Attribution de la demi-part fiscale aux veuves d'anciens combattants
Question de :
M. Régis Juanico
Loire (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
M. Régis Juanico attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants, sur la question de la demi-part fiscale dont peuvent bénéficier les veuves des anciens combattants. À la suite d'une récente évolution législative datant de 2019, toutes les veuves, ayant atteint l'âge de 74 ans, peuvent bénéficier d'une demi-part fiscale supplémentaire, à partir du moment où leur mari a été titulaire de la carte du combattant ou d'une pension servie en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Il lui demande si le Gouvernement envisage désormais de compléter cette mesure en permettant à toutes ces veuves de bénéficier de cette demi-part fiscale, même si le décès de leur conjoint est antérieur à 65 ans. Il s'agirait-là d'une mesure d'équité et de solidarité vis-à-vis des anciens combattants et de leurs familles, qui règlerait définitivement ce point du contentieux.
Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2020
DEMI-PART POUR LES VEUVES D'ANCIENS COMBATTANTS
Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico, pour exposer sa question, n° 1151, relative à la demi-part pour les veuves d'anciens combattants.
M. Régis Juanico. Madame la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants, je souhaite vous interroger sur la demi-part fiscale supplémentaire dont peuvent bénéficier les veuves d'anciens combattants. Il y a un an, a eu lieu dans cet hémicycle un vote historique à ce sujet. L'amendement de la commission des finances de notre collègue Jean-Paul Dufrègne et celui, identique, déposé par le groupe Socialistes et apparentés, dont j'étais le premier signataire, ont été adoptés à la quasi-unanimité, par 105 voix pour et une voix contre.
Cet amendement de réparation mettait fin à une injustice majeure entre les veuves d'anciens combattants, en élargissant aux veuves ayant atteint d'âge de 74 ans le bénéfice d'une demi-part fiscale supplémentaire, à la condition que leur mari décédé ait été lui-même titulaire de la carte du combattant ou d'une retraite du combattant à partir de 65 ans. Cette avancée pour le monde combattant doit bénéficier à 50 000 veuves au revenu souvent modeste, à partir du 1er janvier 2021, pour un coût budgétaire de 30 millions d'euros.
Mais il demeure une autre injustice entre veuves d'anciens combattants, qui touche celles dont le conjoint titulaire de la carte du combattant est décédé avant 65 ans. Je demande donc au Gouvernement s'il envisage désormais de compléter la mesure adoptée l'an dernier en permettant à toutes ces veuves de bénéficier de cette demi-part fiscale, quel que soit l'âge de décès de leur conjoint. Il s'agirait là d'une mesure d'équité et de solidarité vis-à-vis des anciens combattants et de leurs familles, pour un coût modeste de 18 millions d'euros, qui pourrait bénéficier à 8 000 veuves supplémentaires.
J'appelle également votre attention sur les veuves d'anciens combattants dont le conjoint est décédé avant 65 ans et qui sont titulaires d'une attestation précisant que leur époux aurait pu de son vivant prétendre à la carte du combattant. Le conseil départemental pour les anciens combattants et victimes de guerre avait, il y a quelques années, la possibilité de délivrer à la veuve d'un ancien combattant une attestation établissant que son époux remplissait les conditions requises pour se voir reconnaître la qualité de combattant.
Madame la ministre déléguée, allez-vous faciliter les démarches administratives de ces veuves de manière à leur permettre de bénéficier de la demi-part fiscale ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le député, vous l'avez souligné : une avancée importante a été votée dans la loi de finances de l'an dernier et elle entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2021. À partir de cette date, tous les conjoints survivants d'anciens combattants pourront bénéficier de l'attribution de la demi-part fiscale à compter de leurs 74 ans, même si l'ancien combattant est décédé entre 65 ans et 74 ans. Vous souhaitez aujourd'hui que tous les conjoints survivants d'anciens combattants bénéficient de cette mesure, quel que soit l'âge du décès de l'ancien combattant. Je n'y suis pas favorable.
En premier lieu, la demi-part fiscale supplémentaire accordée aux anciens combattants constitue une importante exception au principe de quotient familial, qui a pour objet de proportionner l'impôt aux charges de famille du contribuable. Cet avantage fiscal, qui tient à la reconnaissance de la nation envers ses anciens combattants, a un caractère exceptionnel. C'est pour cela qu'il est lié au bénéfice de la retraite du combattant qui, elle, est versée à partir de 65 ans.
Je rappelle que ce type de dispositif bénéficie en priorité à ceux qui sont assujettis à l'impôt sur le revenu, lesquels, pour la plupart, ont également bénéficié de toutes les baisses d'impôt décidées par le Gouvernement ces dernières années. Je pense à la baisse de l'impôt sur le revenu l'an dernier et à la suppression progressive de la taxe d'habitation. Mon engagement a toujours été de privilégier des mesures ciblées sur les plus fragiles, pour résoudre des situations sociales et personnelles difficiles. Or les plus fragiles ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu.
Je vous confirme que tous les conjoints survivants d'anciens combattants, quel que soit leur âge ou leur situation, ont accès à l'aide sociale dispensée par l'ONACVG – Office national des anciens combattants et victimes de guerre – sans critère d'âge de décès de l'ancien combattant. C'est véritablement un soutien aux plus fragiles. Je m'efforce de maintenir des crédits élevés pour l'aide sociale, malgré la diminution régulière du nombre d'anciens combattants, ce qui permet de préserver ces dispositifs pour les plus fragiles.
Enfin, je suis évidemment favorable à ce qu'on simplifie les démarches permettant d'obtenir l'attestation que vous avez mentionnée, mais, à l'heure actuelle, il n'y a plus beaucoup de personnes à laquelle elle ferait défaut.
Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico. Je prends acte de cette réponse, mais regrette que Mme la ministre déléguée ne soit pas favorable à une mesure de justice qui bénéficierait à 8 000 veuves et constitue une revendication majeure de la FNACA – Fédération nationale des anciens combattants d'Algérie –, première organisation du monde combattant. Nous sommes dans le cadre non d'une niche fiscale ni d'un avantage exceptionnel, mais d'un droit à la réparation.
Il y aurait une mesure réglementaire très simple à prendre, sans même repasser par la loi : elle consisterait à revenir à la circulaire édictée par votre ministère en 2005 indiquant aux directions départementales des finances publiques qu'elles avaient toute latitude envers les veuves d'anciens combattants. Il suffirait alors à celles-ci de produire une attestation de leur qualité de conjoint d'un titulaire de la carte du combattant pour bénéficier de la demi-part. C'est à cette tolérance que je vous appelle et qu'il faudrait aujourd'hui revenir.
Auteur : M. Régis Juanico
Type de question : Question orale
Rubrique : Anciens combattants et victimes de guerre
Ministère interrogé : Mémoire et anciens combattants
Ministère répondant : Mémoire et anciens combattants
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2020