Impossibilité d'enterrer à l'étranger des personnes décédées durant le covid-19
Question de :
M. Éric Coquerel
Seine-Saint-Denis (1re circonscription) - La France insoumise
M. Éric Coquerel appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'impossibilité pour de nombreuses familles vivant en France à rapatrier à l'étranger le corps d'un proche défunt durant l'épidémie de covid-19. La gestion de l'épidémie a en effet conduit à restreindre drastiquement les échanges mondiaux, notamment aériens. Dans ce contexte, de nombreuses familles ne peuvent opérer le rapatriement à l'étranger des corps de leurs proches, décédés du covid-19 ou d'une quelconque autre cause. Pour ces familles, l'épreuve du décès se conjugue alors avec l'impossibilité de respecter les dernières volontés du défunt ou de la défunte, souhaitant être enterrés dans leur pays natal. C'est pourquoi il lui demande les mesures qu'il compte adopter afin de résoudre ce problème douloureux pour de nombreuses familles.
Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020
ENTERREMENT À L'ÉTRANGER DES PERSONNES DÉCÉDÉES PENDANT LA CRISE SANITAIRE
M. le président. La parole est à M. Éric Coquerel, pour exposer sa question, n° 1021, relative à l'enterrement à l'étranger des personnes décédées pendant la crise sanitaire.
M. Éric Coquerel. Durant l'épidémie de covid-19, nombreux sont ceux qui ont perdu un proche. J'adresse à toutes ces personnes mes plus sincères condoléances. La perte d'un proche est toujours dramatique et, dans le contexte épidémique que nous connaissons, elle porte un coup très dur aux familles car, pour des raisons sanitaires, il leur a été interdit d'assister au dernier souffle de leur proche et, pour ces mêmes raisons, il a été interdit aux familles de se recueillir auprès de leur défunt, comme elles l'avaient imaginé.
Vous le savez, pour un nombre important de personnes résidant en France, l'enterrement d'un membre de la famille se déroule dans son pays d'origine. Il s'agit là d'une tradition culturelle forte, répondant souvent à la dernière volonté du défunt. Or, depuis le début de la crise, le rapatriement des corps des défunts dans leur pays d'origine a été interdit. Le deuil, l'enterrement des morts font partie des rites humains les plus anciens. Ce serait un échec collectif que de ne pas pouvoir respecter les dernières volontés d'un défunt – qu'il ne puisse pas reposer auprès de son conjoint ou de sa lignée familiale, dans son pays d'origine.
Monsieur le secrétaire d'État, la crise sanitaire que nous connaissons ne doit pas remettre en cause les fondements de notre humanité. Je suis sûr que vous partagez cette préoccupation. C'est pourquoi je vous demande ce que vous comptez faire pour établir une coopération internationale afin d'assurer le retour des corps à l'étranger, le plus rapidement possible, dans le respect des règles sanitaires.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Vous faites référence à des épisodes particulièrement douloureux qui se sont déroulés ces dernières semaines : ces moments où l'Ankou, armé de sa faux – pour reprendre une légende bretonne – a emporté nombre de nos compatriotes ou de personnes résidant en France, entraînant son lot de douleurs. À ces douleurs s'est ajoutée celle liée aux conditions matérielles imposées par l'épidémie, qui ont rendu difficile l'accompagnement d'un être aimé dans ses derniers moments, voire le respect des dernières volontés du défunt. Nous en sommes tout à fait conscients.
Il est d'autant plus complexe de répondre à ces considérations que, juridiquement, le transport international des corps de personnes décédées pendant l'épidémie n'a fait l'objet d'aucune dérogation par rapport au régime de droit commun. Un laissez-passer mortuaire pour l'étranger ou une autorisation de sortie du territoire sont le plus souvent exigés. Or, chacun le sait, plusieurs situations ont été très compliquées à gérer : dans certains cas, le transport international d'un corps a été retardé, voire empêché, tout simplement parce que plusieurs pays de destination ont provisoirement refusé le rapatriement de corps ou exigeaient un certificat de non-épidémie qu'il n'était pas possible de délivrer en période d'état d'urgence sanitaire.
Ces difficultés ont conduit les familles à prendre des dispositions transitoires, en déposant le corps dans un caveau provisoire – comme il en existe dans certains cimetières – ou dans un dépositoire, pour une durée maximale de six mois, avant de pouvoir exécuter les volontés du défunt et lui donner un nouveau lieu de sépulture à l'étranger.
Je sais que le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales mène un travail d'information particulièrement actif auprès des familles, des opérateurs funéraires et du réseau des préfectures et des services consulaires. Jean-Yves le Drian et moi-même sommes très attentifs à cette situation et n'hésitons pas à relayer auprès de nos homologues étrangers les attentes des familles. J'espère que, petit à petit, à mesure que l'épidémie recule dans différents territoires, nous pourrons obtenir que ces personnes puissent enfin accompagner leurs proches vers leur dernière demeure.
Je le répète, j'ai conscience de la complexité de la situation et je sais qu'il n'y a pas de solution définitive, mais je tiens à rappeler que le travail se poursuit sans relâche pour raccourcir les délais et rapprocher les familles de ce dernier moment d'intimité qu'elles pourront avoir avec leur proche là où il aura souhaité être enterré.
M. le président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel. Merci, monsieur le ministre, de m'avoir répondu à propos de la gestion de ces situations en France, mais ma question portait plutôt sur ce que vous comptez faire sur le plan diplomatique, car la question se pose vis-à-vis de pays étrangers, dont plusieurs, comme vous le savez, sont situés de l'autre côté de la Méditerranée pour ce qui concerne mon département de la Seine-Saint-Denis. Il convient d'engager très vite des actions diplomatiques, car les familles ont entreposé les corps dans des chambres froides ; or cette situation ne peut pas s'éterniser, tant à cause de son coût que pour répondre à la nécessité du deuil. Je compte donc sur vous pour agir sur ce plan.
Auteur : M. Éric Coquerel
Type de question : Question orale
Rubrique : Mort et décès
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mai 2020