Un ouvrier a dix années d'espérance de vie de moins qu'un cadre supérieur. C'est un échec des politiques sociales conduites depuis longtemps ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.)

Vous avez d'ailleurs vous-même employé un terme qui montre votre défaite culturelle : vous avez parlé d'« assistés ». (Mêmes mouvements.) Vous ne trouverez personne, ni sur les bancs du Gouvernement, ni sur ceux de la majorité, pour employer ce mot ! Il n'y a pas en France d'assistanat. Il y a, et c'est un beau mot, une assistance publique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Vous auriez dû être plus attentifs lors des débats budgétaires : le minimum vieillesse a augmenté au début du mois d'avril ; à l'automne, ce sera le tour des allocations destinées aux parents isolés et aux adultes handicapés. Ne diffusez pas de ces fausses informations dont vous êtes friands, comme on le voit en regardant les réseaux sociaux ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.)

Mme Danièle Obono. Allez dire ça à votre collègue Darmanin !

M. Stéphane Peu. Et les APL, elles n'ont pas baissé ?

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. Je vous invite à faire preuve d'un peu d'honnêteté intellectuelle devant la représentation nationale. (Mêmes mouvements.)

Le modèle social français connaît une crise profonde. Nous avons engagé le combat pour une transformation en État d'investissement social, pour la mise en œuvre d'une stratégie de prévention, sous l'autorité en particulier de Mme la ministre des solidarités et de la santé, en particulier sur les questions sanitaires qui concernent les jeunes.

C'est un changement de paradigme : cesser de réparer les inégalités a posteriori. Vous avez abandonné les classes populaires et les personnes qui sont dans le plus grand dénuement. (Très vives exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.)

Vous réparez les inégalités une fois qu'elles ont été créées ; nous les attaquons à la racine. C'est la différence entre vous et nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.)

Données clés

Auteur : M. Alexis Corbière

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique sociale

Ministère interrogé : Porte-parole du Gouvernement

Ministère répondant : Porte-parole du Gouvernement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 mai 2018

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