Évolution du montant des aides communautaires dans la nouvelle PAC
Question de :
M. Nicolas Forissier
Indre (2e circonscription) - Les Républicains
M. Nicolas Forissier interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'évolution du montant des aides communautaires accordées aux agriculteurs du Centre-Val de Loire, notamment ceux établis en « zones intermédiaires », alors que se tiennent actuellement à Bruxelles les discussions finales sur la nouvelle réforme de la PAC. Les agriculteurs en « zones intermédiaires », nombreux dans la région, ont fait part de leurs inquiétudes concernant le montant des droits à paiement de base (DPB) auquel ils auraient droit dans la nouvelle PAC. Malgré les recommandations du CGAAER, qui préconisait d'accentuer le processus de convergence interne des DPB - entamé lors de la précédente réforme - pour permettre aux agriculteurs de ces exploitations de bénéficier de plus grands montants issus du premier pilier, l'État semble vouloir privilégier le statu quo. Alors que ces territoires sont caractérisés par un niveau d'aide à l'hectare parmi les plus faibles de France et qu'ils subissent plus brutalement que d'autres les effets de l'évolution démographique et du climat, M. le député demande à M. le ministre quelles dispositions il compte prendre pour défendre leurs intérêts. Plus largement, l'ensemble des agriculteurs de la région s'inquiètent d'une diminution des aides communautaires à partir de 2023, date de l'entrée en vigueur de la nouvelle PAC. Lors de la précédente réforme, la diminution de l'enveloppe s'était révélée conséquente pour la région. Il souhaite donc également savoir s'il peut garantir aux agriculteurs du Centre-Val de Loire qu'ils n'ont pas aujourd'hui à craindre de baisses similaires à celles connues en 2014 et 2015.
Réponse en séance, et publiée le 17 février 2021
AIDES DE LA PAC AUX ZONES INTERMÉDIAIRES
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Forissier, pour exposer sa question, n° 1280, relative aux aides de la politique agricole commune – PAC – aux zones intermédiaires.
M. Nicolas Forissier. Je suis très heureux de pouvoir vous poser une question, monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Elle comporte en réalité deux volets et concerne les zones intermédiaires de notre agriculture.
Vous les connaissez comme moi, ces zones de production agricole, qui dessinent un grand croissant sur la carte du territoire national, se caractérisent par une diversité de productions, mais aussi par des productions moins abondantes que dans les autres régions. Elles souffrent de faiblesses récurrentes, les sols étant plus difficiles à cultiver, et elles ne bénéficient pourtant pas des aides financières de la montagne, ni d'autres dispositifs spécifiques.
Les agriculteurs et les chambres d'agriculture des zones intermédiaires ont dû vous le dire souvent, nous avons le sentiment, en particulier dans la région Centre-Val de Loire, de ne pas être pris en considération, et ce depuis des années.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de prendre enfin en considération les zones intermédiaires, notamment dans le cadre des négociations de la future PAC, et de trouver des solutions pour les aider à faire face à leurs difficultés, notamment dans le secteur des céréales. En Champagne berrichonne, dans l'Ain et dans le Cher, on est très inquiet, de nombreuses exploitations n'y arrivant plus.
Cette situation recouvre en réalité deux sujets, sur lesquels je vous ai interrogé récemment dans le cadre d'une question écrite – à laquelle vous avez répondu. Il s'agissait de savoir comment le montant des droits à paiement de base serait calculé dans les zones intermédiaires et quelle serait leur incidence pour les agriculteurs de ces zones. Vous m'avez répondu que de nombreuses mesures étaient déjà prises dans le cadre du plan de relance, mais que le Gouvernement n'en était encore qu'à la stratégie, tout du moins à la réflexion, s'agissant des aides de la PAC.
Pouvez-vous nous informer sur l'avancement de la réflexion stratégique que la France va proposer ? Au-delà des intentions et des principes, le Gouvernement envisage-t-il des mesures concrètes ? Réaffirmez-vous aujourd'hui dans cet hémicycle ce dont vous m'avez assuré personnellement, à savoir la volonté du Gouvernement d'aboutir enfin à des propositions solides pour ces agriculteurs en zones intermédiaires ?
Plus largement, les agriculteurs de la région Centre-Val de Loire et les chambres d'agriculture s'inquiètent de la diminution des aides communautaires à partir de 2023, lorsque la nouvelle PAC entrera en vigueur, alors qu'ils ont déjà subi une diminution importante de ces aides, d'environ 12 %, entre 2013 et 2019. Monsieur le ministre, pouvez-vous là aussi prendre l'engagement d'examiner attentivement la question et d'y apporter des réponses de nature à rassurer les agriculteurs de la région ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Soyez assuré, monsieur Forissier, que mon attention et mon inquiétude sont grandes pour les zones intermédiaires. Rares ont été les ministres de l'agriculture qui, aussitôt nommés, ont déclaré qu'elles seraient l'une de leurs priorités. Cela a été mon cas pour une raison très simple : les zones intermédiaires sont à la confluence d'un grand nombre de défis, mais aussi parfois d'un grand nombre de stigmatisations.
On entend souvent dire que les exploitations de plusieurs centaines d'hectares sont forcément des exploitations riches : c'est faux, en particulier dans les zones intermédiaires. Certains estiment par ailleurs, au motif que la filière céréalière est rentable, qu'il faut redistribuer les aides de la PAC aux autres filières. C'est cette philosophie qui a inspiré les deux dernières PAC, comme vous l'avez vous-même souligné. En réalité, dans les zones intermédiaires, la rentabilité des exploitations pâtit de plusieurs contraintes, parmi lesquelles la faible qualité des sols, et seules les plus grosses d'entre elles réussissent à s'en sortir.
Je fais donc entièrement mien votre constat et je vous redis que ma préoccupation est vive. Il ne s'agit d'ailleurs pas de quelques agriculteurs qui se trouvent en difficulté dans les zones intermédiaires : des dizaines de milliers d'entre eux sont concernés dans la grande zone intermédiaire française et dans les poches de zones intermédiaires du Grand Est et du Sud.
Quelles réponses apportons-nous à ces agriculteurs ? S'agissant, tout d'abord, de la PAC, qui constitue selon moi une politique de souveraineté et qui nous permet d'accompagner nos agriculteurs, elle doit prendre en considération la singularité de nos territoires, notamment celle des zones intermédiaires. Ces dernières ont été contributrices aux autres territoires au cours des deux dernières PAC, mais leur situation est devenue fragile. Elles doivent donc être soutenues. Je vous épargnerai le détail technique des moyens que nous utiliserons pour cela – nous pourrons y revenir, si vous le souhaitez. De nombreux curseurs entrent en ligne de compte et peuvent être modifiés, tels que la convergence ou les aides du plan protéines végétales. En tout état de cause, les zones intermédiaires seront au cœur de mes objectifs dans la négociation de la PAC, dont la stratégie nationale doit être complètement définie d'ici à l'été.
Par ailleurs – c'est le deuxième élément de réponse –, les zones intermédiaires sont peut-être les territoires qui ont le plus besoin d'une politique de l'eau ambitieuse. Si nous voulons que les cultures en zone intermédiaire soient diversifiées, il leur faut de l'eau et nous devons avoir collectivement le courage politique d'affronter cette question.
Troisièmement, vous le savez, je crois beaucoup à la souveraineté protéinique française. C'est aussi pour cultiver des protéines dans certaines zones intermédiaires, ce qui pourrait également être une source de diversité pour nos cultures, que nous devons régler la question de l'eau.
Voilà quelques éléments de réponse, mais nous pourrions en parler très longtemps tant le sujet est important et reste, je le répète, au centre de mes préoccupations.
Auteur : M. Nicolas Forissier
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 février 2021