Post Brexit - Accord sur la pêche dans les eaux britanniques
Question de :
M. Jean-Luc Bourgeaux
Ille-et-Vilaine (7e circonscription) - Les Républicains
M. Jean-Luc Bourgeaux appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les accords de libre-échange entre l'Union européenne et la Grande-Bretagne. Cet accord de libre-échange semble progresser depuis peu, mais achoppe toujours sur trois points importants : l'accès des européens aux poissonneuses eaux britanniques, l'égalité des conditions de concurrence et les conditions de gouvernance de l'accord. Force est de constater que la période de transition post-Brexit approche : il reste maintenant moins de 60 jours. En cas de no deal, les échanges entre le Royaume-Uni et l'UE seront régis par les termes de l'Organisation mondiale du commerce et soumis à des quotas et des droits de douane. L'inquiétude grandit chez les pêcheurs bretons. La pêche fait vivre de nombreuses familles, sans compter les emplois à terre. Elle grandit d'autant plus que le Royaume-Uni semble vouloir limiter l'accès des eaux poissonneuses, après la période post-Brexit qui se termine le 31 décembre 2020, en proposant la renégociation annuelle des droits de pêche dans ses eaux. La pêche ne doit pas être une variable d'ajustement ; l'accès privilégié au marché unique que souhaite le Royaume-Uni doit être indissociable des garanties pour les pêcheurs français. Aussi il lui demande de lui indiquer les mesures que le Gouvernement compte prendre pour soutenir les pêcheurs bretons.
Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2020
CONSÉQUENCES DU BREXIT SUR LA PÊCHE FRANÇAISE.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Bourgeaux, pour exposer sa question, n° 1138, relative aux Conséquences du Brexit sur la pêche française.
M. Jean-Luc Bourgeaux. Il nous reste moins de quarante jours pour trouver un accord avec Londres. Faute de compromis sur la pêche avant le 31 décembre prochain, nous verrons s'appliquer les règles de l'OMC – Organisation mondiale du commerce –, synonymes de droits de douane élevés et de contrôle douanier pour les entreprises, avec le risque de voir émerger à nos portes une plateforme de réexportation vers le continent de produits en partie étrangers qui ne seraient soumis à aucun quota ni droits de douane.
M. Pierre Cordier. Oui !
M. Jean-Luc Bourgeaux. La Bretagne représente 40 % à 45 % de la pêche française, secteur qui est un des moteurs de l'économie régionale. Avec 1 180 embarcations, la pêche bretonne représente 27 % des navires de la métropole. Faute d'accord, ce territoire maritime sera amputé de moitié. Les pertes seraient alors considérables pour les 4 990 marins pêcheurs et pour leurs familles.
En Bretagne, la filière des produits de la mer totalise 16 500 emplois, dont 1 000 emplois à terre, répartis principalement entre le mareyage et les industries alimentaires. Dans ma circonscription, à Saint-Malo, la majorité des pêcheurs travaillent dans les eaux de Jersey en vertu de l'accord de Granville signé en 2000. Si la Grande-Bretagne les récupérait, Jersey pourrait reprendre la main et distribuer des droits de pêche payants. Deux ou trois heures de navigation supplémentaires seraient alors nécessaires pour aller pêcher. En outre, le port de Saint-Malo ne serait plus stratégique pour les armements.
La remise en cause de l'accès des pêcheurs bretons aux eaux britanniques si poissonneuses aurait une incidence désastreuse pour notre économie régionale, pour nos pêcheurs et pour leurs familles, mais aussi pour le renouvellement de la flotte et des générations.
Monsieur le secrétaire d'État, faut-il se préparer à une réduction des possibilités de pêche pour les Européens dans les eaux britanniques à partir du 31 décembre ? Si oui, quelles mesures de soutien seraient-elles prises en faveur de cette filière ? Et en cas d'accord, pensez-vous que l'accès puisse rester exactement le même ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, la question que vous posez est extrêmement sensible, à quelques semaines d'une échéance essentielle : le Royaume-Uni quittera effectivement l'Union européenne le 31 décembre prochain – c'est notre seule certitude aujourd'hui. La France, comme l'ensemble des vingt-sept pays européens, a défendu, dans le cadre de cette négociation, plusieurs priorités, tout en haut desquelles figure la préservation de l'accès aux eaux britanniques pour nos pêcheurs. N'ayant pas eu à s'exprimer lors du référendum britannique, ils n'ont pas à en être la variable d'ajustement et les sacrifiés, comme l'a rappelé, à plusieurs reprises, le Président de la République.
Au moment où je vous parle, je suis raisonnablement optimiste sur la possibilité de conclure un accord. J'insiste sur un point essentiel : il n'y aura pas d'accord sur la relation future avec le Royaume-Uni qui n'inclue, en matière de pêche, un accès stable et durable aux eaux britanniques. C'est une évidence, nous ne sacrifierons pas ce secteur.
Nous nous préparons néanmoins à tous les scénarios. Dans le cas d'un non-accord, qui aurait pour conséquence une privation d'accès aux eaux britanniques, un accompagnement financier est prévu par l'Union européenne et par la France. Cependant, tel n'est pas le scénario que nous souhaitons voir se réaliser car nous en connaissons toutes les conséquences.
C'est pourquoi, tout en défendant nos principes et nos priorités, nous travaillons sérieusement à trouver un accord qui préserve un accès maximal aux eaux britanniques dans la durée. Concernant les îles anglo-normandes de Jersey et de Guernesey, nous recherchons le moyen de préserver, dans un cas, et de sécuriser, dans l'autre, l'accès aux eaux tel qu'il existe aujourd'hui car on sait que ces deux zones sont particulièrement importantes pour nos pêcheurs, en particulier bretons.
Soyez certain de l'engagement du Gouvernement pour assurer dans tous les cas de figure la protection des intérêts de notre pays et de la filière dans son ensemble, et pour garantir, j'insiste sur ce point, un accès stable, durable et le plus complet possible de nos pêcheurs aux eaux britanniques à partir du 1er janvier, y compris aux eaux des îles anglo-normandes que vous évoquiez à juste titre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Bourgeaux.
M. Jean-Luc Bourgeaux. Je vous remercie pour cette réponse, monsieur le secrétaire d'État, mais comprenez tout de même l'inquiétude des pêcheurs…
M. Pierre Cordier. Eh oui !
M. Jean-Luc Bourgeaux. …alors que cela fait des siècles qu'ils ont la chance de pouvoir travailler dans cette zone. On a du mal à comprendre l'absence d'accord alors que le Royaume-Uni en a plus besoin que nous, puisque la moitié de ses exportations se fait en direction de l'Union européenne. Si l'accord achoppe sur la problématique de la pêche, je ne comprends pas pourquoi les Britanniques n'acceptent pas nos propositions.
M. Sébastien Jumel. La pêche, c'est important !
Auteur : M. Jean-Luc Bourgeaux
Type de question : Question orale
Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2020