Question de : M. François-Michel Lambert (Provence-Alpes-Côte d'Azur - Libertés et Territoires)
M. François-Michel Lambert interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le système d'étiquetage nutritionnel dit « nutri-score » et son impact sur les produits AOP et IGP notamment. Pour répondre aux inquiétudes justifiées de nombre de Français sur la qualité de leur alimentation, l'affichage de l'étiquetage nutritionnel, appelé « nutri-score », est obligatoire sur tous les supports publicitaires des denrées alimentaires à partir du 1er janvier 2021. Le nutri-score consiste en un logo informant sur la qualité d'un aliment, à l'aide d'une échelle de 5 couleurs du vert foncé à l'orange foncé associée à des lettres allant de A à E. Ce logo, qui permet instantanément au consommateur d'avoir accès à des informations sur la valeur nutritionnelle brute du produit, peut être très pertinent dans certaines catégories de produits agro-industriels. Cependant, il faut relever les effets pervers qui découlent de ce barème. Des produits traditionnels, ancestraux, confectionnés à partir d'ingrédients simples, obtiennent des notes nutri-score médiocres, comme le foie gras du Gers, le brocciu de Corse, l'huile d'olive de Provence, le porc noir de Bigorre ou le maroilles du Nord. À l'inverse, certains produits industriels, qui peuvent se substituer à ces produits traditionnels, obtiendraient de bien meilleurs scores, notamment du fait de l'ajout d'eau à la fabrication. Pire encore selon la plateforme Open Food Facts, certaines marques de frites surgelées obtiennent effectivement la meilleure note selon le nutri-score, tout en étant des aliments ultra-transformés, selon la classification Nova, qui se penche, elle, sur le degré de transformation des aliments. Comme tous les logos nutritionnels, le nutri-score a des limites. Il ne prend pas non plus en compte les pesticides qui peuvent se retrouver dans certains produits ou encore les additifs utilisés. On fait ainsi face à un paradoxe : alors qu'on demande aux concitoyens « de faire le choix des produits locaux et de qualité issus de notre agriculture », 93 % des produits sous AOP ou IGP seraient classés D. Le nutri-score risquerait donc de favoriser des produits industriels, imitant souvent de façon trompeuse des produits traditionnels, au détriment des producteurs. Et cela, alors même que les labels AOP et IGP garantissent la qualité du produit et engagent les producteurs à respecter un cahier des charges précis et contraignant, permettant par là bien plus de transparence que l'étiquetage nutri-score. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir préciser la stratégie du Gouvernement pour assurer et même renforcer les produits locaux, sous label AOP et IGP notamment, face à l'extension prochaine du nutri-score.
Réponse en séance, et publiée le 24 novembre 2021
NUTRI-SCORE
M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour exposer sa question, n° 1548, relative au nutri-score.
M. François-Michel Lambert. Ma question porte sur le système d'étiquetage nutritionnel nutri-score et son impact, entre autres, sur les produits AOP – appellation d'origine protégée – et IGP – indication géographique protégée.
Pour répondre aux inquiétudes justifiées de nombre de Français relatives à la qualité de leur alimentation, l'affichage nutri-score est obligatoire sur tous les supports publicitaires des denrées alimentaires depuis le 1er janvier 2021. Le nutri-score est un logo informant sur la qualité d'un aliment et constitué d'une échelle de cinq couleurs allant du vert foncé au rouge, lesquelles sont associées à des lettres allant de A à E.
Ce logo, qui permet instantanément au consommateur de s'informer sur la valeur nutritionnelle brute des produits, apparaît tout à fait pertinent s'agissant de certains produits agroindustriels.
Cependant, il convient de relever les effets pervers qui découlent de ce barème. En effet, des produits traditionnels, ancestraux, confectionnés à partir d'ingrédients simples, obtiennent des notes médiocres, à l'instar du foie gras du Gers, du brocciu de Corse, de l'huile d'olive de Provence, du porc noir de Bigorre, ou du maroilles du Nord, entre autres innombrables bons produits français.
À l'inverse, certains produits industriels pouvant se substituer à ces produits traditionnels, d'ailleurs parfois de manière trompeuse, obtiennent de bien meilleurs scores, notamment grâce à l'ajout d'eau dans la fabrication. Pire encore, selon la plateforme Open Food Facts, certaines frites surgelées obtiennent la meilleure note au nutri-score tout en étant des aliments ultratransformés au sens de la classification NOVA qui, elle, évalue le degré de transformation, voire de destruction structurelle, des aliments.
Comme toutes les évaluations nutritionnelles, le nutri-score a donc des limites. Il ne prend pas non plus en compte les pesticides pouvant se trouver dans les produits, ni les additifs utilisés. Notre action apparaît donc paradoxale : alors que nous demandons à nos concitoyens de « faire le choix des produits locaux et de qualité issus de notre agriculture », pour reprendre les mots de Julien Denormandie, 93 % des produits sous AOP ou IGP obtiennent la note D ou E.
Le nutri-score risque donc de favoriser des produits industriels qui, je le répète, imitent souvent de façon trompeuse des produits traditionnels, au détriment des producteurs, et ce, alors que les labels AOP et IGP sont gages de qualité, obligent à respecter un cahier des charges précis et contraignant et, partant, offrent un degré de transparence bien plus important.
Voilà pourquoi je souhaite que le Gouvernement précise sa stratégie visant à protéger et à renforcer les produits locaux, notamment ceux sous AOP et IGP, face à l'extension prochaine du nutri-score. Au pays des 1 000 fromages, nous ne voulons pas que le Carré Frais 0 % devienne la référence.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire. Vous interrogez le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le nutri-score et plus particulièrement s'agissant de son application sur les produits sous label AOP. Je rappellerai d'abord que le nutri-score est un logo nutritionnel simple, efficace et adapté aux emballages, fondé scientifiquement et dont l'objectif est d'aider les consommateurs à adopter des comportements alimentaires favorables à la santé. Cet outil s'intègre à une politique de santé publique complète : son déploiement et sa promotion auprès des consommateurs s'effectuent de manière complémentaire avec les messages de santé publique promouvant une alimentation variée et équilibrée. Les produits classés D ou E, comme les fromages, peuvent tout à fait être consommés dans le cadre d'une alimentation équilibrée, en adaptant la fréquence de consommation et la taille des portions.
Le programme national nutrition santé recommande d'ailleurs désormais de consommer deux ou trois produits laitiers par jour, y compris des fromages. Je le répète, si un aliment présente un nutri-score bas, il n'est pour autant pas question de l'exclure d'un régime alimentaire sain, tant qu'il est consommé dans des quantités appropriées.
Nutri-score et labels de qualité apportent donc des informations différentes, mais complémentaires. Les labels de qualité informent sur le mode de production et le lien avec les terroirs et les savoir-faire, tandis que le nutri-score indique la qualité nutritionnelle globale de l'aliment. Et le consommateur ne s'y trompe pas, le suivi des ventes indiquant que le consommateur plébiscite les produits sous appellation même quand leur nutri-score est faible, en particulier les fromages, dont les ventes sont en hausse. Cela prouve que le goût ainsi que la qualité intrinsèque des produits sous AOP restent les principaux critères d'achat des consommateurs.
Je tiens par ailleurs à ruiner quelques idées fausses. D'abord, l'affichage du nutri-score est volontaire et ne sera jamais rendu obligatoire en France s'il ne l'est pas dans toute l'Europe, afin d'éviter toute concurrence déloyale. Il est donc hors de question de le rendre obligatoire au 1er janvier 2022.
Au niveau européen, dans le cadre de la stratégie Farm to Fork, une étude d'impact est certes en cours par la Commission européenne, qui pourrait déboucher sur un système d'étiquetage obligatoire, mais celui-ci n'est pas encore connu et fera l'objet de discussions approfondies. Ce ne sera pas avant fin 2022 et la France aura évidemment son mot à dire sur celui-ci en tant qu'État membre, notamment au sein du Conseil européen. Elle ne soutiendra jamais un système nuisible à la réputation gastronomique des fromages AOP car il y va bien sûr de la réputation patrimoniale de notre pays.
M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert. Je comprends donc que le Carré Frais Gervais gagne la bataille face aux produits traditionnels, puisqu'il est classé B, alors que le roquefort est classé E. Je m'inquiète pour l'avenir de nos produits et traditions.
Auteur : M. François-Michel Lambert (Provence-Alpes-Côte d'Azur - Libertés et Territoires)
Type de question : Question orale
Rubrique : Consommation
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 novembre 2021