Zones ZNT dans les Ardennes
Question de :
Mme Bérengère Poletti
Ardennes (1re circonscription) - Les Républicains
Mme Bérengère Poletti attire l'attention du de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le nouveau cadre réglementaire mis en place par le décret du 27 décembre 2019, relatif à l'utilisation des produits phytosanitaires et des distances de sécurité et zones de non traitement. Ces nouvelles réglementations génèrent une vive inquiétude au sein du monde agricole, tout particulièrement chez les agriculteurs de sa circonscription, déjà fragilisés par les sècheresses successives de 2018 et 2019, et par des crises sectorielles. Au regard de ces dernières mesures, les représentants de l'agriculture ont rédigé une « charte de bon voisinage » avec les élus locaux et les habitants afin de leur garantir la sécurité, en continuant à mener à bien leur activité agricole. L'utilisation des produits phytosanitaires étant déjà bien encadrée, Mme la députée s'interroge sur la nécessité de durcir ces réglementations. Elle se demande pourquoi choisir un dispositif encore à sens unique, sans compensation du manque à gagner pour les agriculteurs, ni réciprocité dans les mesures prévues pour la protection des zones d'habitation. Dans le département des Ardennes, la surface impactée par l'application de ces nouvelles mesures s'élève à 4 000 hectares, soit 3 % de l'ensemble des terres labourables du département. La surface des zones de non traitement a été évaluée, suivant leur distance, à 500 hectares pour des ZNT de 3 mètres, 3 500 hectares pour des ZNT de 20 mètres : autant de surfaces où la productivité serait affectée et où la lutte contre les plantes adventices va poser de nouveaux problèmes techniques aux agriculteurs. Alors que viennent d'être mises en place des cellules destinées à mesurer et à lutter contre les phénomènes liés à l'agribashing dans tous les départements, l'application des décrets du 27 décembre 2019 ne risque-t-elle pas d'accentuer ce phénomène, tant leurs imprécisions peuvent induire en erreur les habitants proches de parcelles d'exploitation ? Elle lui demande de bien vouloir clarifier ces mesures.
Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020
ZONES NON TRAITÉES DANS LES ARDENNES
M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour exposer sa question, n° 1040, relative aux zones non traitées dans les Ardennes.
Mme Bérengère Poletti. Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, je souhaite vous interroger sur le nouveau cadre réglementaire issu du décret du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation. La nouvelle réglementation suscite une vive inquiétude dans le monde agricole, tout particulièrement parmi les agriculteurs de ma circonscription, déjà fragilisés par les sécheresses successives de 2018 et 2019, par des crises sectorielles et désormais par la crise sanitaire.
Compte tenu des nouvelles mesures, les représentants du secteur agricole ont rédigé une charte de bon voisinage avec les élus locaux et les habitants afin de leur garantir la sécurité tout en continuant de mener à bien leur activité.
L’utilisation de produits phytosanitaires étant déjà bien encadrée, était-il nécessaire de durcir la réglementation ? Et pourquoi choisir à nouveau un dispositif à sens unique, sans compensation du manque à gagner pour les agriculteurs ni réciprocité des mesures destinées à protéger les zones d'habitation ?
Dans les Ardennes, la surface concernée par l’application des nouvelles mesures s’étend sur 4 000 hectares, soit 3 % de l’ensemble des terres labourables du département, mais concentrés sur quelques exploitations : autant de zones où la productivité sera affectée et où les agriculteurs vont avoir de nouveaux problèmes techniques pour lutter contre les plantes adventices.
Les cellules destinées à mesurer et combattre l’« agribashing » dans les départements sont une bonne chose ! Arrêtons de rendre les agriculteurs responsables de tout. Les nouvelles obligations qui leur sont imposées font immanquablement peser sur eux des coûts de production plus élevés. Qui paiera ces surcoûts ?
Comment entendez-vous clarifier vos intentions, sans que les agriculteurs soient une nouvelle fois les victimes de votre politique ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame Poletti, soyons clairs et précis : ce n'est pas le Gouvernement qui a pris la décision dont vous parlez, mais le Conseil d'État qui la lui a imposée.
Mme Bérengère Poletti. Et alors ?
M. Didier Guillaume, ministre . Cela a son importance : quand la plus haute juridiction administrative se prononce, le Gouvernement ne peut que s'exécuter. Les agriculteurs doivent tous comprendre que le Gouvernement n'a pas voulu leur serrer encore plus la vis mais a agi à la demande du Conseil d'État.
Les textes réglementaires parus fin 2019 s'appuient sur les travaux de l'ANSES, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. C'est dans ce cadre que le décret – pris après trois mois de concertation et 55 000 contributions sur internet, je le rappelle –, institue les zones de non-traitement à compter du 1er janvier 2020. Nous avons tout fait pour qu'elles soient créées en toute clarté et transparence, et en concertation avec l'ensemble des organisations professionnelles agricoles. Les distances minimales par rapport aux habitations, respectivement de 10 et 5 mètres pour les cultures hautes et basses, peuvent être ramenées à 5 et 3 mètres en fonction du matériel utilisé – en particulier les buses antidérive – et de la publication d'une charte de riverains.
En outre, au Salon de l'agriculture, le Président de la République nous a très clairement demandé de trouver des compensations financières pour les agriculteurs. Nous avions commencé à y travailler mais la crise du covid-19 nous a contraints à tout arrêter. De plus, ayant entraîné l'interdiction des rassemblements publics, elle a empêché les consultations publiques, donc la discussion et la mise en œuvre des chartes de riverains, prévues ce printemps ; les tribunaux, saisis en référé par des ONG, des associations et des maires, viennent de donner raison à l'État à ce sujet. Voilà pourquoi nous avons dû prendre des dispositions en vue de reprendre la discussion au début de l'été.
Rassurez-vous : nous n'avons aucune intention de mettre un boulet aux pieds des agriculteurs. Je précise que les distances ne concernent pas les produits de biocontrôle et que mon ministère a déjà mobilisé une enveloppe de 30 millions d'euros pour aider les agriculteurs à se doter des matériels d'épandage les plus performants.
Nous pourrons bientôt discuter de tout cela tranquillement. De grâce, n'ajoutons pas – je ne parle pas de vous – à la pression et à l'excitation ambiante. Nous n'avons pas tout arrêté, contrairement à ce que prétendent certains, et nous ne voulons pas pour autant, je le répète, mettre des boulets aux pieds des agriculteurs. La fin de la dépendance aux produits phytosanitaires ne fait pas de doute : elle figure dans la loi EGALIM – pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable – et nous n'y reviendrons pas. Toutefois, agissons intelligemment et dans la concertation.
M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.
Mme Bérengère Poletti. Vous l'avez compris, ma question ne visait pas à remettre en question qui que ce soit,…
M. Didier Guillaume, ministre. Bien sûr !
Mme Bérengère Poletti. …car nous devons collectivement œuvrer à la diminution du recours aux produits phytosanitaires. Elle portait uniquement sur la compensation financière destinée aux agriculteurs, et je note avec satisfaction votre réponse sur ce point : le processus est engagé, bien que malheureusement ralenti par le coronavirus. J'observerai avec une grande attention la suite des événements.
Auteur : Mme Bérengère Poletti
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mai 2020