Lutte contre les déserts médicaux
Question de :
Mme Sophie Beaudouin-Hubiere
Haute-Vienne (1re circonscription) - La République en Marche
Mme Sophie Beaudouin-Hubiere attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les déserts médicaux. Le ministère de la santé a publié de nouveaux chiffres sur l'accessibilité aux médecins généralistes, une première depuis 2015. Le constat est clair : en cinq ans, la situation a empiré. Ces données montrent que près de 3,8 millions de Français vivent dans une zone sous-dotée en médecins généralistes, contre 2,5 millions en 2015. Dans son département, la Haute-Vienne, 32 communes sont classées en zones d'intervention prioritaire (ZIP), contre 25 en 2015. 99 communes sont classées en zones d'action complémentaires (ZAC). Les raisons de cette aggravation sont connues: elle est due au vieillissement des médecins et à une demande de plus en plus forte venant des patients, également en raison du vieillissement. La population limousine est en effet de dix ans plus âgée que la population aquitaine ou pictocharentaise. Dans son territoire, chaque départ à la retraite de médecin généraliste constitue un véritable drame, car bien souvent il n'y a personne pour le remplacer. Dans sa circonscription, la commune de Châteauneuf-La-Forêt cherche activement un médecin-généraliste depuis bientôt un an, sans aucun succès. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. Pourtant, dans la loi santé, les députés ont voté des dispositifs visant à remédier à ce fléau que sont les déserts médicaux, avec les médecins-adjoints, avec les contrats d'engagement de service public (CESP), avec les maisons et les centres de santé. Mme la députée demande à M. le ministre s'il a évalué les effets produits par ces mesures. En 2030, il y aura plus de 2 millions de seniors de plus de 75 ans en France, quatre fois plus qu'aujourd'hui. Elle lui demande ce qu'attend le Gouvernement pour agir.
Réponse en séance, et publiée le 26 mai 2021
LUTTE CONTRE LES DÉSERTS MÉDICAUX
M. le président. La parole est à Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, pour exposer sa question, n° 1471, relative à la lutte contre les déserts médicaux.
Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Il y a deux ans, l'Assemblée nationale a adopté la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé et la stratégie « Ma santé 2022 », qui prévoyait un très grand nombre de mesures visant à lutter contre la désertification médicale – l'une des plus emblématiques et des plus efficaces était la suppression du numerus clausus. Sur le terrain, nous attendons toujours les retombées de ces mesures et le compte n'y est pas. Pour preuve, les situations impossibles auxquelles sont confrontés les maires des communes rurales.
Ainsi, dans ma circonscription, une commune d'à peine 1 500 habitants se trouve depuis six mois sans médecin généraliste. Ils étaient trois il y a trois ans. Le dernier a pris sa retraite le 31 décembre 2020. Châteauneuf-la-Forêt n'était pas considéré comme une zone sous-dotée lors du dernier zonage. Malgré diverses interpellations de l'agence régionale de santé, l'ARS, des maires successifs de la commune et de ma part, ce zonage ne sera pas revu avant deux ou trois ans. Deux ou trois ans : c'est donc le temps qu'il nous faudra attendre avant d'espérer une solution…
Quand un médecin traitant part à la retraite, c'est non seulement l'accès aux soins, mais l'attractivité d'une commune entière qui sont remis en jeu. Comment peut-on attirer encore des habitants dans une commune sans médecin alors que les médecins des communes avoisinantes, débordés, refusent toute nouvelle patientèle ?
Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, ce qui se passe dans nos communes rurales, c'est le cauchemar de Balzac. Il y a deux cents ans, l'écrivain racontait comment l'arrivée d'un médecin dans un village du Dauphiné avait permis de le transformer en une ville prospère. Aujourd'hui, l'inverse se produit : chaque fois qu'un médecin traitant part, c'est un village qui menace de disparaître.
Il semblerait que certains professionnels du secteur médical aient oublié qu'ils exercent un métier de service à la personne et de service public. Est-il vraiment surréaliste d'envisager une obligation d'affectation, non pour toute la vie, mais pour les premières années d'exercice ? En tout état de cause, la situation se dégrade et nous ne pourrons pas attendre dix ans que la fin du numerus clausus produise enfin ses effets.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. De nombreux territoires, parmi lesquels celui de la Haute-Vienne que vous représentez, madame la députée, ont en effet du mal à encourager l'installation de nouveaux professionnels de santé. Par définition, certaines mesures, en particulier la suppression du numerus clausus, ne produiront leurs effets que dans quelques années, mais d'autres dispositifs existent pour pallier les difficultés rencontrées par certains territoires, en particulier les territoires ruraux comme la commune de Châteauneuf-la-Forêt.
Parmi les mesures mises en place, notamment en Haute-Vienne, on peut citer la signature de contrats d'engagement de service public, les CESP, par des étudiants en médecine et des praticiens de médecine générale. Quatre médecins généralistes et un odontologue se sont installés dans le département grâce à ce dispositif. De même, depuis 2013, dix-huit médecins généralistes ont bénéficié d'un contrat de praticien territorial qui leur garantit un niveau de revenu et une protection sociale améliorés à la suite de leur installation.
Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2021, le dispositif de contrat de début d'exercice, le fameux CDE, est ouvert à tous les médecins qui s'installent dans une zone sous-dense, ainsi qu'aux remplaçants qui exercent dans ces territoires. L'éligibilité à ce nouveau contrat est subordonnée à un dispositif d'exercice coordonné et à des engagements sur les tarifs proposés. En Haute-Vienne, un CDE est en cours de signature pour un médecin qui s'installe à Saint-Léonard-de-Noblat et deux autres médecins ont exprimé le souhait d'en signer un dans les semaines à venir.
Le plan d'accès aux soins initié en 2017 a en outre permis de doubler le nombre de maisons de santé pluriprofessionnelles, les MSP : douze d'entre elles sont ouvertes en Haute-Vienne ; deux sont en cours de construction pour une ouverture courant 2021 ; deux autres sont à l'étude. Le plan d'accès aux soins a également permis la mise en œuvre de la convention médicale et de dispositifs d'incitation qui visent à faciliter l'installation des médecins généralistes. À ce jour, quatre contrats d'aide à l'installation, un contrat de solidarité territoriale médecin et cinq contrats de coordination ont été conclus en Haute-Vienne. Le plan d'accès aux soins, enfin, a favorisé l'utilisation des outils numériques et les consultations avancées. La télémédecine a été déployée dans tous les EHPAD du département, ainsi qu'au sein de deux maisons de santé pluriprofessionnelles.
Le temps me manque pour citer tous les dispositifs sur lesquels nous nous appuyons – postes de médecins généralistes à exercice partagé ville-hôpital, contrats de médecins adjoints, accélération du déploiement de postes d'assistants médicaux –, mais je sais que vous les connaissez. Je pense plus particulièrement aux communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS, qui prévoient l'exercice coordonné des acteurs de santé au sein d'un territoire et dont l'une, créée fin 2020, est en cours de déploiement dans la Haute-Vienne. Trois autres projets couvrant les deux tiers du département sont également en cours de constitution ou en réflexion.
Pour conclure, le Gouvernement et l'ARS sont confiants quant à la capacité de ces différents dispositifs à répondre aux enjeux de la Haute-Vienne. Nous continuerons évidemment de travailler avec les acteurs du territoires et avec vous, madame la députée, afin d'améliorer la couverture médicale de votre département.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Beaudouin-Hubiere.
Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Je me félicite que l'ARS soit confiante, monsieur le secrétaire d'État, mais j'attends d'elle un peu plus d'agilité ! Vous avez mentionné le territoire de Saint-Léonard-de-Noblat et l'arrivée de nouveaux médecins. Saint-Léonard-de-Noblat n'est pas Châteauneuf-la-Forêt et les communes avoisinantes : je le répète, ces communes rurales ne figurent pas dans la zone considérée comme sous-dotée alors qu'elles ne comptent plus un seul médecin…
Je veux dire, enfin, au sujet de l'obligation à l'installation, que cette mesure a produit des effets très positifs en Allemagne et au Québec. Peut-être devrions-nous y réfléchir ensemble !
Auteur : Mme Sophie Beaudouin-Hubiere
Type de question : Question orale
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 mai 2021