Un chèque alimentation pour tous les Français
Question de :
Mme Yolaine de Courson
Côte-d'Or (4e circonscription) - Non inscrit
Mme Yolaine de Courson attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la nécessité de la création d'un chèque alimentation au profit des Françaises et des Français. L'alimentation est la première pierre de l'édifice de la santé individuelle et les choix que l'on fait ont un impact sur la collectivité. Aujourd'hui, les maladies humaines chroniques liées à une alimentation inadaptée coûtent 27 milliards d'euros chaque année à la sécurité sociale s'il l'on ne prend en compte que les maladies cardiovasculaires, les diabètes et les cancers ; les personnes les plus modestes en sont les premières victimes. Le ministre de la santé est la pierre angulaire d'un édifice interministériel qui lie différentes politiques mises en œuvre actuellement : l'alimentation est au cœur de l'approche d'une seule santé, humaine, animale et environnementale, que le ministère appelle de ses vœux, qui fait l'objet d'une approche concertée au plan international, avec l'annonce de la création du Haut conseil « une seule santé » en décembre 2020 par le ministre des affaires étrangères, et est au cœur du PNSE4 (quatrième plan national santé environnementale) mis en œuvre par le ministère et présenté le 22 octobre 2020. Le programme national de l'alimentation et de la nutrition, enfin, chapeauté par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, complète le dispositif gouvernemental. L'année 2021 va voir l'Assemblée nationale se pencher sur le projet de loi du Gouvernement qui porte lutte contre le réchauffement climatique et renforce la résilience face à ses effets. Ce projet de loi retranscrit les demandes de la Convention citoyenne pour le climat. Parmi elles, pour ce qui concerne en particulier l'exigence de la prise en compte des effets sociaux négatifs du dérèglement climatique sur les Français modestes, figurait la création d'un chèque alimentation pour les citoyens. Le Président de la République a pu dire en fin d'année 2020 que cette demande serait réalisée. Alors que l'effort interministériel en faveur d'une approche « une seule santé » de l'alimentation existe et est salué, il demeure que cet outil concret que serait un chèque alimentation pour l'ensemble des Français n'est pas encore concrètement proposé. Alors que les acteurs de l'agriculture sont en demande d'efforts supplémentaires pour encourager leur transition vers une agroécologie bénéfique pour la santé des hommes, des animaux et de l'environnement, alors que la Convention citoyenne pour le climat a montré l'urgence de considérer une approche globale de protection, et en particulier pour ce qui concerne des réalisations concrètes pour le quotidien des Français, alors que les effets délétères d'une alimentation malsaine pour la santé des citoyens pèsent sur la collectivité, et pèsent individuellement en particulier sur les plus modestes, il y a urgence à réaliser ce chèque alimentation. La mise en œuvre de ce chèque par le ministère des solidarités et de la santé, de par sa position transversale sur les différents sujets que touchent la création de ce chèque, permettrait d'apporter la garantie de son effectivité pour la santé, et son caractère solidaire. Elle l'interroge sur les premières expérimentations et mesures qui pourraient être mises en œuvre en vue de la création de ce chèque alimentation pour tous les Français, et sur son intégration dans les politiques incluses dans le PNNS et le PNSE4.
Réponse en séance, et publiée le 27 janvier 2021
CHÈQUE ALIMENTATION
Mme la présidente. La parole est à Mme Yolaine de Courson, pour exposer sa question, n° 1258, relative au chèque alimentation.
Mme Yolaine de Courson. L'accès à une alimentation saine et durable pour tous doit être un droit ; or, c'est aujourd'hui un privilège. Vivre de son travail quand on est agriculteur est un droit ; or, aujourd'hui, c'est souvent une exception. Vivre dans un environnement non pollué et vivant est aussi un droit, mais c'est aujourd'hui un combat. La réussite de ces trois objectifs est, de plus, la trame d'une politique rurale réussie.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, j'appelle votre attention sur la nécessité de la création d'un chèque alimentation « bien manger » au profit des Françaises et des Français, chèque orienté vers des productions durables, pour plus de valeur ajoutée pour les producteurs. Notre alimentation est la première pierre de l'édifice de notre santé individuelle et les choix que nous faisons ont un impact sur la collectivité : les maladies humaines chroniques liées à une alimentation inadaptée coûtent au minimum 27 milliards d'euros, sans parler de l'obésité infantile. Les personnes les plus modestes en sont les premières victimes.
L'alimentation est au cœur de l'approche One Health, ou Une seule santé – humaine, animale et environnementale –, qui fait l'objet d'une approche concertée au plan international. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a annoncé, en décembre 2020, la création d'une sorte de GIEC – groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat –, le Haut Conseil Une seule santé. Mon collègue Loïc Dombreval et moi-même sommes, à cet égard, à l'origine d'une proposition de résolution de l'Assemblée nationale. De plus, cette approche est au cœur du quatrième plan national santé environnement, mis en œuvre par le ministère des solidarités et de la santé et présenté le 22 octobre 2020. Enfin, le programme national de l'alimentation et de la nutrition, chapeauté par votre ministère, complète ce dispositif gouvernemental.
En 2021, notre assemblée examinera le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Ce projet de loi retranscrit certaines demandes de la convention citoyenne pour le climat, dont la création d'un chèque alimentation. Le Président de la République a déclaré, à la fin de l'année 2020, qu'il accéderait à cette demande, indiquant que le chèque alimentaire était une bonne chose et qu'il fallait le faire.
Cependant, alors que l'effort interministériel en faveur d'une approche Une seule santé de notre alimentation existe et est saluée, l'outil qui rendra le chèque alimentation concret pour l'ensemble des Français n'est pas encore proposé. Pourtant, les acteurs du secteur agricole sont en demande d'efforts supplémentaires pour encourager la transition vers une agro-écologie scientifique, plus valorisée et plus bénéfique pour la santé globale. Pourtant, la convention citoyenne pour le climat montre l'urgence d'une approche globale de protection, s'agissant en particulier de réalisations concrètes pour le quotidien des Français. Pourtant, enfin, puisque les effets délétères d'une alimentation nocive pour la santé de nos concitoyens pèsent sur la collectivité et pèsent individuellement sur les plus modestes, il y a urgence à instaurer le chèque alimentation.
La mise en œuvre de ce chèque qui, par sa position transversale, touche aussi bien la question agricole que celle de la santé globale, permettrait au Gouvernement d'apporter la preuve qu'une approche globale est bénéfique à tous – à la cohésion sociale des territoires ruraux comme aux revenus des agriculteurs, les dépenses alimentaires des uns venant encourager la transition des autres.
Je vous interroge donc, monsieur le ministre, sur les premières expérimentations et mesures qui pourraient être instaurées en vue de la création du chèque alimentation « bien manger », car bien manger, c'est aussi une question de culture, de convivialité et de plaisir pour les Français, ce qui est essentiel. Ni aide ni charité : nous voulons une loi, un droit.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la députée, vous avez évoqué plusieurs points dans votre question. Je ne reviens pas sur le premier d'entre eux, portant sur l'approche Une seule santé ou One Health : j'y crois beaucoup, comme vous le savez, puisque nous avons déjà échangé sur ce sujet. Ce que nous vivons en ce moment montre à quel point l'homme, l'animal et le végétal sont intrinsèquement liés en termes de santé. Je salue à cet égard les travaux de mes prédécesseurs. Peut-être avez-vous remarqué que l'un d'entre eux, Stéphane Le Foll, a été nommé à la tête de l'initiative « 4 pour 1000 ». Je crois beaucoup beaucoup en cette initiative.
La deuxième question concerne le chèque alimentaire. Vous connaissez mon attachement à ce sujet, un attachement qui est d'ailleurs ancien, puisque cela fait plusieurs mois que nous y travaillons. Je suis convaincu qu'il y a dans notre pays une inégalité sociale alimentaire, face à laquelle il nous faut prendre des mesures fortes. Un certain nombre d'entre elles ont déjà été prises dans le cadre du plan de relance, qui prévoit 80 millions d'euros pour les projets d'alimentation territoriaux, 50 millions pour la qualité de l'alimentation dans les cantines, qui sont essentielles en ce qu'elles sont le premier lieu de lutte contre l'inégalité sociale alimentaire, et 30 millions d'euros pour soutenir les initiatives sociales en la matière.
Je suis très désireux d'aller encore plus loin, par le truchement de ce chèque alimentation. Le Gouvernement travaille énormément pour l'instaurer. Je sais que c'est également le cas des parlementaires et que des échanges ont lieu à ce propos avec mes équipes. Je pense aussi aux travaux effectués dans ce domaine par Mounir Mahjoubi, avec qui j'ai échangé récemment. Nous sommes donc vraiment à la tâche pour pouvoir définir le plus rapidement le chèque alimentation.
J'évoquerai rapidement plusieurs convictions. Il faut, selon moi, avoir une approche qui soit non seulement environnementale, mais aussi nutritionnelle : c'est là que réside l'opportunité du chèque alimentation. D'ailleurs, au-delà d'une approche environnementale, c'est une approche nutritionnelle qu'il faut adopter, c'est-à-dire qu'il faut mesurer l'impact de l'alimentation sur la santé et lutter contre cette inégalité sociale.
Deuxièmement, il nous faut définir les paramètres : qui en bénéficie, pour quel produit et dans quel lieu de distribution ? Ce travail est en cours. Nous allons évidemment continuer d'échanger sur ce point, ce qui nous permettra ensuite de définir les dispositifs financiers. En effet, in fine, le chèque alimentation sera en fait un dispositif financier : il n'a pas besoin d'être défini par une loi, mais résulte simplement d'une décision gouvernementale. En revanche, c'est bien la loi de finances qui devra attribuer les crédits nécessaires à son financement.
Le Gouvernement est pleinement à la tâche. Mon objectif est d'instaurer le chèque alimentaire le plus rapidement possible, même si certaines questions sont parfois compliquées, à l'instar des trois que je viens d'évoquer, surtout pour ce qui concerne la mise en œuvre matérielle de ce chèque. Mon engagement à travailler avec les parlementaires des différents groupes sur ce sujet est total : je crois beaucoup en ce dispositif, plébiscité par la convention citoyenne pour le climat et par d'autres. La lutte contre l'inégalité sociale alimentaire est un combat personnel, que je mène depuis longtemps : lorsque j'étais ministre délégué chargé de la ville et du logement, j'ai déjà beaucoup travaillé sur ce sujet. C'est l'un des défis que je compte bien porter à la tête du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, notamment par le truchement du chèque alimentation.
Auteur : Mme Yolaine de Courson
Type de question : Question orale
Rubrique : Politique sociale
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 janvier 2021