Patrimoine économique et social de la France
Question de :
Mme Valérie Rabault
Tarn-et-Garonne (1re circonscription) - Nouvelle Gauche
Question posée en séance, et publiée le 14 juin 2018
PATRIMOINE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DE LA FRANCE
M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour le groupe Nouvelle Gauche.
Mme Valérie Rabault. Monsieur le Premier ministre, « le patrimoine, c'est une cause nationale. C'est le cœur politique de la nation, son identité, ce qui nous rend fiers ». Cette phrase est signée du Président de la République le 31 mai dernier. Elle concernait le patrimoine culturel, mais nous la faisons nôtre pour le patrimoine économique et social de notre pays. Or, depuis vingt-quatre heures, qu'il s'agisse du Président de la République ou de votre gouvernement, vous balayez cette cause nationale d'un revers de main.
Concernant le patrimoine économique de la France, le ministre de l'économie annonce plusieurs privatisations, dont celle d'Aéroports de Paris. Il déclare que « l'État n'a pas à vocation à diriger des entreprises concurrentielles à la place des actionnaires »…
M. David Habib. Scandaleux !
Mme Valérie Rabault. …comme si Aéroports de Paris était uniquement une entreprise concurrentielle.
Aéroports de Paris est un actif stratégique de la puissance publique, il est la clef de la porte de Paris, c'est un levier de politique économique (Applaudissements sur les bancs des groupes NG et GDR et sur certains bancs du groupe LR). Vous ne pouvez donner les clefs de Paris à un acteur privé. Si cela devait arriver, la France deviendrait une exception en Europe. Tous nos partenaires européens l'ont compris : ils gardent la main sur leurs grands aéroports, qui sont tous détenus à majorité par la puissance publique. (Applaudissements sur certains bancs des députés non inscrits)
M. Christian Hutin. Bravo !
Mme Valérie Rabault. Concernant le patrimoine social de la France, celui hérité du Conseil national de la Résistance et des Trente Glorieuses, il n'est pas acceptable que le Président de la République le dénigre au point d'utiliser l'expression « pognon de dingue ».
En réalité, monsieur le Premier ministre, votre gouvernement commence à prendre conscience de l'impasse budgétaire dans laquelle il se trouve à cause des cadeaux fiscaux qu'il a accordés aux plus aisés. (Applaudissements sur les bancs des groupes NG et GDR.)
M. Patrick Hetzel. Eh oui !
Mme Valérie Rabault. Mais cette impasse ne saurait vous autoriser à brader le patrimoine économique et social des Français.
Aussi, monsieur le Premier ministre, le groupe Nouvelle Gauche vous demande solennellement de respecter le patrimoine des Français : renoncez aux privatisations annoncées hier, renoncez à la découpe de notre socle social ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NG et GDR ainsi que parmi les députés non inscrits.)
M. Thibault Bazin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Madame la présidente, vous soulevez en une question de nombreuses interrogations sur le patrimoine tant économique que social.
S'agissant du patrimoine social, notre objectif n'est en rien de revenir sur l'idée d'une solidarité nationale. Notre objectif n'est en rien de revenir sur le patrimoine social, dont vous dites qu'il serait mis à mal par le Président de la République. Notre objectif est que nous nous posions tous systématiquement – nous et vous – la question de l'efficacité de ce qui constitue ce patrimoine.
On peut, sur un banc de cet hémicycle, clamer « patrimoine social, patrimoine social, patrimoine social », comme d'autres, en d'autres temps, clamaient : « l'Europe, l'Europe, l'Europe ». Mais il est sain de s'interroger sur le point de savoir si les dispositifs et les financements qui leur sont consacrés sont efficaces et atteignent le but recherché. C'est une question que vous-même vous êtes souvent posée, madame la présidente.
M. Fabien Di Filippo. Vous êtes aux abois !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous savez très bien que l'exigence d'efficacité et d'adaptation à des situations nouvelles est impérieuse. C'est dans cet esprit, et strictement dans cet esprit, que nous nous interrogerons sur les aides sociales, comme d'ailleurs sur les aides aux entreprises – sur toutes les aides de l'État. L'important n'est pas de savoir si la valeur absolue est la bonne, s'il faudrait plus ou moins, mais si cela marche, si l'objectif fixé est atteint. C'est une question bien plus intelligente, madame la présidente ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Stéphane Peu. Et l'ISF, ça marche ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Ce qui me surprend, c'est que vous-même, dans les années récentes, vous êtes posé cette question. Vous avez été l'une des instigatrices de cette culture nouvelle.
Concernant le patrimoine économique, là encore, vous avez raison, il est l'un des éléments importants de la richesse d'un État. Un patrimoine, cela se valorise…
M. Stéphane Peu. Comme les autoroutes !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . …, cela s'entretient (Exclamations sur les bancs des groupes NG et GDR)…
Mme Valérie Rabault. Cela se protège !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Ayez l'obligeance, s'il vous plaît, de bien vouloir écouter ce que j'essaie de vous répondre.
M. Thibault Bazin. Et vous, vous écoutez ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Un patrimoine, disais-je, cela se valorise.
M. Aurélien Pradié. Chez Rothschild !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Lorsqu'une grande partie d'un capital est immobilisée dans une entreprise, il peut être utile de le conserver. Mais on peut aussi imaginer de faire varier cette participation, dans des conditions qui seront évidemment définies par la loi, pour mobiliser ce patrimoine au service de la constitution d'un nouveau patrimoine ou du financement de nouveaux investissements. Lorsqu'il s'agit de financer un fonds pour l'innovation, d'encourager le développement d'entreprises innovantes qui vont nous aider à franchir les barrières technologiques pour permettre à la France de créer de nouvelles richesses, ce n'est pas rien.
M. Fabien Di Filippo. Ils dilapident les bijoux de famille !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Ces respirations du secteur public en termes de capital, vous les connaissez. Elles ont été pratiquées sous tous les gouvernements. En 2013, il me semble me souvenir que la majorité précédente avait procédé à des cessions d'actifs nombreuses et importantes.
Mme Valérie Rabault. Pas un aéroport !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. C'est la raison pour laquelle nous abordons cette question sans tabou, sans idéologie, avec la claire volonté de permettre le débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. L'idée est de mobiliser les actifs là où ils sont les plus utiles.
Le système actuel pour Aéroports de Paris n'assure pas le contrôle total. Vous le verrez, le projet de loi qui sera soumis à l'Assemblée nationale prévoit un mécanisme permettant à la puissance publique, aux termes d'une quasi-concession, de reprendre le contrôle dans sa totalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : Mme Valérie Rabault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : État
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 juin 2018