Question orale n° 1075 :
Délocalisation au profit des métropoles

15e Législature

Question de : Mme Marguerite Deprez-Audebert
Pas-de-Calais (9e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés

Mme Marguerite Deprez-Audebert appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances sur les délocalisations des sièges des entreprises industrielles au profit des métropoles. Ainsi à Lestrem, commune du Pas-de-Calais, à 25 kilomètres de Lille est implantée depuis 1933 Roquette, qui fait la fierté de la communauté de communes Flandres-Lys et de l'arrondissement de Béthune. Cette entreprise longtemps familiale est devenue l'un des cinq leaders mondiaux de l'industrie de l'amidon. Présente dans plus de 100 pays, 2 700 des 8 000 salariés sont localisés à Lestrem. Jusqu'en 2015 le siège était au cœur du site. La tête et le corps de l'entreprise ne faisaient qu'un. Avec l'arrivée d'une nouvelle équipe de dirigeants, il a été décidé de transférer la direction générale puis le siège social à La Madeleine, plus proche de Lille, plus attractive car plus proche de l'aéroport, des gares, des écoles et des talents, concrétisant l'effet d'aspiration d'une métropole (la MEL, Métropole européenne de Lille) qui assèche son territoire, au lieu de l'irriguer, et faisant prendre le risque à l'entreprise de perdre son âme. Si la pérennité économique de certaines entreprises industrielles nécessite parfois une réorganisation spatiale, ce n'est pas le cas de Roquette, qui réalise de très bons résultats. Malgré tout il a été récemment proposé à 115 salariés de quitter le site historique de Lestrem, pour rejoindre le siège métropolitain. Roquette n'est pas la première entreprise à séparer sa tête de son corps. Au-delà du non-sens écologique, des impacts pour le tissu local, d'une contribution à l'embolisation des grandes villes, à l'heure où la RSE est mise en avant dans l'économie, il y a lieu de s'interroger sur le sens et les conséquences à long terme de telles mesures, qui contribuent à accentuer les fractures que l'on s'attache à réduire, surtout dans le cas d'entreprises qui ont reçu de l'argent public. Mme la députée salue et partage les récents propos de M. Roux de Bézieux, président du Medef : « Nous devons prendre en compte la réalité du terrain. Cela nécessite une meilleure adaptation aux différences et spécificités territoriales. Les centres de décision, les richesses et les talents sont concentrés dans les métropoles, c'est un phénomène grave entraînant une attrition des territoires ». De plus, la fréquentation dense de lieux typiquement urbains, tels que les transports collectifs, semble avoir joué un rôle dans la diffusion initiale de covid-19. Il ne fait aucun doute que les logiques spatiales sont une dimension essentielle de la crise que l'on traverse et révèlent les failles de la métropolisation. Mme la ministre partage-t-elle ces préoccupations ? Elle lui demande comment éviter ces décisions préjudiciables aux territoires et veiller à ce que les entreprises restent ou redeviennent un vecteur de rééquilibrage des territoires.

Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020

DÉLOCALISATION AU PROFIT DES MÉTROPOLES
M. le président. La parole est à Mme Marguerite Deprez-Audebert, pour exposer sa question, n°  1075, relative à la délocalisation au profit des métropoles.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Ma question porte sur les délocalisations des sièges des entreprises industrielles au profit des métropoles. Ainsi, à Lestrem, dans le Pas-de-Calais, à vingt-cinq kilomètres de Lille, est implantée depuis 1933 Roquette, qui fait la fierté de la communauté de communes Flandres Lys et de l'arrondissement de Béthune. Cette entreprise longtemps familiale, devenue l'un des cinq leaders mondiaux de l'industrie de l'amidon, est présente dans plus de 100 pays, 2 700 de ses 8 000 salariés étant localisés à Lestrem.

Jusqu'en 2015, le siège était au cœur du site. La tête et le corps de l'entreprise ne faisaient qu'un. Avec l'arrivée d'une nouvelle équipe de dirigeants, il a été décidé de transférer la direction générale puis le siège social à La Madeleine, plus proche de Lille, plus attractive car plus proche de l'aéroport, des gares, des écoles et des talents, concrétisant ainsi l'effet d'aspiration d'une métropole – la MEL, métropole européenne de Lille – qui assèche son territoire au lieu de l'irriguer, et faisant prendre le risque à l'entreprise de perdre son âme.

Si la pérennité économique de certaines entreprises industrielles nécessite parfois une réorganisation spatiale, ce n'est pas le cas de Roquette, qui réalise de bons résultats. Malgré tout, il a été récemment proposé à 115 salariés de quitter le site historique de Lestrem pour rejoindre le siège métropolitain. Roquette n'est pas la première entreprise à séparer sa tête de son corps. Au-delà de leur non-sens écologique, de leur impact sur le tissu local, du fait qu'elles contribuent à l'embolie des grandes villes et de l'actuelle valorisation de la RSE, la responsabilité sociale des entreprises, dans notre économie, de telles mesures ne laissent pas d'interroger quant à leur sens et à leurs conséquences à long terme, tant elles contribuent à accentuer les fractures que nous nous attachons à réduire, a fortiori quand elles sont décidées par des entreprises qui ont reçu de l'argent public.

Je salue et partage les récents propos de M. Roux de Bézieux, président du MEDEF, qui a pris conscience de ce que j'appellerai la nécessaire « démétropolisation » : nous devons, explique-t-il, prendre en compte la réalité du terrain, ce qui nécessite une meilleure adaptation aux différences et aux spécificités territoriales. Les centres de décision, ajoute-t-il, les richesses et les talents sont concentrés dans les métropoles, phénomène grave qui entraîne une attrition des territoires.

En outre, la fréquentation dense de lieux typiquement urbains, tels que les transports collectifs, semble avoir joué un rôle dans la diffusion du virus. Il ne fait aucun doute que les déplacements représentent une dimension essentielle de la crise que nous traversons et révèlent les failles de la métropolisation. Monsieur le secrétaire d'État, partagez-vous ces préoccupations ? Comment éviter ces décisions préjudiciables à nos territoires et veiller à ce que nos entreprises restent ou redeviennent un vecteur de rééquilibrage des territoires ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.

M. Cédric O, secrétaire d'État chargé du numérique. Il nous semble que le développement de nos territoires doit refléter une vision d'ensemble et qu'il ne s'agit pas d'opposer les métropoles et villes moyennes aux territoires ruraux et urbains. Ce qui est en jeu, comme vous l'avez dit, c'est la réduction des inégalités territoriales, laquelle constitue l'une des priorités du quinquennat ; elle est rendue plus aiguë encore par les facteurs que vous avez évoqués.

Le maintien des entreprises, dont les entreprises industrielles dans les zones rurales et les villes moyennes, est à ce titre essentiel et participe sans aucun doute aux rééquilibrages territoriaux. C'est pourquoi je me permettrai de citer le programme « territoires d’industrie » qui, en mobilisant des moyens financiers à hauteur de 1,3 milliard d'euros, vise à soutenir les entreprises industrielles dans les territoires. Aujourd'hui, 148 territoires bénéficient de ce programme qui repose sur quatre piliers : l’amélioration de notre rapport compétitivité-coût, l'innovation, la formation et une forte présence territoriale. Dans leur grande majorité, ces territoires se situent en dehors des métropoles, même si nous n’en n'avons pas fait une question de principe.

Je tiens également à évoquer devant vous le rapport de la mission agenda rural, qui a notamment permis de bâtir un plan d'action concret et ambitieux pour nos campagnes. Pour lutter contre la disparition des entreprises dans les communes rurales et favoriser leur réimplantation, le Gouvernement a par exemple validé le lancement en 2020 d’un plan de soutien aux petits commerces en zones rurales. Dans ce cadre, les petits commerces situés dans les communes de moins de 3 500 habitants pourront, avec l'accord des communes concernées, bénéficier d’exonérations fiscales, comme la CFE, la cotisation foncière des entreprises, ou la TFPB, la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Afin de renforcer l'attractivité des territoires ruraux, le Gouvernement s’est aussi engagé à faire résorber les zones blanches de téléphonie mobile en cinq ans et à faire passer à la 4G tous les pylônes existants d'ici à la fin 2020. De plus, un seuil minimal de sites 5G à déployer dans les territoires ruraux sera défini dans le cadre des attributions de fréquence aux opérateurs.

Enfin, comme vous l'avez souligné, je suis convaincu que la crise mondiale provoquée par l'épidémie de coronavirus aura un impact sur l'organisation de l'économie en faisant naître une réflexion profonde sur une meilleure organisation des chaînes de valeur et sur la relocalisation de plusieurs activités stratégiques pour la France. La relocalisation des compétences ne concerne pas uniquement les métropoles, comme en témoigne d'ailleurs le mouvement actuel de migration de certains urbains vers les territoires ruraux.

Le Gouvernement travaille activement depuis plusieurs semaines à ces mouvements de relocalisation et de migration. Notre souhait est qu'ils puissent aussi profiter aux territoires – dont les villes moyennes et les communes rurales – et participer à leur développement, démontrant ainsi que ce Gouvernement est soucieux de garantir un équilibre économique territorial.

M. le président. La parole est à Mme Marguerite Deprez-Audebert.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Je suis convaincue que les événements actuels et la volonté de relocaliser seront bénéfiques aux territoires. Il faut saisir cette occasion. En tant que secrétaire d'État chargé du numérique, vous avez un rôle essentiel à jouer pour réenchanter nos territoires, qui sont un peu isolés.

Données clés

Auteur : Mme Marguerite Deprez-Audebert

Type de question : Question orale

Rubrique : Aménagement du territoire

Ministère interrogé : Économie et finances (Mme la secrétaire d'État auprès du ministre)

Ministère répondant : Économie et finances (Mme la secrétaire d'État auprès du ministre)

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juin 2020

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