intégration des étrangers en France
Question de :
Mme Béatrice Piron
Yvelines (3e circonscription) - La République en Marche
Question posée en séance, et publiée le 7 juin 2018
INTÉGRATION DES ÉTRANGERS EN FRANCE
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Piron, pour le groupe La République en marche.
Mme Béatrice Piron. Monsieur le Premier ministre, hier, avec les différents membres du Gouvernement, vous avez réuni un comité interministériel à l'intégration. À cette occasion, vous avez annoncé plusieurs mesures visant à favoriser la bonne intégration dans notre société des étrangers qui rejoignent régulièrement notre pays et font le choix d'y vivre.
À ces hommes et à ces femmes, nous devons donner les moyens de maîtriser notre langue, de s'approprier nos valeurs républicaines, de travailler et de s'impliquer activement dans la société dans toutes ses dimensions. C'est déterminant pour eux, bien sûr, mais ça l'est aussi pour la société tout entière. À l'enjeu individuel s'ajoute un enjeu de cohésion sociale et nationale.
Cela rejoint d'ailleurs en partie un sujet sur lequel je suis très impliquée : l'illettrisme, problématique très vaste qui touche entre 3 et 5 millions de personnes en France, selon les critères retenus. Nous travaillons, dans le cadre du projet de loi relatif à l'avenir professionnel, pour que tous bénéficient d'une formation aux savoirs fondamentaux.
Au demeurant, la réforme de notre politique d'intégration doit nous permettre de mieux accueillir l'ensemble des primo-arrivants, mais aussi de nous intéresser spécifiquement aux réfugiés, rendus plus vulnérables et plus fragiles par leur parcours d'exil et de fuite.
Partout sur le territoire, nous constatons des initiatives individuelles ou associatives dans le domaine de l'accueil et de l'intégration, qui ne demandent qu'à être partagées à plus grande échelle.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous présenter les dispositions prises par le Gouvernement pour favoriser l'intégration dans notre société des étrangers à qui nous donnons le droit de séjourner en France ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Les objectifs de la politique du Gouvernement, madame la députée, sont connus et clairs. Ils tiennent en trois priorités.
La première est évidemment que, lorsqu'une demande d'asile est soumise à la France, les autorités octroient ce droit, lorsqu'il est justifié, le plus rapidement possible et dans les meilleures conditions.
La deuxième priorité est de faire en sorte que ceux qui n'ont pas vocation à rester en France, parce que la délivrance d'un titre de séjour ou le bénéfice de l'asile leur a été refusé, puissent retourner dans leur pays, là encore rapidement et dans les meilleures conditions.
Le troisième objectif est de faire en sorte que l'intégration des étrangers qui séjournent régulièrement en France puisse aussi s'effectuer dans de meilleures conditions.
Mesdames, messieurs les députés, les choses sont claires : depuis très longtemps, sur chacun de ces trois tableaux, nous pourrions mieux faire. C'est vrai en matière d'octroi du droit d'asile, vrai en matière de reconduite à la frontière, vrai en matière d'intégration. Notre objectif est de nous améliorer, de faire en sorte que la France soit à la hauteur de sa réputation et à la hauteur de ce que nous souhaitons dans ces trois domaines.
Vous m'avez plus spécifiquement interrogé, madame la députée, sur le volet intégration. Je vous répondrai en énumérant quelques axes qui orientent la politique que nous entendons mettre en œuvre. Le premier axe est la langue française. Il n'y a pas d'intégration possible dans notre pays sans une maîtrise suffisante de notre langue, permettant de discuter, de comprendre, de partager, d'évoluer, d'étudier, bref, d'accomplir un parcours de vie. (M. Yves Jégo et M. Julien Aubert applaudissent.)
C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de doubler le nombre d'heures de formation de français proposées aux étrangers qui ont vocation à en bénéficier. Les forfaits les plus bas, qui comprennent cinquante heures, seront portés à cent heures ; les forfaits les plus hauts, qui en comprennent trois cents, seront portés à six cents heures. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.) Investir dans la maîtrise du français, c'est donner la condition préalable, initiale de l'intégration – condition non suffisante, qui ne garantit rien en elle-même, mais nécessaire.
Deuxième axe : l'enseignement ou le partage des valeurs. Aujourd'hui, dans le parcours d'intégration, cet enseignement est souvent dispensé très tôt ; si tôt, disons-le clairement, que la maîtrise de la langue française n'est pas encore complètement assurée. Il y a donc là quelque chose de très beau sur le plan théorique, mais d'assez baroque sur le plan pratique. Nous voulons y remédier et, là encore, faire en sorte que l'enseignement des valeurs républicaines soit plus long et mieux adapté à l'évolution de chacun, lorsqu'il réside en France.
M. Fabien Di Filippo. De la fermeté !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . C'est pourquoi la durée de cet enseignement sera portée de douze à vingt-quatre heures. J'insisterai sur un point qui n'a rien d'accessoire : les valeurs de la République ont vocation à être universelles, mais ce n'est pas parce qu'elles sont universelles dans leur vocation qu'elles sont partagées, ou même connues, par tous. Il faut donc les décrire, les enseigner, les illustrer et expliquer, de la façon la plus simple, la plus claire et la plus nette, qu'elles ne sont jamais des options mais toujours des éléments déterminants pour vivre en France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Je serai très clair sur ce point : cet enseignement n'est pas un simple cours optionnel par lequel il faudrait passer pour venir en France, mais une condition de la réussite de l'intégration.
Troisième axe : l'accès à l'emploi. Les étrangers qui ont vocation à rester en France parce qu'un titre de séjour leur a été délivré doivent pouvoir accéder à l'emploi, là encore, dans de bien meilleures conditions. Je prendrai, sur ce point l'exemple d'une catégorie particulière mais importante : les réfugiés. Il peut y avoir un intérêt à faire en sorte d'accélérer leur accès à l'emploi et à une formation sur les secteurs « en tension », comme on dit en jargon.
Lorsque nous ne trouvons pas, en France, une main-d’œuvre formée susceptible d'occuper des emplois dits « en tension », il y a un intérêt évident à donner à ceux qui souhaitent s'intégrer dans la société française un accès prioritaire aux formations dans des secteurs où les besoins sont considérables. Pardon de le dire ainsi, cela relève du bon sens. Je suis convaincu qu'il y a là une piste féconde pour améliorer notre politique d'intégration.
Enfin, nous devons faire un effort pour les réfugiés – j'en ai dit un mot s'agissant de l'accès à l'emploi – car, lorsqu'ils se sont vu octroyer le droit d'asile, ils ne peuvent être traités comme si, au fond, rien n'avait été décidé à leur sujet, ni en matière de logement, ni en matière d'accès à l'emploi, ni en matière d'intégration. Nous devons donc, là encore, faire en sorte de libérer des logements décents pour les réfugiés, afin de ne pas les confondre avec les étrangers qui se trouvent, soit en situation irrégulière, soit encore en demande d'un titre. Ces réfugiés-là, disais-je, doivent pouvoir engager très vite leur parcours d'intégration.
Un dernier mot, mesdames, messieurs les députés, pour dire que notre politique vise à mobiliser le maximum de moyens au tout début du parcours. C'est pourquoi nous mettons l'accent sur l'enseignement, les valeurs et l'accès à l'emploi. C'est ainsi que nous conduirons, avec l'ensemble du Gouvernement, une politique équilibrée, ferme et généreuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)
Auteur : Mme Béatrice Piron
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 juin 2018