Insécurité grandissante à la Réunion
Question de :
M. Jean-Hugues Ratenon
Réunion (5e circonscription) - La France insoumise
M. Jean-Hugues Ratenon interroge M. le ministre de l'intérieur sur l'insécurité à La Réunion. Le phénomène de l'insécurité devient un sujet préoccupant et inquiétant pour les Réunionnais. Régulièrement maintenant, on constate des agressions à l'arme blanche, de nombreux féminicides, l'augmentation des violences intrafamiliales, etc. Personne n'est plus à l'abri : personnes âgées attaquées, des jeunes enfants, des lycéens, des collégiens agressés parfois très violemment devant leur établissement. Ce sont des phénomènes amplifiés par la diffusion de ces actes sur les réseaux sociaux. Mayotte est secoué par une vague de violences. Le nombre de meurtres augmente, faisant de ce 101e département français, la région d'Europe comptant le plus d'homicides pour 100 000 habitants selon Eurostat. Certains parlent d'une forme de terrorisme urbain et évoquent des risques de guerre civile. Aujourd'hui, beaucoup s'interrogent sur le risque d'importation de ces violences à La Réunion compte tenu de sa proximité et des liens particuliers. Des violences sporadiques éclatent dans des quartiers et on n'est pas à l'abri d'une contagion aux autres. Plus grave encore, il existe des soupçons de plus en plus forts sur l'existence de réseaux de prostitution de mineurs ; l'existence de réseaux de drogue. Dès le moment où ces phénomènes existent dans des quartiers bien identifiés, on sait tous que le grand banditisme n'est pas loin. Il faut immédiatement stopper cela avant qu'il ne soit trop tard. M. le député lui demande s'il en a réellement la volonté. Des textes de lois ne sont pas appliqués comme la LOPSI ou LOPSI 2 pour un redéploiement police-gendarme sur le territoire de La Réunion. Il lui demande s'il estime normal qu'au port de la Pointe des galets, il n'y a toujours pas de PAF, alors que c'est la porte d'entrée de toutes sortes de stupéfiants, et pourquoi la loi sur les CIMM n'est toujours pas appliqué alors que plus de 1 300 Réunionnais, qui exercent pour certains depuis 15-18 ans en métropole, attendent leur mutation dans leur île natale. D'autres pistes existent aussi pour plus de proximité entre les policiers, gendarmes et la population. Encore faut-il que M. le ministre les écoute et les entende, surtout quand on constate que M. le ministre organise un Beauvau de la sécurité et que l'outre-mer est totalement oublié et abandonné. Il lui demande ce qu'il répond à toutes ces questions.
Réponse en séance, et publiée le 3 mars 2021
INSÉCURITÉ À LA RÉUNION
M. le président. La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour exposer sa question, n° 1299, relative à l'insécurité à La Réunion.
M. Jean-Hugues Ratenon. Le phénomène de l'insécurité devient préoccupant, et inquiète les Réunionnais. Nous constatons régulièrement des agressions à l'arme blanche, de nombreux féminicides, une augmentation des violences intrafamiliales, des attaques visant des personnes âgées, des jeunes enfants et des lycéens, des agressions parfois très violentes de collégiens devant leur établissement, des violences dans les bus, des trafics de drogue, des vols, etc. Ces phénomènes sont souvent amplifiés par la diffusion des actes sur les réseaux sociaux.
Mayotte, notre voisin, est également secoué par une vague de violence. Notre proximité avec cet archipel, nos liens particuliers, mais aussi la mauvaise politique d'intégration menée à La Réunion, conduisent à des violences sporadiques dans certains de nos quartiers. Plus grave encore, nous avons des soupçons de plus en plus forts quant à l'existence de réseaux de prostitution de mineurs – je dis bien, de mineurs.
Dès lors que ces phénomènes existent dans des quartiers bien identifiés, nous savons que le banditisme et les réseaux de drogue ne sont pas loin. Il faut immédiatement y mettre fin, avant qu'il ne soit trop tard.
La réponse apportée par la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, le 16 février, à notre collègue Karine Lebon, laisse penser que vous n'êtes pas conscients de nos difficultés. Vous restez enfermés dans vos statistiques : pour vous, tout va bien ! C'est peut-être justement par manque de moyens que vos statistiques ne reflètent pas la réalité. Il n'y a pas de police aux frontières au port maritime de la Pointe des Galets, alors qu'il est la porte d'entrée de toutes sortes de stupéfiants. Pourquoi ?
Certains textes, comme la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure, ne sont pas appliqués alors qu'ils induiraient un redéploiement de policiers et de gendarmes à La Réunion. Pourquoi ? La LOPPSI prévoit ainsi que les communes de plus de 20 000 habitants soient en zone police. À La Réunion, neuf communes dépassent ce seuil, mais sont toujours en zone gendarmerie. Pourquoi ? L'extension de la zone police permettrait de créer plusieurs centaines de postes, et par conséquent d'organiser des mutations en assurant le retour d'agents originaires de La Réunion. Rappelons que plus de 1 300 Réunionnais qui exercent en métropole attendent leur mutation dans leur île natale. Voilà une occasion d'y répondre, qui offrirait quatre avantages : améliorer les conditions de travail ; permettre un redéploiement, dans le respect de la loi ; remédier en partie aux problèmes d'insécurité ; satisfaire une demande légitime d'expatriés réunionnais désireux de rentrer au pays.
Vous organisez un Beauvau de la sécurité, mais l'outre-mer est totalement oublié. N'est-ce pas justement l'occasion d'aborder toutes ces questions ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté. La sécurité est bien une priorité du Gouvernement, notamment dans les territoires d'outre-mer, et évidemment à La Réunion et à Mayotte. L'État consacre des moyens inédits à ces deux départements, et adapte en permanence son dispositif sécuritaire. Ainsi, le nombre de policiers et de gendarmes a augmenté de 10 % en cinq ans à La Réunion ; en volume, c'est le plus gros effectif de tout l'outre-mer, avec 2 136 agents. On compte par ailleurs 1 239 policiers et gendarmes à Mayotte, soit une augmentation de 62 % en cinq ans : il s'agit du plus gros renfort d'effectifs en outre-mer.
Au-delà de ces chiffres, je tiens à saluer la grande mobilisation des services de l'État et des associations, qui œuvrent à la prévention des violences que vous avez mentionnées, tandis que les services répressifs mettent à disposition de la justice les délinquants violents. La Réunion est d'ailleurs pleinement intégrée aux actions prioritaires du Grenelle contre les violences conjugales, qui ont abouti à certaines mesures efficaces et ciblées sur les particularités de l'île – je m'y suis d'ailleurs rendue à cette occasion.
Vous vous inquiétez, en outre, de l'insécurité à Mayotte. À la suite des événements de janvier, des renforts ont été rapidement acheminés depuis la métropole pour y maintenir l'ordre républicain. Des enquêtes sont en cours, sous la direction des autorités judiciaires compétentes, et nous restons vigilants face aux tensions communautaires – comme on dit –, qui peuvent rester vives.
Vous évoquez également le risque d'importation de la délinquance entre Mayotte et La Réunion, et l'existence de réseaux de drogue ou de prostitution de mineurs. Les services du ministère de l'intérieur sont pleinement mobilisés par ces sujets graves, et nous mettons tout en œuvre pour qu'aucune zone de non-droit n'existe dans l'île. Une antenne de l'office anti-stupéfiants – OFAST – a d'ailleurs été créée à l'automne 2020 à Saint-Denis, et une maison de confiance et de protection des familles a ouvert ses portes en janvier 2021. La gendarmerie de La Réunion, quant à elle, compte près de 780 militaires, et bénéficie du renfort d'un escadron de gendarmerie mobile. Dans ses rangs, 217 militaires se sont vus reconnaître la localisation de leurs centres d'intérêts matériels et moraux à La Réunion ; ils bénéficient d'un séjour initial de six ans, suivi d'une première prolongation de trois ans, puis d'une seconde de deux ans, dans la limite de onze ans. Ils sont par ailleurs autorisés à rester définitivement sur place lorsqu'ils sont à moins de cinq ans de la limite d'âge. De plus, la majorité des 250 réservistes employés sont originaires de l'île, et contribuent à la dynamique générale.
Enfin, je veux pleinement vous rassurer, monsieur le député : le Beauvau de la sécurité concerne bien l'ensemble du territoire, tant la métropole que l'outre-mer, et la concertation engagée aura des effets dans l'ensemble des territoires. Nous ne mettons personne ni aucun territoire de côté. Dès que les conditions sanitaires le permettront, le ministre de l'intérieur se rendra d'ailleurs en outre-mer, dans le cadre des travaux du Beauvau de la sécurité, comme vous l'appelez de vos vœux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.
M. Jean-Hugues Ratenon. Vous ne répondez pas à ma question, madame la ministre déléguée. Encore une fois, vous faites de l'autosatisfaction : tout va bien pour vous ! C'est dommage pour notre territoire.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. N'importe quoi !
Auteur : M. Jean-Hugues Ratenon
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 février 2021