Stratégies de confinement et couvre-feu
Question de :
M. Julien Ravier
Bouches-du-Rhône (1re circonscription) - Les Républicains
M. Julien Ravier attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les stratégies de confinement et de couvre-feu qui aujourd'hui ont une portée générale et qui pourtant visent parfois particulièrement certains secteurs d'activité dont on pense qu'ils peuvent jouer un rôle dans la propagation de l'épidémie (restaurants, cafés, secteur événementiel, du spectacle, de la culture...). Il se demande pourquoi on ne pourrait pas envisager, comme c'est le cas pour la stratégie vaccinale, des protocoles sanitaires et des mesures de confinement, de couvre-feu ou de rigueur sanitaire par catégorie de personne en fonction de leur vulnérabilité au virus, afin de mieux les protéger (personnages âgées ou ayant des pathologies associées) ou en fonction de leur rôle dans la propagation de l'épidémie (jeunes). Il lui demande également pourquoi on ne pourrait pas envisager plus de territorialisation des mesures de confinement et de couvre-feu en instaurant des interdictions de déplacement entre territoires (régions ou départements), pour rendre plus efficaces les mesures locales de confinement ou de couvre-feu anticipé. Il lui demande ce qu'il pense de ces deux suggestions.
Réponse en séance, et publiée le 27 janvier 2021
STRATÉGIES DE LUTTE CONTRE L'ÉPIDÉMIE
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Ravier, pour exposer sa question, n° 1250, relative aux stratégies de lutte contre l'épidémie.
M. Julien Ravier. Ma question porte sur les stratégies de confinement et de couvre-feu appliquées dans la lutte contre l'épidémie de covid-19. L'augmentation du nombre de cas et d'hospitalisations vous oblige à envisager un troisième confinement, dont la forme, une fois de plus, va se décider en conseil de défense, sans aucune consultation ni validation parlementaire, au mépris de la représentation nationale. Un vrai déni de démocratie ! Pourtant, si l'on se réfère à votre gestion des masques, du « tester, tracer, isoler », de la préparation du système de santé ou, dernièrement, de la vaccination, le député que je suis ne peut que s'interroger légitimement sur la forme que va prendre ce troisième confinement.
S'agira-t-il d'un confinement total, comme en mars dernier ? S'agira-t-il d'un confinement avec fermeture des commerces non essentiels mais ouverture des écoles, comme en novembre dernier ? Le confinement sera-t-il limité aux week-ends ? Déciderez-vous d'allonger les vacances scolaires de deux semaines ? Une autre solution – c'est là que je souhaite en venir – consisterait à adopter un confinement différencié selon les territoires et les catégories de personnes, en fonction de leur vulnérabilité au virus. Les mesures de confinement que vous avez prises jusqu'à présent visent, et pénalisent de façon discriminatoire, certaines catégories de personnes, dont le secteur d'activité professionnelle joue, selon vous, un rôle majeur dans la propagation de l'épidémie.
À Marseille, ville dont je suis élu, je mesure chaque jour la souffrance des cafetiers, des restaurateurs, des hôteliers, des commerçants, des professionnels de la culture et du sport, ainsi que des étudiants, privés de vie sociale. Pourtant, selon les chiffres de Santé publique France, l'âge médian des victimes du covid-19 est 85 ans, soit un an de plus que l'âge médian de décès en France. Parallèlement, dans la classe d'âge de 15 à 44 ans, on dénombre soixante patients décédés sans comorbidités depuis le début de l'épidémie. En comparaison, dans le même laps de temps, 10 000 arrêts cardiaques et 20 000 AVC – accidents vasculaires cérébraux – sont survenus dans la même classe d'âge. Dans ce contexte, madame la ministre déléguée, je souhaiterais connaître votre position sur l'application de mesures de confinement différenciées et territorialisées, à l'image de la stratégie de vaccination, en fonction de la vulnérabilité des personnes au virus, afin de mieux les protéger, plutôt qu'en fonction de secteurs d'activités économiques, certains ayant déjà été trop durement frappés.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. J'espère, monsieur le député, que nous partageons la volonté de sortir de cette crise sanitaire. Nous n'avons, bien sûr, pas les desseins que vous décrivez. Votre question met en évidence des disparités territoriales réelles : à un instant donné, deux départements rencontrent des situations différentes. Cependant, les déplacements ne connaissent pas de pause et le virus voyage. Si le taux d'incidence reste plus élevé dans la moitié est de la France, il progresse plus rapidement dans la moitié ouest, notamment dans la Sarthe, dans l'Indre, en Dordogne, dans la Manche, ou encore dans la région Occitanie. Le nombre d'hospitalisations dues au covid-19 augmente également depuis une dizaine de jours, atteignant plus de 1 500 admissions par jour. L'émergence de souches variantes rend notre tâche plus complexe : au 25 janvier, 269 cas étaient attribués aux deux souches particulièrement virulentes identifiées au Royaume-Uni et en Afrique du Sud. Ces chiffres sont d'autant plus inquiétants qu'ils sont nécessairement sous-estimés : comme il s'agit de souches nouvelles, les kits RT-PCR – transcriptase inverse-réaction en chaîne par polymérase – adaptés n'ont pu être développés et déployés que récemment. Or, selon les autorités sanitaires, ces souches variantes sont susceptibles de devenir majoritaires en moins d'un mois. Il est donc nécessaire de trouver les moyens les plus adéquats et les plus mesurés pour freiner au plus vite leur développement dans l'ensemble du territoire national. Nous avons déjà significativement augmenté nos capacités de séquençage, déployé des kits PCR adaptés et renforcé les mesures dites de « tracing », ainsi que l'isolement, grâce aux interventions d'infirmiers à domicile. Cependant, je le répète, nous ne parviendrons à endiguer cette épidémie que grâce à une résilience collective et, bien sûr, à l'application au quotidien des gestes barrières. La solution n'est certainement pas d'opposer les uns aux autres les Français, les départements, ni les régions. Vous avez même opposé les tranches d'âge les unes aux autres. La santé des Français n'a pas de prix ; nous poursuivrons notre action avec mesure, en maintenant la concertation avec les préfets et les ARS – agences régionales de santé.
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Ravier.
M. Julien Ravier. Merci pour votre réponse. Bien entendu, nous partageons votre volonté de protéger au mieux nos concitoyens, mais également de préserver les secteurs d'activités économiques, qui sont très durement frappés. Je me permets de répondre à votre réponse, en soulignant que la proposition d'un confinement qui prenne en considération la vulnérabilité des personnes vise à mieux protéger les plus fragiles, à désencombrer les services de réanimation, concernés par ces catégories de malades, et ne vise certainement pas à opposer les citoyens les uns aux autres. C'est une façon de mieux les protéger, ainsi que d'éviter l'opposition, qui s'instaure malgré tout, entre nos concitoyens qui ont le droit de travailler et ceux qui n'en ont plus le droit.
Auteur : M. Julien Ravier
Type de question : Question orale
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 janvier 2021