Situation singulière des entreprises organisatrices de voyages scolaires
Question de :
M. Stéphane Mazars
Aveyron (1re circonscription) - La République en Marche
M. Stéphane Mazars attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la situation singulière des entreprises organisatrices de voyages scolaires et de séjours linguistiques, en grande difficulté économique depuis la recommandation bien évidemment compréhensible, début mars 2020, de suspendre les voyages scolaires. Le fait que ces entreprises organisatrices de voyages scolaires s'adressent à des élèves rend le principe de l'avoir parfaitement inadapté. Et partant, cela oblige les organisateurs de voyages scolaires au remboursement de chaque séjour alors que, dans le même temps, eux-mêmes ne peuvent l'obtenir de leurs propres prestataires. Aujourd'hui, le nombre de demandes d'annulation se démultiplie. Et dans ce contexte anxiogène, tenues au remboursement alors que leur secteur d'activité n'a toujours pas repris, les entreprises organisatrices de voyages et l'Union nationale des organisations de séjours éducatifs, linguistiques et formation en langues (UNOSEL) sollicitent, et ce depuis plusieurs mois, la création d'un fonds de soutien garanti par l'État. Aujourd'hui, et en l'absence de mesures spécifiques urgentes, c'est tout le modèle économique des entreprises organisatrices de voyages scolaires et linguistiques qui s'effondre. Cette perspective est inenvisageable, en particulier dans le département de l'Aveyron qui, avec six entreprises et plus de 250 salariés, a su s'imposer au fil des décennies comme le « berceau et le poumon du séjour linguistique en France ». Aussi, et à la lumière de la position prise par la Commission européenne le 13 mai 2020, il l'interroge sur la sécurisation financière du remboursement des voyages scolaires, aussi bien des parents que des opérateurs, et les réponses concrètes et adaptées qu'il convient d'apporter. À ce titre, il souhaite savoir si le Gouvernement entend mettre en place un fonds de soutien garanti capable de répondre à la problématique singulière du remboursement des voyages scolaires annulables.
Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020
SITUATION DES ENTREPRISES ORGANISATRICES DE VOYAGES SCOLAIRES
M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars, pour exposer sa question, n° 1085, relative à la situation singulière des entreprises organisatrices de voyages scolaires.
M. Stéphane Mazars. Notre pays connaît une crise économique sans précédent, liée à la pandémie de covid-19. Parmi les secteurs les plus touchés, il y a celui du tourisme, qui bénéficie d'ailleurs d'un plan massif de soutien du Gouvernement – il faut s'en féliciter. Parmi les entreprises les plus affectées du secteur, on trouve les voyagistes, pour lesquels l'État a pris des mesures spécifiques afin de leur permettre de préserver au mieux leur trésorerie. Parmi eux, cependant, une catégorie d'entreprises reste grandement inquiète de son avenir : celle spécialisée dans les séjours linguistiques et les voyages scolaires. Dès les premiers jours de l'état d'urgence sanitaire, j'ai interpellé l'État sur ce sujet qui me touche d'autant plus que dans mon département, ce secteur représente six entreprises de premier plan au niveau national et plus de 250 salariés, ce qui a permis à l'Aveyron de s'imposer au fil des décennies comme le berceau et le poumon du séjour linguistique en France.
Mes interpellations concernaient la spécificité de ce type de voyages, incompatibles avec le principe du remboursement différé de l'avoir qui a été prévu pour les entreprises organisatrices de voyages classiques. En effet, l'avoir n'a pas de sens pour un public de voyageurs – élèves, collégiens ou étudiants – susceptibles de quitter l'année suivante la classe ou l'établissement concerné. De plus, ce principe appliqué aux entreprises de voyage en général semble aujourd'hui remis en cause par la Commission européenne, qui, le 13 mai dernier, a invité les États membres à prendre des mesures visant à privilégier le droit au remboursement immédiat des voyageurs.
Dans mes diverses interpellations, j'ai relayé la proposition des professionnels du secteur : créer, au niveau de l'État, une caisse de compensation qui permettrait notamment d'assurer le remboursement des établissements scolaires et, partant, des parents d'élèves, ce qui aurait pour avantage de lever la difficulté du principe de l'avoir et d'apporter une aide financière à la hauteur des difficultés de ce secteur hautement sinistré. Quelle est la position du Gouvernement quant à la création de ce fonds de soutien ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d'État chargé du numérique. L’objet de l’ordonnance no 2020-315 du 25 mars est effectivement d’aider les acteurs du tourisme à passer le cap d’une situation difficile. Sans cela, le risque sur les trésoreries des professionnels aurait été trop important au regard du nombre de remboursements à effectuer. L’ordonnance permet ainsi à tous les professionnels de proposer, à la place d’un remboursement, un avoir d’un montant équivalent, utilisable pour une prochaine prestation. Cette possibilité s’applique aux agences de voyages ainsi qu’à d’autres professionnels du tourisme. Point important : cette mesure bénéficie aussi aux associations qui offrent le même type de prestations, souvent pour répondre à des finalités sociales, et notamment à celles qui accueillent des mineurs.
Les annulations concernées par l'ordonnance sont celles dont la notification est comprise entre le 1er mars et le 15 septembre 2020. À l’issue d’une échéance de 18 mois, si le client n’a pas utilisé l’avoir, le professionnel devra le rembourser. L’avoir prévu par l’ordonnance constitue une possibilité offerte au prestataire, quelle que soit sa nature, et non une obligation. Si le prestataire préfère rembourser ses clients, il peut le faire : c’est à lui d’évaluer quelle est la meilleure solution adaptée à sa situation. Dans le cas des voyages scolaires, on comprend que les élèves auront changé de classe, voire d’école, et qu’il faille parfois rembourser.
II faut souligner que l’ordonnance ne modifie que les relations du professionnel avec le client final. Elle ne change rien aux relations juridiques entre celui qui vend un voyage et ses propres fournisseurs. Les organisateurs de voyages scolaires devraient donc pouvoir se faire rembourser une prestation qui, en l’espèce, a fait l’objet d’une résolution – pour force majeure ou pour circonstances exceptionnelles – liée au covid-19. Dans ces conditions, le Gouvernement n’envisage pas, à ce stade, de se substituer aux professionnels pour les remboursements, qu’ils sont libres ou non d’effectuer. Cela pourrait créer un aléa moral en donnant à penser que l'État lui-même garantit les fonds versés aux professionnels.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars.
M. Stéphane Mazars. Votre réponse est pour le moins inquiétante – non pas pour moi, mais pour les centaines de salariés qui travaillent dans le secteur. En effet, sans fonds de soutien, ces entreprises ne pourront pas, je le crains, passer le cap d'une crise qui risque de leur être fatale.
Il faut bien comprendre la difficulté de ce secteur très spécifique : les acteurs ne pourront se faire rembourser en aval les prestations qu'ils ont déjà commencé à payer aux prestataires, lesquels se trouvent parfois à l'étranger puisque ces voyages scolaires s'effectuent souvent à l'étranger, mais devront rembourser en amont des établissements scolaires et, derrière, des familles qui ont avancé des frais pour des voyages qui n'auront pas lieu.
Votre réponse est donc quelque peu inquiétante et je demande au Gouvernement de faire preuve d'une attention toute particulière à l'égard de ces organismes de voyages, qui effectuent un travail très spécifique et qui ne peuvent pas être amalgamés avec les agences de voyages classiques.
Auteur : M. Stéphane Mazars
Type de question : Question orale
Rubrique : Tourisme et loisirs
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie et finances
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juin 2020