Question orale n° 1495 :
Refaire du CDI la règle

15e Législature

Question de : M. Adrien Quatennens
Nord (1re circonscription) - La France insoumise

M. Adrien Quatennens interroge Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion sur le recours abusif aux contrats courts. Il y a actuellement près de 7 millions d'inscrits à Pôle emploi, en face desquels il n'y a que 300 000 emplois non pourvus. Face au chômage de masse, aggravé par la crise de la covid, tout n'a pas été tenté. La flexibilisation du droit du travail, les exonérations de cotisations sociales, la baisse des impôts de production, sont autant de solutions libérales éculées. M. le député leur oppose le partage du temps de travail, la planification écologique créatrice d'emplois et la garantie d'emploi permettant de rendre ce droit effectif et de ne plus s'en remettre exclusivement aux aléas du « marché du travail » et de l'utilisation qu'il fait du chômage. Le chômage est utilisé pour faire pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail. Le chômage est une souffrance. Ses conséquences tuent plus de 10 000 personnes par an. Faute de s'attaquer au chômage, le Gouvernement s'attaque aux chômeurs avec sa réforme de l'assurance chômage qui va rendre l'accès à l'indemnisation plus difficile, diminuer les indemnités et accentuer les inégalités. Ici, M. le député veut parler à Mme la ministre de la stabilité de l'emploi. En droit, le CDI est la règle et le CDD doit être utilisé exceptionnellement. Un employeur ne peut conclure un CDD avec un salarié que pour l'un des motifs suivants : remplacement d'un salarié absent pour maladie ou congé, remplacement d'un salarié dont le contrat est suspendu, remplacement d'un salarié ayant quitté l'entreprise et dont le poste sera supprimé, dans l'attente de l'entrée en service d'un salarié en CDI, remplacement d'un salarié passé provisoirement à temps partiel, en cas d'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, dans certains cas, en remplacement du chef d'entreprise pour les emplois saisonniers ou dans les secteurs où il n'est pas d'usage de conclure des CDI (emplois d'usage). Or près de 4 millions de personnes travaillent en emploi précaire. 87 % des embauches ont lieu en contrats courts. La précarité est un tunnel sans fin. Si la moitié des précaires obtenait un CDI au bout d'un an en 1982, ce n'est désormais plus le cas que d'un sur cinq ! Sans compter les temps partiels contraints, quasi exclusivement occupés par des femmes. Dans la France d'Emmanuel Macron, 1,5 million de personnes cumulent même deux emplois pour s'en sortir. Cette vision du salarié « jetable » dévalorise le travail, nie les métiers et les savoir-faire. Elle empêche de lancer de vrais projets, de se former ou de s'intéresser à ses clients ou à ses usagers. M. le député ne croit pas à l'efficacité ou au caractère suffisamment dissuasif du système de bonus-malus. Surtout, on ne voit pas pourquoi octroyer un bonus à ceux qui respectent tout simplement la règle. Cela atteindrait les comptes de l'assurance chômage. Puisque le Gouvernement, dans ses déclarations, partage l'inquiétude de M. le député concernant la propension des entreprises à recourir excessivement aux contrats courts, ce dernier lui propose une méthode qui permettra de rétablir le CDI pour ce qu'il est dans les textes mais qu'il n'est plus dans les faits : la règle. En lieu et place du bonus-malus, il propose d'instaurer un quota maximum de contrats précaires dans les entreprises : 10 % pour les PME, 5 % pour les grandes entreprises. Il lui demande sa position sur ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 16 juin 2021

REFAIRE DU CDI LA RÈGLE
Mme la présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour exposer sa question, n°  1495, relative au contrat à durée indéterminée.

M. Adrien Quatennens. Depuis janvier dernier, il y a près de 7 millions d'inscrits à Pôle emploi, en face desquels il y aurait quelque 300 000 emplois non pourvus. Face au chômage de masse, aggravé par la crise du covid-19, tout n'a pas été tenté. La flexibilisation du droit du travail, les exonérations de cotisations sociales, la baisse des impôts de production sont autant de solutions libérales éculées. Nous leur opposons le partage du temps de travail, la planification écologique créatrice d'emplois et la garantie d'emploi permettant de rendre le droit à l'emploi effectif et de ne plus s'en remettre exclusivement au marché du travail et à ses aléas – ce marché qui utilise le chômage de masse pour faire pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail.

Or le chômage est une souffrance. Ses conséquences tuent plus de 10 000 personnes par an. À défaut de vous attaquer au chômage, vous vous attaquez aux chômeurs avec votre réforme de l'assurance chômage qui va rendre l'accès à l'indemnisation plus difficile, diminuer les indemnités et accentuer les inégalités.

Je vais vous parler de la stabilité de l'emploi. En droit, le contrat à durée indéterminée (CDI) est la règle et le contrat à durée déterminée (CDD) doit être utilisé exceptionnellement. Un employeur ne peut conclure un CDD avec un salarié que dans certains cas : remplacement d'un salarié absent pour maladie ou congé ; remplacement d'un salarié dont le contrat est suspendu ; remplacement d'un salarié ayant quitté l'entreprise et dont le poste sera supprimé ; dans l'attente de l'entrée en service d'un salarié en CDI ; pour des emplois saisonniers pour lesquels le CDI n'est pas l'usage.

Or près de 4 millions de personnes travaillent en emploi précaire. Quelque 87 % des embauches ont lieu en contrats courts. La précarité est un tunnel sans fin. Si la moitié des précaires obtenait un CDI au bout d'un an en 1982, ce n'est désormais plus le cas que d'un sur cinq, sans compter les temps partiels contraints, quasi-exclusivement occupés par des femmes.

Dans la France d'Emmanuel Macron, 1,5 million de personnes cumulent même deux emplois pour s'en sortir. Cette vision du salarié jetable dévalorise le travail, nie les métiers et les savoir-faire. Elle empêche de lancer de vrais projets, de se former ou de s'intéresser à ses clients ou usagers. Nous ne croyons ni à l'efficacité ni au caractère dissuasif de votre système de bonus-malus. Nous ne voyons surtout pas pourquoi il faudrait octroyer un bonus à ceux qui ne font que respecter la règle. Un tel dispositif aura des répercussions sur les comptes de l'assurance chômage.

Puisque le Gouvernement partage notre inquiétude concernant la propension des entreprises à recourir excessivement aux contrats courts, nous vous proposons une méthode qui permettra de rétablir le CDI pour ce qu'il est dans les textes mais qu'il n'est plus dans les faits : la règle. En lieu et place du bonus-malus, nous proposons d'instaurer un quota de contrats précaires dans les entreprises : 10 % pour les PME, 5 % pour les grandes entreprises. Qu'en pensez-vous, madame la ministre déléguée ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'insertion.

Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l'insertion. Le recours aux contrats courts a connu une croissance forte depuis vingt-cinq ans, particulièrement au cours des dernières années. Or ces contrats courts enferment des salariés dans la précarité, avec des conséquences sur l'accès au logement, le crédit et les droits sociaux.

La lutte contre le travail précaire repose sur plusieurs leviers, dont celui de la réforme de l'assurance chômage qui prévoit la création d'un bonus-malus. Ce dispositif permettra d'inciter financièrement les employeurs à proposer davantage de CDI et à rallonger la durée des CDD, et cela sans alourdir le niveau global des cotisations et donc sans nuire à la création d'emplois. Notre politique vise aussi à faire appliquer le droit : le CDI demeure la règle et le CDD l'exception. Le ministère du travail et les juridictions sont mobilisés pour faire respecter ces principes fondamentaux.

Vous proposez d'instaurer un quota de CDD dans les entreprises. Je n'y suis pas favorable. Nous voulons préserver la liberté contractuelle. Le recours aux CDD n'est pas intrinsèquement infondé : il peut répondre à un besoin économique. Un plafond nous semble être une contrainte déconnectée de la réalité du terrain. Nous devons plutôt amener les employeurs vers une meilleure fidélisation de la main-d'œuvre, ce qui passe par le dialogue social. Le Gouvernement a confié aux partenaires sociaux des branches le soin de fixer un certain nombre de règles encadrant le recours aux contrats courts. Enfin, les secteurs consommateurs de contrats courts, souvent ceux qui sont les plus touchés par la crise, sont invités à se saisir des dispositifs existants pour gérer leurs besoins de flexibilité sans dégrader la qualité des emplois.

Données clés

Auteur : M. Adrien Quatennens

Type de question : Question orale

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Travail, emploi et insertion

Ministère répondant : Travail, emploi et insertion

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 juin 2021

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