Politique préventive et curative des dégâts agricoles liés à la sécheresse- Gard
Question de :
M. Olivier Gaillard
Gard (5e circonscription) - Non inscrit
M. Olivier Gaillard interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'état de la mise en œuvre de la politique préventive et curative des dégâts liés à la sécheresse dans l'agriculture gardoise, par le financement de projets de retenues et de transferts d'eau brute. Dans les territoires, les temps difficiles de crise ont conduit nombre de citoyens à privilégier l'origine France et le local. Le Gard est le deuxiéme département en nombre de producteurs en bio de France, comptant de petites structures agricoles aux productions plus qualitatives que quantitatives. Les défis que doivent relever quotidiennement ses agriculteurs sont considérables pour se maintenir et parfois survivre, dans le respect des normes. Alors même que les rayons de supermarchés font la part belle aux importations produites dans des pays où les normes écologiques et sociales, les dossiers et procédures, pèsent bien moins lourd sur les épaules des agriculteurs et où pendant longtemps la politique a considérablement accru aveuglément l'offre en eau pour produire toujours plus. Mais pour consommer local, encore faut-il disposer d'une agriculture viable et durable. Par cela, M. le député entend une agriculture de proximité non condamnée à la résistance puis au déclin face à la concurrence inéquitable livrée au sein même de l'Union européenne. Il est grand temps de soulager ces agriculteurs de toutes les normes et procédures qui ne sont pas strictement nécessaires à l'atteinte des objectifs climatiques et environnementaux, et de les soutenir davantage, financièrement et administrativement. Par exemple, dans les parties nord et ouest du département du Gard où l'eau peut abonder cruellement en période hivernale et manquer cruellement en période estivale, la disponibilité de la ressource rend l'agriculture véritablement vulnérable. M. le député a recensé des dizaines d'agriculteurs des premiers contreforts cévenols qui aspireraient de pouvoir disposer de bassins ou petites retenues à échelle d'exploitation ou de groupement d'exploitation en vue d'une gestion économe. De même, l'extension du transfert du Rhône par le réseau BRL le long de la N 106 reliant Nîmes à Alès, un temps envisagé, serait un aménagement structurant susceptible de sécuriser l'accès à une gestion économe de l'eau pour toute une plaine agricole des Gardons souffrant de déficits hydriques. Il y a tout un éventail de solutions possibles pour répondre aux enjeux spécifiques de chaque territoire. Le département du Gard a fait preuve de volontarisme en élaborant un schéma de gestion de l'eau brute promouvant une gestion économe et des solution adaptées aux besoins de chaque contexte local. L'État comme les collectivités se retrouvent donc sur un objectif : réaliser là où c'est utile et durables, des équipements permettant l'accès à la ressource en eau brute afin d'éviter les prélèvements en période sèche là où l'eau est rare. Le Gouvernement encourage le recours à la démarche de projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), qui privilégie une gestion concertée, partagée et équilibrée de la ressource sur un territoire donné. Cela amène M. le député à interroger M. le ministre sur l'articulation avec le plan eau brute adopté par le département du Gard. Une instruction a été délivrée il y a presque deux ans aux préfets pour dynamiser les PTGE et remobiliser les acteurs. Les agriculteurs sont mobilisés et répondent présents. Pourtant, aucun projet nouveau sur ce territoire ; tout au plus, la poursuite, dans des proportions moindres, de projets forts anciens ; loin de répondre à l'ampleur de la problématique. Compte tenu de cette inertie, il questionne le ministère quant aux suites de l'instruction donnée aux préfets. L'action des services de l'État dans le département n'a de sens et d'intérêt que si elle ouvre sur une mise en œuvre facilitée, coordonnée et efficace des projets d'équipement du monde agricole pour relever les défis d'aujourd'hui et de demain. Avant l'ère covid-19 et le soutien massif de l'État pour aider les filières agricoles, les difficultés et des défis structurels étaient déjà majeurs pour l'agriculture. Ils le sont toujours et plus que jamais. Il est urgent d'apporter des réponses à ces enjeux, faute de quoi, le nombre de parcelles passant en friches et d'exploitations non reprises vont faire un bond en avant et notre agriculture de proximité un bond en arrière. C'est une certitude, pour leur tournant écologique, que les agriculteurs peuvent se passer de lourdeurs administratives, mais pas d'eau. Il souhaite connaître son avis sur ce sujet.
Réponse en séance, et publiée le 3 mars 2021
DÉGÂTS LIÉS À LA SÉCHERESSE DANS LE GARD
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Gaillard, pour exposer sa question, n° 1325, relative aux dégâts liés à la sécheresse dans le Gard.
M. Olivier Gaillard. Dans nos territoires, monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, les temps difficiles ont conduit nombre de nos concitoyens à privilégier des produits français, des produits locaux. Or le Gard, deuxième département de France par le nombre de producteurs agricoles biologiques, compte beaucoup de ces petits exploitants plus attachés à la qualité qu'à la quantité, et qui doivent relever quotidiennement des défis considérables pour survivre alors que les supermarchés font la part belle aux importations en provenance de pays où les normes écologiques et sociales pèsent bien moins lourd. Pour produire et consommer local, encore faut-il que l’agriculture soit viable et durable : j'entends par-là une agriculture de proximité qui ne serait pas écrasée de réglementations et de procédures, mais aussi une agriculture mieux protégée, sécurisée dans son accès à l’eau.
Dans le nord et l'ouest du département du Gard, où l'eau peut créer autant de dommages par sa surabondance en hiver que par sa raréfaction en été, l'agriculture est fragilisée voire condamnée à terme. Déjà sollicités par des dossiers en tous genres, les agriculteurs en butte à de telles catastrophes naturelles se trouvent confrontés aux procédures complexes et contraignantes des assurances récolte que subventionne l'État. Cela conduit d’ailleurs nombre d’entre eux à renoncer à s’assurer.
J’ai recensé plusieurs dizaines d'agriculteurs des premiers contreforts cévenols aspirant à pouvoir disposer de bassins, de petites retenues, à l'échelle d'une exploitation ou d'un groupement d'exploitations, en vue d'une gestion économe de leur eau. Le département du Gard a fait preuve de volontarisme en élaborant un schéma de gestion de l'eau brute qui promeut des solutions économes, adaptées localement. L'État et les collectivités ont donc le même objectif : que des équipements utiles et durables donnent accès à l'eau brute, afin d'éviter les prélèvements, en période de sécheresse, là où cette ressource est rare. Le Gouvernement encourage le recours aux projets de territoire pour la gestion de l'eau, les PTGE, qui privilégient une gestion concertée, partagée et équilibrée de la ressource. Cela m’amène à vous interroger sur l'articulation de ce PTGE avec le plan « eau brute » adopté par le département du Gard.
Voilà presque deux ans que les préfets ont reçu des instructions en vue de dynamiser les PTGE et d'en remobiliser les acteurs. Les agriculteurs ont fait connaître leurs besoins. Pourtant, le territoire dont je vous parle n'a vu émerger aucun nouveau projet ; ceux dont la réalisation se poursuit, déjà anciens, sont loin de répondre à l'ampleur du problème. Compte tenu de cette inertie, quelles suites ont donc eu ces instructions ? Qu’en est-il du suivi, de l’évaluation ? L'action des services de l'État dans le département n'a de sens et d'intérêt que si elle débouche sur une concrétisation facilitée, coordonnée, efficace, des projets d'équipement qui permettront au monde agricole de relever les défis d'aujourd'hui, mais aussi de demain. Avant même l'ère du covid-19, ces défis étaient déjà majeurs, structurels ; ils le sont toujours et plus que jamais. Il est urgent d'apporter des réponses à ces enjeux, faute de quoi le nombre de parcelles en friche et d'exploitations non reprises va exploser. Produire et consommer local est plus écologique. Pour cela, les agriculteurs pourront certes se passer de réglementations excessives et de lourdeurs administratives, mais non d'eau.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. J'ai déjà eu l'occasion de le dire : la question de l'eau, c'est la mère des batailles. Une agriculture sans eau n'est pas concevable. Or le pays est aujourd'hui confronté à ce problème : ce que disait M. Chassaigne à propos de l'élevage s'applique également aux cultures dans de nombreux territoires, dont le Gard.
Il faut agir dans trois domaines. La prévention tout d'abord : comment se prémunir des effets d'un stress hydrique croissant ? On parlait jusqu'à présent de sécheresses occasionnelles mais elles ne le sont plus et se répètent désormais été après été. La prévention peut passer par l'équipement, l'innovation ou la recherche. Dans le cadre du plan de relance, nous avons d'ailleurs dédié 100 millions d'euros au financement exclusif d'équipements de prévention contre les aléas du changement climatique comme le stress hydrique – concrètement, de petits systèmes d'irrigation, de retenues individuelles ou autres.
La question assurantielle, ensuite, qui, si elle doit être abordée, reste incroyablement complexe. Il existe deux systèmes : d'une part celui que peut qualifier d'assurance récolte climatique – l'assurance multirisque climatique, de son vrai nom –, qui bénéficie d'aides de la politique agricole commune, la PAC ; d'autre part le régime de calamité agricole qui fait l'objet d'une subvention de l'État. L'enjeu est de démultiplier ces systèmes pour faire en sorte qu'en cas de sinistres, les agriculteurs puissent être accompagnés. Cela rejoint l'exemple que j'évoquais tout à l'heure de la chute de la production fourragère, pour les élevages, et de la nécessité d'acheter du fourrage ailleurs. Pour les agriculteurs, cela représente une double peine : moins de rendements et plus de déboursements. Sur ce sujet, des travaux sont en cours pour savoir, notamment, s'il faut déployer un système national, renforcer le système au niveau européen ou encore élargir la base.
Enfin, troisième sujet à traiter : les réserves en eau. Ma position est très claire : il faut avoir le courage politique d'aller plus loin – avec une méthode, celle de la concertation. Vous avez ainsi évoqué les PTGE. Pour répondre à votre question, je précise que nous avons mis en place une cellule projet au sein des ministères de la transition écologique et de l'agriculture et de l'alimentation, dont le rôle est d'assurer l'aboutissement des projets. Elle doit le faire dans la concertation, mais celle-ci ne peut pas durer quinze ans – sinon, c'est une mauvaise concertation. Il faut avoir le courage politique de le dire. L'Assemblée a d'ailleurs voté différentes dispositions – très récemment encore au sujet du décret, essentiel, relatif au débit et à l'usage de l'eau. Elle a ainsi fait preuve de courage et permis de faire avancer les choses.
Tels sont les trois axes de travail dont nous pourrions parler beaucoup plus longuement. L'eau est réellement la mère des batailles et c'est un sujet complexe – raison pour laquelle il ne faut pas le mettre sous le tapis mais au contraire l'affronter, comme je souhaite le faire.
Auteur : M. Olivier Gaillard
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 février 2021