Achat de livres non scolaires par les collectivités auprès des libairies
Question de :
M. Paul-André Colombani
Corse-du-Sud (2e circonscription) - Libertés et Territoires
M. Paul-André Colombani interroge M. le Premier ministre sur la mise en œuvre du plan d'achats de livres auprès des librairies par les médiathèques des collectivités territoriales. Le Gouvernement a présenté cette mesure ayant pour objectif d'accompagner, en 2021 et 2022, la reprise d'activité des librairies de proximité, maillon essentiel du commerce culturel dans les territoires. Ce plan d'achats est financé à hauteur de 5 millions d'euros en 2021 et 5 millions d'euros en 2022, afin de soutenir les acquisitions des médiathèques des collectivités territoriales. Cependant, l'obstacle à un achat local de livres par les collectivités territoriales n'est pas tant financier que juridique. En effet, malgré la loi sur le prix unique du livre et l'assouplissement du régime d'achat public des livres par la réforme du droit de la commande publique, depuis 2016 le seuil de dispense de procédure et de publicité est fixé à 90 000 euros pour les marchés publics de fourniture de livres non scolaires commandés par les collectivités territoriales. Or l'attribution de ces marchés publics est devenue depuis plusieurs années un motif de crispation entre les différents acteurs de la librairie, les marchés revenant très régulièrement à de gros acteurs du commerce de livres, plutôt qu'aux librairies locales ne disposant pas de la même ingénierie que ces derniers, et ce malgré la tarification unique, la faute à des conditions d'attribution très contraintes par le droit français et le droit européen, empêchant notamment les collectivités territoriales d'inclure un critère géographique dans leur appel d'offres. De fait, de nombreuses collectivités territoriales se retrouvent dans l'impossibilité de soutenir les librairies de proximité en effectuant d'importantes commandes auprès de celles-ci. Un nouvel assouplissement du seuil de procédure et de publicité des marchés publics de livres non scolaires de 90 000 euros à 209 000 euros, l'alignant ainsi sur le seuil de fournitures et de services des collectivités territoriales, pourrait permettre de faciliter la mise en œuvre du plan d'achats déployé par le Gouvernement. Il l'interroge donc sur les intentions du Gouvernement sur l'évolution des critères d'attribution des marchés publics du livre et des mesures qu'il entend prendre afin d'accroître l'accès des librairies de proximité à la commande publique, afin que ce plan d'achats auprès des librairies par les médiathèques des collectivités territoriales puisse remplir ses objectifs.
Réponse en séance, et publiée le 17 février 2021
ACHAT DE LIVRES NON SCOLAIRES PAR LES COLLECTIVITÉS AUPRÈS DES LIBRAIRIES
Mme la présidente. La parole est à M. Paul-André Colombani, pour exposer sa question, n° 1286, relative à l'achat de livres non scolaires par les collectivités auprès des librairies.
M. Paul-André Colombani. Madame la ministre de la culture, je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre du plan d'achat de livres auprès des librairies par les médiathèques des collectivités territoriales. Mme Josepha Giacometti, membre du conseil exécutif de Corse, a soulevé auprès de moi cette question.
Le Gouvernement a présenté cette mesure ayant pour objectif d'accompagner, en 2021 et en 2022, la reprise d'activité des librairies de proximité, maillon essentiel du commerce culturel dans les territoires. Ce plan d'achats est financé à hauteur de 5 millions d'euros en 2021 et de 5 millions d'euros en 2022, afin de soutenir les acquisitions des médiathèques des collectivités territoriales.
Cependant, l'obstacle à un achat local de livres par les collectivités territoriales n'est pas tant financier que juridique. En effet, malgré la loi sur le prix unique du livre et l'assouplissement du régime d'achat public des livres par la réforme du droit de la commande publique, le seuil de dispense de procédure et de publicité est fixé, depuis 2016, à 90 000 euros pour les marchés publics de fourniture de livres non scolaires commandés par les collectivités territoriales.
Or l'attribution de ces marchés publics est devenue depuis plusieurs années un motif de crispation entre les différents acteurs de la librairie, les marchés revenant très régulièrement à de gros acteurs du commerce de livres plutôt qu'aux librairies locales ne disposant pas de la même ingénierie que ces derniers : malgré la tarification unique, les conditions d'attribution sont très contraintes par le droit français et le droit européen, ce qui empêche notamment les collectivités territoriales d'inclure un critère géographique dans leur appel d'offres. De fait, de nombreuses collectivités territoriales se retrouvent dans l'impossibilité de soutenir les librairies de proximité en effectuant d'importantes commandes auprès de celles-ci.
Un nouvel assouplissement du seuil de procédure et de publicité des marchés publics de livres non scolaires pourrait, si on l'alignait sur le seuil de fournitures et de services des collectivités territoriales – autrement dit, en le portant de 90 000 euros à 209 000 euros –, faciliter la mise en œuvre du plan d'achats déployé par le Gouvernement. Quelles sont les intentions du Gouvernement sur l'évolution des critères d'attribution des marchés publics du livre ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour améliorer l'accès des librairies de proximité à la commande publique ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Je vous remercie d'avoir abordé ce sujet très important. Si l'activité de vente de livres aux acheteurs publics est moins rentable pour les commerces de livres que la vente d'ouvrages aux particuliers, il faut souligner que l'attribution d'un marché public peut constituer un élément de stabilisation économique, en particulier pour les librairies indépendantes.
L'assouplissement du régime d'achat public des livres opéré par le décret du 25 mars 2016 est venu alléger la procédure et faciliter l'accès des librairies aux marchés publics de livres. Depuis le 1er avril 2016, certains acheteurs publics, dont les collectivités territoriales, peuvent recourir à une procédure sans publicité ni mise en concurrence préalable pour les achats de livres non scolaires dont le montant est inférieur ou égal à 90 000 euros hors taxes. Cette importante mesure a pris son plein effet ces dernières années, à la faveur du renouvellement progressif des marchés en cours d'exécution.
Le Gouvernement a fait de la relance du secteur une priorité : ainsi, 10 millions d'euros seront dédiés à l'achat de livres par les bibliothèques dans les années 2021 et 2022, dans le cadre du plan France relance.
Dans ce contexte, le relèvement des seuils de dispense de procédure pour les achats de livres que vous évoquez présenterait plusieurs avantages. Il répondrait à la problématique posée par les regroupements intercommunaux et l'augmentation des budgets d'acquisition ; il constituerait une mesure de simplification administrative de nature à faciliter les tâches des services des collectivités, mais aussi les candidatures des entreprises ; il bénéficierait enfin à un nombre plus élevé de librairies de proximité qui auraient ainsi accès à davantage de marchés, puisque la mesure concernerait, selon des estimations, des territoires comptant jusqu'à 160 000 habitants.
Je partage donc entièrement votre objectif, d'autant que l'Union européenne entend faire des marchés publics un instrument en faveur de la relance de l'économie. Mes services examinent, en lien avec le ministère de l'économie, des finances et de la relance, la proposition que vous relayez de relèvement du seuil à 139 000 euros pour les services centraux et 214 000 euros pour les collectivités territoriales. Je ne puis vous apporter une réponse ferme dès aujourd'hui, mais j'ai vraiment bon espoir que l'on aboutisse à une issue favorable. Je ne manquerai pas de vous tenir informé, ainsi que l'ensemble de la représentation nationale, des éventuelles évolutions réglementaires des marchés publics permettant d'accroître l'accès des librairies de proximité à la commande publique.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul-André Colombani.
M. Paul-André Colombani. Je vous remercie, madame la ministre, pour cette réponse précise. En ces temps difficiles, l'attente du monde culturel, sur le terrain, est forte.
Auteur : M. Paul-André Colombani
Type de question : Question orale
Rubrique : Marchés publics
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 février 2021