Question orale n° 1071 :
Relations franco-allemandes après le covid-19

15e Législature

Question de : M. Frédéric Reiss
Bas-Rhin (8e circonscription) - Les Républicains

M. Frédéric Reiss interroge Mme la secrétaire d'État, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes au sujet de la dégradation des relations franco-allemandes durant la crise sanitaire actuelle. États fondateurs et partenaires privilégiés de la construction européenne, les deux pays ont géré l'urgence de la crise sanitaire sans aucune concertation. À la mi-mars 2020, l'Allemagne a fermé de façon unilatérale ses frontières, laissant des milliers de travailleurs frontaliers face à des situations complexes de chômage partiel, de maladie, ou encore contraints à des attentes de plusieurs heures aux contrôles frontières. Sur les réseaux sociaux, des messages discriminatoires et haineux rappelant des sombres heures de l'histoire ont mis à mal les acquis du traité de l'Élysée et les ambitions de celui d'Aix-la-Chapelle. Les deux gouvernements doivent aujourd'hui s'engager vers une meilleure coopération entre les deux pays. Il souhaite connaître les mesures concrètes envisagées pour réinstaurer la confiance entre les deux peuples, indispensable à la construction et au développement d'une Europe solidaire dans le concert économique mondial.

Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020

RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES PENDANT LA CRISE SANITAIRE
M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour exposer sa question, n°  1071, relative aux relations franco-allemandes pendant la crise sanitaire.

M. Frédéric Reiss. La pandémie du coronavirus a déstabilisé les relations entre les États européens, notamment entre la France et l'Allemagne. États fondateurs et partenaires privilégiés de la construction européenne, les deux pays ont géré l'urgence de la crise sanitaire sans aucune concertation.

Sur le fondement d'un rapport scientifique plaçant le Grand Est en zone à risque élevé, l'Allemagne a fermé unilatéralement ses frontières, laissant des milliers de travailleurs frontaliers face à des situations inédites et complexes : soit ils étaient en chômage partiel, soit ils étaient encouragés à se mettre en arrêt maladie. Ceux qui ont pu, ou ont dû, poursuivre leur activité ont perdu plusieurs heures chaque jour dans des contrôles tatillons, effectués dans les rares postes-frontière ouverts. En outre, la plupart d'entre eux ont été victimes de remarques discriminatoires et de brimades de la part de leurs collègues allemands. Avec des stratégies sanitaires différentes, les incompréhensions, voire les messages de haine se sont multipliés. Les acquis du traité de l'Élysée et les ambitions de celui d'Aix-la-Chapelle ont volé en éclats.

Pourtant, il faut aussi relever l'accueil gracieux de malades français dans des hôpitaux allemands. Demain, une meilleure information, une meilleure coordination seront indispensables à nos deux gouvernements. Les annonces économiques faites mi-mai par le Président de la République et la chancelière sont un premier pas, mais la coopération sanitaire devrait dorénavant constituer un axe de travail privilégié.

En Alsace du Nord, le groupement européen de coopération territoriale PAMINA y travaille depuis plusieurs années. La Commission européenne a, depuis peu, fait de la coopération sanitaire l'un de ses objectifs prioritaires. L'aboutissement de ce type d'initiatives locales aurait valeur d'exemple.

Madame la secrétaire d'État, quelles mesures concrètes envisagez-vous pour réinstaurer la confiance entre les citoyens de nos deux pays et réaffirmer notre volonté de partager un avenir commun ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires européennes.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État chargée des affaires européennes. Monsieur le député, vous m'interrogez sur un sujet majeur, parce que la France et l'Allemagne forment le cœur de l'Europe. L'initiative franco-allemande présentée le 18 mai par le Président de la République et la chancelière Merkel retrouve l'esprit de solidarité qui est au cœur du projet européen depuis plus de soixante-dix ans.

Ensemble, nous avons proposé un plan de relance ambitieux, qui repose sur l'émission de dette européenne pour aider les secteurs et les régions les plus touchés, notamment le Grand Est, par cette épidémie meurtrière. La Commission européenne a repris cette ambition, en insistant sur la souveraineté européenne qui en est un élément central. Ensemble, nous œuvrons chaque jour pour convaincre nos partenaires européens de l'importance que revêt, pour nous tous, la relance sociale et économique.

Comme vous, je suis convaincue de l'importance du moteur franco-allemand et de celle du retour de la confiance. C'est pourquoi j'étais vendredi dernier en Moselle et dans la Sarre, pour mon premier déplacement post-confinement : à Petite-Rosselle, à Grosbliederstroff et à Sarrebruck, j'ai voulu saluer l'action de toutes les personnes qui ont incarné sur le terrain, contre vents et marées, la coopération franco-allemande du quotidien.

La très forte interdépendance humaine, économique et sociale entre nos deux pays a été plus que jamais visible pendant la crise sanitaire. Certes, la violence de l'épidémie a d'abord entraîné des réflexes de repli. Je veux vous le dire très solennellement : nous ne devons plus jamais revivre cela, jamais, ni à l'échelle de l'Union européenne, ni à celle de nos deux pays. La réapparition subite de la frontière a été, je le sais – je l'ai vu, je l'ai entendu – très douloureuse, tant l'imbrication humaine est dense et tant la frontière physique était devenue invisible jusqu'à il y a quelques semaines.

Le Gouvernement a été en première ligne et le Président de la République a pris des initiatives très fortes, notamment lors du Conseil européen du 10 mars, pour renforcer la coordination européenne. Très rapidement, nous avons organisé des contrôles réciproques et proportionnés. Nous avons aussi veillé à ce qu'il n'y ait jamais de fermeture complète des frontières. Notre objectif est que lundi, le 15 juin, nous puissions lever l'ensemble des restrictions de circulation aux frontières intérieures avec l'Allemagne et tous nos partenaires européens, si la situation sanitaire le permet, comme l'a indiqué récemment le Premier ministre.

En outre, nous avons beaucoup travaillé avec Muriel Pénicaud, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin pour garantir aux travailleurs transfrontaliers les mêmes droits qu'aux autres salariés et neutraliser les effets de la crise et du télétravail imposé sur leur régime fiscal et social. L'objectif est qu'il n'y ait pas de différence de traitement fiscal.

Toutes ces avancées ont été permises par un engagement très fort des élus locaux que je veux ici saluer, notamment le président de la région Grand Est, et des élus de part et d'autre de la frontière. En outre, j'ai réuni, le 23 avril, avec mon homologue Michael Roth, le comité de coopération transfrontalière, institué par le traité d'Aix-la-Chapelle ; je le réunirai à nouveau demain, parce qu'il faut construire la coopération à tous les échelons.

Vendredi dernier, nous avons remercié les hôpitaux allemands, notamment celui de Sarrebruck, qui ont accueilli plus de 140 patients français ces dernières semaines. Nous les remercions de cette solidarité et nous allons développer, comme vous le souhaitez, une coopération sanitaire transfrontalière plus ambitieuse.

Données clés

Auteur : M. Frédéric Reiss

Type de question : Question orale

Rubrique : Union européenne

Ministère interrogé : Affaires européennes

Ministère répondant : Affaires européennes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juin 2020

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