Question orale n° 1275 :
Grand Narbonne - éligibilité au dispositif « Pinel »

15e Législature

Question de : M. Alain Perea
Aude (2e circonscription) - La République en Marche

M. Alain Perea alerte Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, sur la demande du territoire du Grand Narbonne tendant à reconsidérer son classement au titre de l'article R. 304-1 du code de la construction et de l'habitation dans le cadre de l'éligibilité au dispositif « Pinel ». En effet, lors de sa mise en place, la rigueur des critères de définition avait été atténuée par la possibilité de dérogation par arrêté préfectoral pour certaines communes initialement classées B2. Cette souplesse permettait de limiter sur les territoires les effets de seuils et de mieux territorialiser le bénéfice de ce dispositif. Tel était le cas du territoire de la Narbonnaise. Le resserrement de ce dispositif en 2018 a mis fin à cette possibilité. Pour les territoires « en limite de B1 » mais considérés comme B2, l'impact fut immédiat. Ce territoire, considéré par les études de prospective comme le quatrième territoire d'accueil de population de l'ex-Languedoc Roussillon pour les trente années à venir et porté par une ambition de développement démographique au sein de son SCoT mais aussi de sa charte de Parc naturel régional, ne dispose plus de ce levier économique essentiel. Cette perte d'attractivité est d'autant plus dommageable que Narbonne est la seule commune littorale de plus de 20 000 habitants ne disposant pas de ce dispositif sur l'ensemble de l'arc méditerranéen occitan. Cette situation s'est traduite en chiffres de manière très rapide. Pour le territoire narbonnais, la construction d'ensembles collectifs, pourtant encouragée dans le cadre d'une gestion économe de l'espace, a chuté de plus de 80 % en 3 ans. Dans le même temps, le ralentissement de la construction dans un territoire déjà fortement en tension a conduit à une augmentation significative des loyers et des prix d'acquisition ainsi qu'à une contraction à un niveau non compressible de la vacance locative. L'accès au logement intermédiaire, déjà difficile dans un territoire fortement attractif où la protection environnementale rend la mobilisation foncière délicate, est devenu extrêmement problématique, accélérant les phénomènes d'urbanisation périphérique toujours plus lointaine. Cette évolution négative de la dynamique territoriale du logement a conduit les élus et les acteurs économiques locaux à se joindre, sous la direction des services de l'État, à une étude relative à l'opportunité de reclasser le secteur narbonnais ou a minima sa ville centre en zone B1. Cette dernière est actuellement en cours, comme M. le député a pu en faire part à Mme la ministre. Aussi, devant ces faits et ces éléments, il lui demande si l'étude confirmera ces premières analyses, afin que la demande de reclassement du secteur narbonnais puisse être accueillie favorablement par les services du ministère et donner lieu à une décision rapide et positive.

Réponse en séance, et publiée le 17 février 2021

ÉLIGIBILITÉ DU GRAND NARBONNE AU DISPOSITIF PINEL
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Perea, pour exposer sa question, n°  1275, relative à l'éligibilité du Grand Narbonne au dispositif Pinel.

M. Alain Perea. Le territoire de la Narbonnaise est l'un des plus dynamiques de l'arc méditerranéen français en matière d'évolution démographique. Dans le cadre du dispositif Pinel, ce territoire, bien que classé B2, bénéficiait d'une dérogation préfectorale afin d'être considéré « en limite de B1 ». En 2018, notre majorité a mis fin à cette possibilité de dérogation. J'ai immédiatement alerté le ministre du logement de l'époque sur les problèmes que cela allait poser. Depuis, mes craintes se sont confirmées. Nous constatons un effondrement de plus de 20 % des permis de construire ; dans notre logique d'économie du foncier, c'est 32 % du logement collectif en moins. Nous estimons l'augmentation des loyers à près de 4 %. Dans une région fortement touchée par le chômage, l'économie de la construction est en difficulté.

Tous les travaux que nous menons au sein du SCOT de la Narbonnaise, en lien étroit avec les services de l'État, mais aussi les indicateurs fournis par les professionnels montrent que la dynamique de population ne va pas cesser : elle est estimée à 5 % dans les années à venir. Par ailleurs, ce territoire investit lourdement dans la construction d'un port majeur pour le développement des énergies renouvelables en Méditerranée, qui, nous le savons, va renforcer encore cette dynamique de population. Si nous maintenons l'impossibilité d'avoir accès au dispositif Pinel et que, dans les semaines qui viennent, nous renforçons les mesures en matière d'artificialisation et de rénovation énergétique, il est évident que ce territoire va connaître une crise majeure du logement. Je rappelle par ailleurs que tous les territoires voisins – je n'ose dire jumeaux – bénéficient, eux, du classement en B1.

Je peux comprendre que les mesures nationales nécessitent des études préalables afin d'être ajustées localement mais, trois ans après, nous n'avons toujours pas de réponse, ni même une lueur d'espoir, alors que des solutions ont été trouvées ailleurs. Aussi, monsieur le ministre délégué, je vous demande si, dans les mois qui viennent, les habitants de la Narbonnaise, dont 64 % des ménages auraient droit à des logements sociaux – c'est vous dire le niveau moyen de revenus –, pourront bénéficier de logements dans les mêmes conditions que les autres habitants du littoral languedocien, ou si nous allons maintenir cette inégalité injustifiée et, je vous l'assure, totalement incomprise au sein du territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports. Monsieur Perea, Mme la ministre déléguée chargée du logement, qui ne pouvait être présente, m'a chargé de vous répondre.

En automne dernier, l'évolution du dispositif Pinel a déjà fait l'objet d'une concertation, organisée par le ministère du logement et celui de l'économie, des finances et de la relance. Cette concertation a conduit à la prolongation du dispositif jusqu'en 2024, votée en loi de finances 2021, afin de donner de la visibilité au secteur. Pour la même raison, l'ensemble des acteurs sont convenus, lors de la concertation, que la période de crise actuelle n'était pas propice au lancement d'une refonte générale du zonage, et ont demandé de la stabilité.

Cependant, le Gouvernement est conscient qu'il peut exister un besoin d'adaptation ponctuel en cas de décalage manifeste entre le zonage réglementaire et la situation du marché local de l'immobilier, dans les communes actuellement classées en zone B2 qui connaissent une forte demande, soutenue par un dynamisme démographique et économique important. Les services du ministère du logement mènent donc une analyse complète visant à identifier de telles situations. Le cas de Narbonne, bien connu du Gouvernement, est examiné dans ce cadre.

Par ailleurs, une expérimentation du dispositif Pinel est en cours en Bretagne. Dans ce cadre, une marge d'adaptation a été laissée aux instances locales par redéploiement régional sur les périmètres d'éligibilité au dispositif. Un rapport d'évaluation de cette expérimentation sera remis au Parlement d'ici à septembre 2021. Il s'agira d'en tirer les conclusions afin d'apprécier la pertinence d'un élargissement ou d'une évolution.

Enfin, d'autres dispositifs peuvent vous permettre de poursuivre votre action de mobilisation en matière de foncier urbain : le fonds « friches » du plan de relance, doté d'une enveloppe de 300 millions d'euros et destiné à financer des opérations de recyclage des friches et la transformation de foncier déjà artificialisé, pourrait ainsi permettre d'équilibrer des projets de requalification urbaine adaptés aux spécificités de votre territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Perea.

M. Alain Perea. Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, pour votre réponse complète et précise. J'entrevois quelques lueurs d'espoir pour les habitants de la Narbonnaise sur cette question cruciale du logement. Je prends bonne note de vos propos et espère que nous pourrons apporter de bonnes nouvelles à ce territoire dans les mois qui viennent.

Données clés

Auteur : M. Alain Perea

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement : aides et prêts

Ministère interrogé : Logement

Ministère répondant : Logement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 février 2021

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