Petites lignes de fret
Question de : Mme Blandine Brocard (Auvergne-Rhône-Alpes - Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés)
Mme Blandine Brocard attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports, sur l'enjeu que représente l'entretien des lignes de fret ferroviaire. De nombreuses lignes de fret endommagées obligent les transporteurs à avoir recours au camion pour transporter des matériaux lourds (notamment le ballast). Ces transports par camions représentent une problématique importante en ce qu'ils endommagent les chaussées, créent des nuisances dans les villages qu'ils traversent et ne protègent pas mieux les matériaux qu'ils transportent. Le transport par train permettrait un acheminement plus sûr, plus rapide et moins coûteux, notamment en matière d'émissions de gaz polluants. Mais ce sont quelques kilomètres de voies non entretenues qui empêchent d'avoir recours au fret. Pourtant, ils permettraient à la fois de développer le fret ferroviaire, et de prolonger la ligne voyageurs, désenclavant ainsi des territoires ruraux. Aussi, elle lui demande comment le Gouvernement envisage de travailler à rétablir les petites lignes endommagées, dans une logique de développement du territoire.
Réponse en séance, et publiée le 16 juin 2021
PETITES LIGNES DE FRET
M. le président. La parole est à Mme Blandine Brocard, pour exposer sa question, n° 1430, relative aux petites lignes de fret.
Mme Blandine Brocard. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des transports. Vous le savez pertinemment, les lignes de fret ferroviaire constituent un enjeu crucial dans la vie de nos territoires. Je vais vous parler d'une ligne que l'on appelle chez moi la Brévenne, qui se situe dans l'ouest et le nord lyonnais et qui existe depuis 1876. Elle permettait de transporter des matériaux issus de carrières, soit environ 100 000 tonnes de gravats par an.
En décembre 2019, SNCF Réseau annonce brutalement la fermeture d'un tronçon de fret ferroviaire ; le transport se fera désormais par camion. Comble de l'ironie, les granulats désormais transportés par ces camions servent au ballast de la SNCF. Les chiffres sont éloquents : alors qu'un seul train chargeait 600 tonnes de matériaux issus des extractions, il faut dix camions par jour pendant quatre jours pour transporter l'équivalent d'un tel chargement.
Comment comprendre une telle décision ? Vous imaginez bien son coût en matière d'émission de gaz polluants, alors que chacun – vous aussi, monsieur le ministre délégué – est engagé dans la transition vers des transports plus propres. Ces quelques kilomètres de transport par camion génèrent par ailleurs d'autres coûts : les chaussées sont fortement endommagées, plusieurs villages sont quotidiennement traversés par de nombreux poids lourds, ce qui augmente les nuisances sonores et les risques d'accident, les routes en périphérie de la métropole lyonnaise sont surengorgées et les matériaux utilisés pour le ballast perdent en qualité, du fait de la multiplication des opérations de chargement et de déchargement – je me suis rendue sur place et les cheminots qualifient le produit final de « sucre », tant il a été dénaturé.
Je tiens aussi à appeler votre attention sur un point particulier. Il faut réhabiliter les quelques kilomètres de voie ferroviaire concernés non seulement pour rétablir le fret par train, dont l'intérêt apparaît évident, mais aussi pour prolonger une ligne de transport de voyageurs susceptible de compléter le maillage de la sphère métropolitaine lyonnaise. Désenclaver nos territoires, fluidifier les transports, désengorger nos routes, diminuer l'impact environnemental : n'est-ce pas ce que nous voulons ?
La communauté de communes concernée et la région s'engagent pour réhabiliter les infrastructures ; il ne manque que l'État. Vous trouverez toutes les précisions nécessaires dans les courriers et les dossiers que nous vous avons envoyés avec Nathalie Serre et Thomas Gassilloud – ce dernier vous avait déjà posé une question à ce sujet en décembre 2019.
J'ai donc quelques questions, monsieur le ministre délégué : quelle a été la teneur des discussions menées avec les différents partenaires concernés ? Quelles options ont été envisagées ? Pourriez-vous nous dire comment le Gouvernement prévoit de travailler à réaliser les investissements nécessaires pour que de telles incohérences en matière d'aménagement des territoires soient corrigées ? Enfin, et c'est la question essentielle, quelle mobilité souhaitons-nous réellement voir se développer ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports. Vous m'interrogez sur un de mes sujets de prédilection, et je vous en remercie.
Un peu d'histoire : depuis 2015, aux côtés des collectivités et des chargeurs, l'État consacre 10 millions d'euros par an au financement des investissements de régénération des petites lignes capillaires auxquelles vous avez fait référence. Cette contribution a fait naître une véritable dynamique de remise en état de ces lignes : environ 1 000 kilomètres ont été traités depuis cette date. Cet effort est indispensable, vous l'avez dit : ces lignes sont empruntées par 20 % des trains de marchandises en France et leur abandon aurait évidemment eu des conséquences désastreuses, en termes de report modal, de compétitivité et donc d'emplois locaux.
Grâce au plan de relance, nous triplons cet effort : nous investissons 20 millions d'euros supplémentaires au cours de la période 2021-2022. Nous pourrons ainsi contribuer à de nombreuses opérations qui doivent être engagées à court terme pour assurer la pérennité de ces lignes. Ces 20 millions s'ajoutent aux 10 millions déjà prévus. Le total s'élève donc à 30 millions d'euros par an.
La programmation de ces montants se fera dans le respect des règles appliquées jusqu'à présent, avec une contribution de l'État à hauteur de 30 % des investissements. Plusieurs lignes ont déjà été identifiées pour la programmation 2021-2022 et feront l'objet de concertations au niveau local dans le cadre de discussions réunissant l'État, les régions et les acteurs locaux, ainsi que la SNCF, notamment SNCF Réseau. Ces échanges ont d'ores et déjà permis l'élaboration de stratégies régionales, notamment en région Auvergne-Rhône-Alpes. Différents critères sont pris en compte pour cette hiérarchisation, notamment les échéances de fin d'exploitation prévisible, le montant des travaux de régénération nécessaires, le contexte territorial et économique des industriels ou encore le trafic de fret sur les différents sillons.
Ces travaux s'intégreront dans les ambitions plus globales pour la régénération, le renouveau même, du fret ferroviaire, qui va concentrer 1 milliard d'euros d'investissements. Cela fera l'objet d'annonces plus précises dans le cadre de la stratégie ad hoc bientôt présentée au Parlement. L'enjeu est bien celui que vous avez exposé : désenclaver nos territoires, fluidifier le trafic sur nos routes et évidemment accompagner le grand mouvement de décarbonation des mobilités, tant des marchandises que des passagers.
M. le président. La parole est à Mme Blandine Brocard.
Mme Blandine Brocard. Merci de votre réponse, monsieur le ministre délégué ; comptez sur moi pour qu'une partie de ces 30 millions d'euros aillent vers la Brévenne.
Auteur : Mme Blandine Brocard (Auvergne-Rhône-Alpes - Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés)
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : Transports
Ministère répondant : Transports
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mai 2021