Question au Gouvernement n° 979 :
accueil des réfugiés en Europe

15e Législature

Question de : M. Pieyre-Alexandre Anglade
Français établis hors de France (4e circonscription) - La République en Marche

Question posée en séance, et publiée le 13 juin 2018


ACCUEIL DES RÉFUGIÉS EN EUROPE

M. le président. La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade, pour le groupe La République en marche.

M. Pieyre-Alexandre Anglade. Monsieur le Premier ministre, nous vivons, depuis des années maintenant, une crise migratoire et humanitaire majeure en mer Méditerranée. S'il est un point sur lequel l'ensemble des groupes politiques de notre hémicycle doivent pouvoir s'entendre, c'est le fait que cette crise dure depuis trop longtemps. Depuis 2014, 10 000 personnes ont perdu la vie en mer Méditerranée, dont 800 rien que depuis le début de cette année.

Et voilà soixante-douze heures, monsieur le Premier ministre, que cette crise connaît un nouvel épisode dramatique : l'Europe tout entière vit en effet suspendue au sort des 629 personnes recueillies à bord de l'Aquarius, ballottées d'un pays européen à l'autre, au gré des humeurs des différents gouvernements. Je ne vais pas ici pointer les responsabilités des uns et des autres, de Malte ou de l'Italie, même si je récuse profondément la décision qui a été prise.

Si elle ne règle rien, celle-ci met à nouveau en lumière la désunion des Européens sur le sujet.

Un député du groupe LR . Il a raison.

M. Pieyre-Alexandre Anglade. Cette nouvelle crise montre, une fois de plus, qu'il est urgent de trouver une solution européenne à la crise migratoire, pour que le coup de force national ne devienne pas la nouvelle norme européenne, quand tant de vies sont en jeu. Non, l'Union européenne ne peut plus se satisfaire de solution de court terme lorsque des crises d'une telle ampleur surviennent à ses frontières et mettent à mal l'unité du continent dans son ensemble. Non, les responsables politiques français et européens ne peuvent plus, dans une même phrase, pointer les lacunes de l'Union européenne en matière migratoire et refuser de la doter des ressources financières et de mener les réformes structurelles et institutionnelles qui lui permettraient de répondre à cette crise sur le long terme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Monsieur le Premier ministre, il est prévu que le Conseil européen traite de ces questions dans deux semaines. Pouvez-vous nous indiquer quelle position la France entend adopter vis-à-vis de ses partenaires européens et quelles solutions elle entend proposer pour que le Conseil européen prenne enfin ses responsabilités dans cette crise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Anglade, vous m'interrogez, alors que l'actualité est brûlante, sur la question déjà ancienne des flux migratoires et des dangers, des risques, des périls encourus par les personnes qui franchissent la Méditerranée. Depuis quelques dizaines d'heures – soixante-douze exactement, comme vous l'avez dit –, un bateau battant pavillon de Gibraltar et accueillant à son bord 629 passagers cherche une destination pour que soit porté secours à des hommes, des femmes et des enfants qui en ont un besoin pressant.

Dans ce type de situation d'urgence, le droit international prévoit un principe simple et clair, qui a justement pour objet de garantir la sécurité des personnes : l'État le plus proche du navire concerné doit lui proposer un port sûr. C'est donc l'Italie qui, en l'occurrence, devrait assumer ses responsabilités. Elle a choisi de ne pas le faire…

Mme Huguette Bello. Et la France n'a rien fait non plus ! On n'y entend que du silence !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. …et donc de méconnaître les obligations internationales qui lui incombent. Je n'ignore pas les difficultés rencontrées depuis plusieurs années par l'Italie, comme par beaucoup d'autres pays de l'Union européenne, pour accueillir une partie des populations qui franchissent la Méditerranée, en l'espèce la Méditerranée centrale. Mais il se trouve – il faut dire les choses clairement – que le gouvernement italien a choisi de ne pas respecter des obligations internationales qui s'imposent à lui pour garantir la sécurité des personnes. Je pointe ce non-respect.

M. Boris Vallaud. C'est un peu facile !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . L'Espagne a indiqué qu'elle était prête à accueillir ce bateau : nous en sommes heureux. (Applaudissements sur les bancs des groupes NG, FI et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et UDI-Agir.)

M. Guillaume Garot et M. Jean-Paul Lecoq . Bravo !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Monsieur le député, je vous informe que nous sommes évidemment prêts à aider les autorités espagnoles pour accueillir et analyser la situation des passagers du bateau, notamment de ceux qui voudraient pouvoir bénéficier du statut de réfugié.

M. Claude Goasguen. On ne nous a rien demandé !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Il est clair, d'une part, que la France ne se soustraira à absolument aucune de ses obligations internationales en la matière mais, d'autre part, qu'il n'y a pas d'espoir, à court ou même à moyen terme, de voir une solution nationale résoudre le problème.

M. Jean-Paul Lecoq. Vous pouvez tout de même réagir : convoquez l'ambassadeur italien !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Cet épisode extrêmement cruel et douloureux le montre : la réponse ne peut être qu'européenne.

Vous m'interrogez sur la position de la France. Mardi et mercredi prochains, lors du conseil des ministres franco-allemand, qui se tiendra à Berlin, le sujet sera évoqué par le Président de la République et la chancelière. Puis, lors du Conseil européen de la fin du mois de juin, nous entendons formuler des propositions pour aboutir enfin à une solution européenne.

Toutefois, ne nous payons pas de mots : vous savez, monsieur le député, que tous les pays européens ne veulent pas d'une solution collective. Il sera donc difficile de l'obtenir, mais la France aura pour objectif d'y parvenir.

Je dirai un dernier mot sur les questions migratoires. Je voudrais indiquer à la représentation nationale qu'aucun autre pays d'Europe n'a fait autant que la France pour stabiliser la situation politique au Mali. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.) Aucun autre pays européen ne fait autant que la France pour essayer de contribuer à la stabilisation du Sahel. Aucun autre pays n'a fait autant que la France pour essayer de stabiliser la situation politique en Libye. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe NG.)

M. Jean-Paul Lecoq. Encore heureux !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Aucun autre pays que la France n'a mis en œuvre des missions conjointes avec le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés : des représentants du HCR et de l'OFPRA – l'Office français de protection des réfugiés et apatrides – se sont rendus ensemble à la frontière sud de la Libye pour déterminer celles des personnes prêtes à traverser ce pays qui étaient susceptibles de bénéficier du statut de réfugié et d'être accueillies en France.

M. Claude Goasguen. C'est zéro !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Ça n'est pas rien ! Nous devons en être fiers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Pieyre-Alexandre Anglade

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 juin 2018

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