Lutte contre l'insécurité et le terrorisme
Question de :
M. Fabien Di Filippo
Moselle (4e circonscription) - Les Républicains
M. Fabien Di Filippo alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les nombreuses failles et insuffisances de son « projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement », un texte révélateur de graves manquements qui révoltent toujours plus les citoyens. Il manque des mesures fortes et urgentes, telles que l'expulsion systématique des étrangers illégaux, réfugiés ou demandeurs d'asile impliqués dans des faits de terrorisme ou représentant une menace grave pour l'ordre public, l'extension de la rétention de sûreté aux crimes et délits terroristes, la lutte renforcée contre l'immigration clandestine ou encore l'interdiction de retour sur le territoire de ceux qui sont partis faire le djihad. De plus, les 8 000 places de prison supplémentaires annoncées par ce Gouvernement ne sont en réalité pas d'abord conçues pour permettre l'incarcération de plus de délinquants et de criminels mais pour mieux lisser la surpopulation carcérale. Il lui demande s'il compte enfin prendre les mesures qui s'imposent pour lutter efficacement contre l'insécurité et contre le terrorisme, et faire de la protection des Français une priorité absolue.
Réponse en séance, et publiée le 16 juin 2021
LUTTE CONTRE L'INSÉCURITÉ ET LE TERRORISME
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour exposer sa question, n° 1515, relative à la lutte contre l'insécurité et le terrorisme.
M. Fabien Di Filippo. Je souhaitais interroger le ministre de la justice sur les nombreuses failles et insuffisances du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, texte révélateur de graves manquements qui révoltent toujours plus nos concitoyens. Le laxisme pénal de ce gouvernement conduit à davantage de délinquance et à moins de prisonniers : c'est une réalité chiffrée.
Seules 10 % des places de prison que le Président de la République s'était engagé à créer ont été ouvertes à ce jour et les 8 000 places supplémentaires annoncées – dont la livraison n'est prévue que pour 2025 – sont en réalité d'abord conçues non pas pour permettre l'incarcération de plus de délinquants et de criminels, mais pour mieux lisser la surpopulation carcérale, dans l'objectif d'atteindre un taux de 80 % d'encellulement individuel. Ces places seront donc créées pour améliorer les conditions de vie des détenus plus que pour renforcer la sécurité de nos concitoyens. Le ministre de la justice l'avait bien annoncé : il serait avant tout « le ministre des prisonniers ».
Alors qu'un récent sondage révèle que huit Français sur dix considèrent que la justice est trop laxiste, ce projet de loi ne changera aucunement la donne. Les amendements que nous avions déposés visaient à prévoir l'expulsion systématique des étrangers – illégaux, réfugiés, demandeurs d'asile ou disposant d'un titre de séjour – qui auraient été impliqués dans des faits de terrorisme ou représenteraient une menace grave pour l'ordre public. Ils ont été rejetés par le Gouvernement. Ces expulsions permettraient pourtant d'éviter des passages à l'acte dramatiques, mais aussi d'élargir et d'accentuer la surveillance d'autres individus potentiellement dangereux, qui restent présents sur notre territoire.
Pour assurer une meilleure protection de tous, la lutte contre l'immigration clandestine devrait elle aussi constituer une priorité absolue. L'auteur des décapitations dans la basilique Notre-Dame de Nice était un Tunisien en situation irrégulière. Le jeune terroriste pakistanais qui a frappé à coups de hachoir deux personnes près des anciens locaux de Charlie Hebdo était entré en France de façon irrégulière. Samuel Paty a été décapité par un Tchétchène qui avait demandé le statut de réfugié politique. Pourtant, aucune mesure forte n'est prise pour lutter contre ces cas, qui sont de moins en moins isolés.
Enfin, l'extension de la rétention de sûreté aux crimes et délits terroristes ou le retrait de la nationalité française aux personnes parties faire le djihad, afin d'empêcher leur retour en France, auraient également pu faire l'objet d'un débat, mais cela n'a nullement été le cas.
Ma question est donc très simple : le ministre de la justice compte-t-il enfin prendre les mesures fortes et urgentes qui s'imposent pour lutter efficacement contre l'insécurité et le terrorisme, et faire de la sécurité des Français une priorité absolue ? J'ai cru comprendre que des états généraux de la justice seraient organisés juste après l'adoption du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement. C'est, déjà, un aveu d'échec.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'insertion.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l'insertion. Je vous prie d'excuser l'absence de ma collègue Marlène Schiappa, qui ne peut être présente ce matin.
Le Gouvernement est déterminé à poursuivre la lutte contre l'immigration irrégulière, et ce malgré le contexte sanitaire qui continue d'affecter nos moyens d'action en entraînant la fermeture des frontières, la raréfaction – voire l'interruption – des liaisons aériennes, l'arrêt des procédures d'identification par certains consulats ou l'imposition d'exigences sanitaires par les pays concernés par le retour de leurs ressortissants.
Le ministre de l'intérieur a signé, le 29 septembre dernier, une circulaire relative à l'éloignement des étrangers ayant commis des infractions graves ou représentant une menace grave pour l'ordre public. Ce texte rappelle que, dès lors que la présence sur notre sol d'un étranger en situation régulière constitue une menace pour l'ordre public, son titre de séjour doit lui être retiré. Ainsi, 405 retraits ont été décidés sur ce motif entre le 1er octobre et le 30 avril derniers.
Pour les étrangers en situation irrégulière, l'accent est mis sur l'éloignement des profils les plus signalés en matière d'ordre public. Ces individus font l'objet d'un traitement prioritaire par l'ensemble des maillons de la chaîne de l'éloignement. Cette mobilisation a permis l'éloignement, depuis le 18 octobre 2020, de 143 étrangers en situation irrégulière, dont 114 figuraient au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.
Enfin, les services de l'État portent une attention soutenue aux individus sortant de prison, dans le cadre de procédures formalisées et d'échanges d'information entre les services des préfectures et de l'administration pénitentiaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo. Merci pour votre réponse. Il faut comparer les chiffres que vous avez avancés – 405 retraits de titre de séjour par-ci, 143 éloignements par là – aux 30 000 immigrés illégaux qui sont régularisés chaque année. Sur 120 000 demandeurs d'asile entrant dans notre pays, 20 000 obtiennent le statut de réfugié, 20 000 autres – soit un sur six – finissent effectivement par repartir, et 80 000 deviennent des clandestins. C'est cet enjeu dont il faut réellement prendre la mesure : chacun sait que nos capacités d'accueil sont saturées et que la France compte environ 400 000 clandestins.
Nous rappelions déjà ces faits à Gérard Collomb en début de mandat. Vous nous opposez systématiquement les principes d'humanité et de fermeté, mais nous constatons que, fidèle à une majorité qui penche largement à gauche, vous prétendez surtout faire preuve d'humanité en élargissant les critères du regroupement familial.
Pour illustrer mon propos, j'évoquerai un exemple qui concerne votre domaine de compétence, madame la ministre déléguée : nous avons dénoncé, au cours de l'examen des deux premiers projets de loi de finances du quinquennat, la décision du Gouvernement de sabrer les budgets des missions locales, qui a mis de nombreux jeunes en difficulté. Si vous vous prévalez désormais de la garantie jeunes, n'oublions pas qu'à l'époque, lorsque les échéances électorales étaient encore lointaines, ce gouvernement, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, appliquait des principes bien différents que ceux qu'il affiche actuellement : il a abandonné les jeunes, comme il abandonne aujourd'hui la sécurité des Français.
Auteur : M. Fabien Di Filippo
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité des biens et des personnes
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 juin 2021