Question au Gouvernement n° 936 :
suicides dans l'administration pénitentiaire

15e Législature

Question de : M. Jean-Hugues Ratenon
Réunion (5e circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 31 mai 2018


SUICIDES DANS L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

M. le président. La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour le groupe La France insoumise.

M. Jean-Hugues Ratenon. « Après le travail il retire toujours son uniforme. Mais là, il est parti, il a sauté d'un pont en tenue de travail. C'est symbolique, ça veut dire : je saute pour montrer que c'est mon travail qui m'a tué mais pas le reste. » Ces propos sont d’Élodie, la compagne d'Alexandre. « Mon fils est un héros », dit son père. Alexandre Gonneau, jeune Réunionnais de vingt-sept ans, a choisi le suicide pour attirer les feux des projecteurs sur le sort de ses collègues de travail. Dix jours auparavant, c'était Natacha, mère de famille de quarante ans, qui se suicidait. Ces deux fonctionnaires ultramarins travaillaient à Fleury-Mérogis. À ces deux suicides, il faut ajouter ceux de sept détenus qui, eux aussi, méritent l’attention. Combien en faut-il encore ?

C'est su de tous : les conditions de travail sont déplorables dans les prisons de France. C'est pourquoi ces suicides devraient vous alerter sur la nécessité de débloquer des moyens pour permettre aux surveillants de travailler dans des conditions dignes. Les syndicats ne cessent de tirer la sonnette d'alarme. À Fleury-Mérogis, 60 % des membres du personnel viennent des outre-mer. Nos jeunes arrivent ici, à cause du chômage de masse, mais le désenchantement arrive vite trop vite. Pour l'administration pénitentiaire, les outre-mer sont une chance, comme l'était l'esclavage avant 1848. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)

Un député du groupe LaREM . C'est honteux !

M. Jean-Hugues Ratenon. Vous devez réagir ! Oui, il est urgent de réagir et de mettre un terme à la gestion coloniale des ultramarins dans la fonction publique ! (Protestations sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et LR.) Il faut tout faire pour permettre aux jeunes ultramarins de travailler sur leurs différents territoires. En février 2018, l'administration pénitentiaire a annoncé la création d'un groupe de travail sur la question ultramarine, annonce contrainte et forcée. Qu'en est-il maintenant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. Alain David et M. Jean Lassalle . Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Ratenon, je tiens en tout premier lieu à exprimer ma profonde compassion et ma solidarité envers les familles des personnes qui ont connu un tel drame. Ma solidarité et ma compassion vont également aux personnels de Fleury-Mérogis, tant à leurs collègues surveillants qu'aux équipes de direction, qui ont vécu très durement ces situations.

Monsieur le député, il faut se montrer très vigilant s'agissant des informations qui circulent à propos d'événements aussi douloureux et de ce qu'il en est réellement de décisions souvent très complexes et très personnelles. La lecture des réseaux sociaux, qui diffusent parfois des informations non vérifiées, exige, de notre part à tous, un minimum de distance et de vigilance. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, sur plusieurs bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs des groupes LR et UDI-Agir.)

M. Jean-Hugues Ratenon. J'ai eu au téléphone le père d'Alexandre Gonneau hier !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Pour répondre précisément à votre question, je tiens à rappeler que nous avons pris trois dispositions, qui, je l'espère, réussiront à éviter ce type de drames.

La première, qui sera inscrite dans le projet de loi de programmation pour la justice que je défendrai devant vous, visera à diminuer la surpopulation carcérale, qui est, nous le savons tous, un des facteurs contribuant à la difficulté d'exercice des personnels pénitentiaires.

La deuxième réponse résulte du protocole d'accord signé au mois de janvier dernier avec l'une des organisations syndicales représentatives, qui contient, pour les personnels de surveillance, des mesures de sécurité très précieuses.

La troisième réponse réside dans la mise en place, au mois de mars dernier, d'un groupe de travail sur les risques psychosociaux ; il contribuera également à trouver des solutions. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Hugues Ratenon

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 mai 2018

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