Question orale n° 1053 :
Capacité en lits de réanimation

15e Législature

Question de : M. Nicolas Dupont-Aignan
Essonne (8e circonscription) - Non inscrit

M. Nicolas Dupont-Aignan appelle l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la gestion calamiteuse de la crise de coronavirus par l'exécutif français. Force est de constater que celle-ci devrait obliger à faire preuve d'humilité et à regarder la réalité en face. En effet, le pays qui se vantait d'avoir le système de santé le plus performant du monde s'est découvert à cette occasion comme le roi nu, compte tenu de l'insuffisance du taux d'équipements en lits de soins aigus. Lorsque, selon le panorama OCDE 2019, la Pologne est en capacité de proposer 4,8 lits pour 1 000 habitants, l'Allemagne 6 lits pour 1 000 habitants, la Corée du Sud 7,1 lits pour 1 000 habitants et le Japon 7,8 lits pour 1 000 habitants, la France ne se classe qu'au 19ème rang mondial avec 3,1 lits pour 1 000 habitants, soit 206 619 lits de soins aigus, dont 5 334 lits en réanimation. Fort heureusement, grâce à l'ingéniosité et au sens de l'initiative et des responsabilités des personnels hospitaliers, la capacité a pu atteindre 18 255 lits de réanimation, en convertissant les lits pour soins intensifs (5 390) et pour soins continus (7 531). Mais est-il normal que dans un pays qui est champion toutes catégories des prélèvements obligatoires (46 % du PIB) et dont le ratio de dépenses de santé par habitant est identique à l'Allemagne (11,2 % du PIB), l'on connaisse une telle pénurie ? Comment admettre que l'on ait dû, pour sauver la vie des citoyens, avoir recours à des expédients tels que le transfert de certains malades dans les hôpitaux de province, voire, pour les frontaliers de l'Est, chez les voisins d'outre-Rhin ? Comment, surtout, ne pas être scandalisé que, compte tenu de cette pénurie, il ait fallu faire un tri dramatique entre les malades selon leur âge et être contraint de sacrifier les citoyens les plus âgés et notamment ceux des EHPAD ? Bien sûr, M. le ministre lui objectera que jamais de telles instructions n'ont été données aux directeurs d'EHPAD, mais M. le député constate qu'il n'a pas porté plainte contre le Canard enchaîné qui affirmait qu'un texte de « recommandations régionales » (référence « covid-19 010 ») publié par l'ARS d'Île-de-France et portant sur « la décision d'admission des patients en unités de réanimation et unités de soins critiques » invitait les personnels soignants à sic « prendre particulièrement en compte pour les patients covid [les critères] d'âge ». Cette situation doit conduire M. le ministre à faire preuve d'humilité et à reconsidérer la gestion de la santé publique. En effet, bien avant la parution du covid-19, M. le député lui rappelle que tous les services d'urgence des hôpitaux du pays étaient en grève, pour dénoncer la grande misère de l'hôpital public et le choix d'une gestion comptable au détriment de la sécurité sanitaire des Français ! M. le ministre a-t-il un plan pour augmenter le nombre de lits de réanimation de manière durable, afin de rattraper le retard de la France sur des pays comme l'Allemagne, le Japon et la Corée du Sud ? De quelle manière va-t-il le mettre en œuvre et dans quel délai ? A-t-il prévu, en conséquence, un plan de formation pour les équipes des services d'urgence et d'augmenter le salaire de base des personnels soignants de manière pérenne, en ne se contentant pas seulement de leur verser des primes ponctuelles ? Enfin, M. le député ose espérer que sera, à cette occasion, reconsidérée la décision aberrante de fermeture de ce grand établissement performant qu'était l'hôpital des armées parisien du Val-de-Grâce (350 lits toutes catégories confondues), qui, par ailleurs, aurait dû être réquisitionné pour désengorger les autres hôpitaux parisiens ! Il souhaite connaître son avis sur le sujet.

Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020

CAPACITÉS EN LITS DE RÉANIMATION
M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour exposer sa question, n°  1053, relative aux capacités en lits de réanimation.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Ma question porte sur les leçons à tirer de la débâcle sanitaire que nous avons malheureusement vécue en France, avec un nombre record de victimes. Je rappelle qu'avec l'Espagne et l'Italie, la France est l'un des pays qui ont connu le plus grand nombre de victimes, alors qu'un pays comme la Pologne en a déploré vingt fois moins par habitant, sans parler des pays du Sud-Est asiatique, d'Israël ou de la Russie.

De toute évidence, il y a eu des failles béantes. Quelles leçons pouvons-nous en tirer aujourd'hui, s'agissant, en particulier, des services de réanimation ?

Lorsque, pendant la conférence de presse sur le déconfinement, j'ai entendu le Premier ministre nous expliquer qu'il fallait désormais revenir à 5 000 lits de réanimation, c'est-à-dire à leur nombre d'avant la crise, j'avoue que j'ai été stupéfait. Dire que l'hôpital a tenu, c'est faux : s'il a tenu, c'est grâce au dévouement exceptionnel des personnels soignants, des médecins, des aides-soignantes, des infirmières, des anesthésistes, des ambulanciers, qui ont fait des miracles. Mais la représentation nationale et le pays auraient tort de croire que l'hôpital a tenu, comme le répète le Gouvernement. En vérité, s'il a tenu, c'est parce qu'on a refusé de soigner de très nombreuses personnes âgées à l'hôpital.

Ce que le Gouvernement a caché pendant des semaines apparaît aujourd'hui grâce à des témoignages courageux. La presse allemande a rappelé que, dès le mois de mars, en Alsace, les patients âgés de plus de 75 ans étaient refusés à l'hôpital, ce dont le chef des urgences de Mulhouse a lui-même témoigné. De même, Le Canard enchaîné a fait état d'une circulaire du ministère de la santé selon laquelle l'âge devait être pris en compte dans les critères d'admission à l'hôpital. Enfin, le journal Marianne a fait paraître hier une enquête très documentée présentant des témoignages sur la situation des EHPAD et démontrant que les personnes âgées de plus de 70 ans ont été refusées pendant plusieurs semaines dans les hôpitaux d'Île-de-France, de Bourgogne-Franche-Comté et du Grand Est.

Notre pays a le plus fort taux de prélèvements obligatoires de l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économique –, des dépenses de santé élevées, un hôpital structuré, des personnels de santé au dévouement incroyable et, pourtant, on en arrive, sur le simple critère de l'âge, à laisser mourir nos concitoyens ! Nous devons nous interroger, rechercher les coupables et les responsables et, surtout, prendre les mesures nécessaires pour que cela ne se reproduise pas.

Madame la secrétaire d'État, quelles sont les intentions réelles du Gouvernement ? Envisage-t-il vraiment, comme l'a dit le Premier ministre, de revenir à seulement 5 000 lits de réanimation ? Nous savons pourtant aujourd'hui que s'il y a eu beaucoup moins de morts en Suisse, en Allemagne – quatre à cinq fois moins de morts en Allemagne qu'en France –, en Corée du Sud et au Japon, c'est parce que ces pays ont conservé, en nombre suffisant, des hôpitaux de proximité et des lits de réanimation et de soins aigus.

Un rapport de l'OCDE de 2019, très précis, montre qu'il y a en France 3,1 lits de soins aigus pour 1 000 habitants, contre 6 lits en Allemagne, 7,1 en Corée du Sud et 7,8, de mémoire, au Japon. Cela signifie que le bon dimensionnement des services de réanimation est l'un des critères majeurs pour déterminer la capacité d'un pays à affronter la crise sanitaire – outre, bien entendu, la gestion des masques et des tests, qui a fait l'objet de cafouillages scandaleux, sur lesquels vous devrez rendre des comptes.

Or ces services de réanimation, sous l'effet de décisions des gouvernements précédents, mais également du vôtre, et sous l'effet de la gestion bureaucratique des ARS – rappelée par notre collège Evrard et unanimement reconnue –, ont été drastiquement réduits au fil du temps, quand les hôpitaux n'ont tout simplement pas été fermés.

Résultat : 10 000 morts dans les EHPAD, alors que certains résidents – bien sûr, pas les plus âgés – auraient pu être réanimés : les résidents âgés entre 70 et 75 ans qui ont été refusés par les hôpitaux. Ces personnes auraient pu être sauvées ; c'est la secrétaire générale du syndicat professionnel des EHPAD privés qui l'affirme dans la dernière édition du journal Marianne.

Prendrez-vous enfin conscience des dégâts de votre politique ? Renoncerez-vous aux plans de fermetures décidés par les ARS ? Dans mon département, l'Essonne, la fermeture de trois hôpitaux est toujours envisagée. L'entêtement des ARS et du Gouvernement à fermer toujours plus d'hôpitaux ne se dément pas, en particulier dans la région Grand Est. Alors, madame la secrétaire d'État, pourriez-vous envisager de rouvrir des hôpitaux ?

M. le président. Monsieur Dupont-Aignan, je vous prie de bien vouloir conclure, ou bien Mme la secrétaire d'État n'aura qu'une minute pour répondre…

M. Nicolas Dupont-Aignan. J'avais moi-même proposé la réouverture de l'hôpital du Val-de-Grâce afin d'accueillir des malades pendant la crise.

Je terminerai par cette question on ne peut plus précise : le nombre de lits de réanimation restera-t-il à 5 000 ou passera-t-il à 10 000 pour égaler l'Allemagne ?

M. José Evrard. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Le sujet que vous abordez est très vaste et le cadre des questions orales sans débat n'est pas approprié pour y répondre alors qu'une commission d'enquête parlementaire devrait être prochainement constituée.

Permettez-moi, cependant, de revenir sur l'un des points que vous avez évoqués. En effet, je ne peux pas vous laisser dire qu'il y a eu des tris de malades dans les EHPAD. Depuis le début de la crise, les résidents diagnostiqués positifs au covid-19 ont été hospitalisés,…

M. Nicolas Dupont-Aignan. C'est faux !

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . …dans des établissements de santé ou à domicile. Seules les formes sévères critiques ont fait l'objet d'une admission dans les établissements de santé. La décision de maintenir ou non la personne malade dans l'EHPAD a tenu compte de l'état de santé du résident – vous l'avez vous-même souligné –, des capacités d'accompagnement de l'établissement, de la volonté du résident et de la possibilité de le déplacer.

Le ministère des solidarités et de la santé a travaillé aux côtés des EHPAD tout au long de la crise. Ils n'ont pas été seuls dans le processus de décision médicale. Une astreinte sanitaire de proximité a été organisée pour les personnes âgées et concerne aujourd'hui la quasi-totalité des EHPAD. Nous avons mobilisé le maximum de ressources pour la prise en charge des malades par les établissements. Nous avons par ailleurs créé des filières d'hospitalisation directe pour les cas les plus graves, pour lesquels l'hospitalisation pouvait représenter un bénéfice réel. Enfin, nous avons fléché les nouvelles capacités en matière de tests PCR – réaction de polymérisation en chaîne – vers les EHPAD.

Données clés

Auteur : M. Nicolas Dupont-Aignan

Type de question : Question orale

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mai 2020

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