Application des lignes directrices de l'EFSA de 2013
Question de :
Mme Delphine Batho
Deux-Sèvres (2e circonscription) - Non inscrit
Mme Delphine Batho interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'application par l'Anses du document d'orientation relatif à l'évaluation des risques potentiels associés à l'utilisation de pesticides pour les abeilles communes, les bourdons et les abeilles solitaires publié en 2013 par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). En l'état, les règles d'homologation des pesticides ne prennent pas en compte les risques pour les abeilles et les pollinisateurs sauvages. Les méthodes d'évaluation utilisées comportent de nombreux manquements, mis en évidence par l'EFSA dans un avis scientifique dès 2012. Pour remédier à ces carences, l'EFSA a publié en 2013 un document d'orientation relatif à l'évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques sur les abeilles. La France est favorable à l'adoption de ces lignes directrices. Mais plus de sept années après sa publication, le document guide de l'EFSA n'a toujours pas été adopté, du fait de l'opposition de plusieurs États membres de l'Union européenne. La Commission européenne a demandé en mars 2019 une révision des lignes directrices élaborées par l'EFSA qui prend une tournure préoccupante et s'oriente vers un abaissement des niveaux des exigences en matière de protection des abeilles et autres pollinisateurs fixés en 2013. En dépit de ce blocage, les États membres conservent la possibilité d'appliquer ces orientations dans le cadre de leurs compétences pour la délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. La Belgique a fait ce choix qu'elle a justifié ainsi : « d'un point de vue scientifique, il n'est pas acceptable d'ignorer des données robustes de toxicité sur des espèces vulnérables non-cibles, simplement parce qu'il n'y a pas de lignes directrices d'évaluation du risque généralement acceptées ». Dans un avis publié le 28 octobre 2019, l'Anses recommande de conduire l'évaluation des risques des pesticides pour les abeilles sur la base du document guide de l'EFSA de 2013. C'est pourquoi elle lui demande de bien vouloir indiquer pour quelles raisons les autorités françaises n'appliquent toujours pas les lignes directrices de l'EFSA de 2013 concernant les risques des produits pesticides sur les abeilles et les pollinisateurs et de bien vouloir indiquer à quelle échéance ce sera le cas.
Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020
CONSÉQUENCES DES PESTICIDES SUR LES POLLINISATEURS
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour exposer sa question, n° 1188, relative aux conséquences des pesticides sur les pollinisateurs.
Mme Delphine Batho. Ma question est factuelle et très simple. En Europe, les règles d'homologation des pesticides ne tiennent pas compte des risques pour les abeilles et les pollinisateurs. Depuis 2013, l'autorité européenne de sécurité des aliments – EFSA – recommande donc une réforme des méthodes d'évaluation des pesticides. Si elle était appliquée, jamais les néonicotinoïdes n'auraient été autorisés.
Sept ans plus tard, cette réforme est toujours bloquée. Pire : depuis 2019, sous la pression des firmes de l'agrochimie, la Commission européenne a demandé une révision à la baisse des exigences fixées par l'EFSA. Les États membres peuvent décider d'appliquer les recommandations publiées en 2013 par l'EFSA – ce que fait, par exemple, la Belgique –, comme y invitait l'ANSES, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, dans un avis rendu en octobre 2019.
Quand la France appliquera-t-elle les nouveaux critères d'évaluation des pesticides, prenant ainsi en considération les risques qu'ils font peser sur les pollinisateurs ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. C'est en effet en 2013 que l'EFSA a publié ses lignes directrices. Si elles ne sont toujours pas appliquées, comme vous l'avez souligné à juste titre, ce n'est pas du fait des États membres mais en raison de discussions au sein des institutions. Nous avons donc demandé à la Commission européenne que la revue de l'EFSA soit achevée d'ici au mois de mars 2021 pour que des lignes directrices européennes soient définies et transmises aux États membres.
Je suis tout à fait convaincu de leur nécessité car, en matière d'agro-écologie, c'est à l'échelon européen qu'il faut agir. Ces lignes directrices sont importantes et c'est parce qu'elles manquent que nous avons insisté pour aboutir à un résultat avant mars prochain.
Permettez-moi deux remarques plus générales sur les pollinisateurs. Tout d'abord, comme vous le savez, le Gouvernement prépare un plan national d'actions pour protéger les insectes pollinisateurs sauvages. La ministre de la transition écologique et moi-même avons entamé la concertation avec les professionnels afin d'arrêter la teneur de ce plan qui contiendra notamment une revue de la réglementation régissant l'usage des pesticides, qu'il s'agisse de son volet environnemental, de la question des impasses ou encore, sujet très important, du droit du travail.
Deuxième élément : la politique agricole commune – PAC –, et la revue légistique de la réglementation applicable aux pesticides sont autant d'occasions de défendre notre point de vue sur les produits phytosanitaires au niveau européen puis de décliner les mesures dans le cadre du plan stratégique national – PSN.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Pour protéger les pollinisateurs, mieux vaut ne pas commencer par autoriser la réintroduction des néonicotinoïdes !
D'autre part, monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à ma question : quand la France appliquera-t-elle les recommandations émises par l'ANSES et l'EFSA ? En août dernier, vous vous êtes engagé à publier d'ici à la fin 2020 – nous sommes déjà le 8 décembre – « un plan de protection des pollinisateurs visant à renforcer leur protection pendant les périodes de floraison et à mieux prendre en compte les enjeux associés aux pollinisateurs au moment de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ». Et voilà que vous renvoyez à des discussions européennes qui sont bloquées !
Ma question est donc celle-ci : quand la France décidera-t-elle d'appliquer d'elle-même ces lignes directrices ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. J'aime beaucoup être obligé, de bon matin, de répliquer à vos répliques mais ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. J'ai clairement distingué entre, d'une part, les actions que nous menons au niveau européen pour que la revue de l'EFSA soit achevée et distribuée d'ici à mars 2021 et, d'autre part, deux points supplémentaires : le plan « pollinisateurs », un plan national sur lequel plusieurs concertations ont été lancées, et nos travaux dans le cadre de la PAC et de la future présidence française du conseil de l'Union européenne au cours de laquelle plusieurs sujets importants devront être traités, notamment la revue du paquet pesticides.
Enfin, s'agissant de votre petite pique sur les néonicotinoïdes, je vous rappelle que la Belgique, si elle applique les recommandations de l'EFSA, les a pourtant réautorisés depuis bien longtemps.
Auteur : Mme Delphine Batho
Type de question : Question orale
Rubrique : Produits dangereux
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 2020