Question orale n° 1555 :
Expérimentation du recueil de plaintes chez autrui

15e Législature

Question de : M. Philippe Dunoyer
Nouvelle-Calédonie (1re circonscription) - UDI et Indépendants

M. Philippe Dunoyer interroge M. le ministre de l'intérieur sur la mise en place d'une expérimentation permettant le recueil de plaintes des victimes de violences conjugales par la police ou la gendarmerie, en dehors de leurs locaux, dit « recueil de plainte chez autrui ». Il rappelle que cette expérimentation a été annoncée par le ministre en commission des lois le 12 octobre 2021, confirmée le 21 octobre 2021 et à nouveau évoquée par la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, le 27 octobre 2021, à l'occasion de l'examen de la mission « sécurités » du projet de loi de finances pour 2022. Après la généralisation du dépôt de plainte dans les hôpitaux, mise en œuvre dans le cadre du Grenelle des violences conjugales, il salue cette avancée visant à encourager les victimes à porter plainte et à leur permettre de le faire dans de bonnes conditions. Il observe cependant que, parmi les lieux d'expérimentation qui ont été annoncés - départements du Vaucluse, du Pas-de-Calais, de la Haute-Corse, de la Sarthe, du Morbihan et plusieurs arrondissements de Paris -, aucun n'est situé dans les outre-mer où les violences conjugales sont pourtant particulièrement importantes. Il rappelle que la Nouvelle-Calédonie détient un triste record en matière de violences conjugales, avec des chiffres en constante augmentation ces dernières années et toujours largement supérieurs à ceux du reste du territoire national. En 2019, les violences intrafamiliales étaient au nombre de 1 576. En 2020, on en comptait 1 962, soit une hausse de 24 % en un an, contre 8 % au niveau national. Dans les violences intrafamiliales, la part des violences conjugales était de 1 133 en 2019 et de 1 410 en 2020. Il souligne que la Nouvelle-Calédonie a donc enregistré une augmentation de ces violences trois fois plus forte que la moyenne nationale. En outre, il rappelle que les dépôts de plaintes demeurent très en retrait sur le territoire pour des facteurs bien connus dans l'Hexagone mais auxquels se rajoutent d'autres plus spécifiques, en lien avec certains modes de vie traditionnels. Il s'agit d'un constat qui a amené la Nouvelle-Calédonie à lancer l'expérimentation d'un centre d'accueil en urgence des victimes d'agressions (CAUVA) au sein de l'hôpital territorial. Compte tenu de cette évolution des violences conjugales particulièrement inquiétante dans l'archipel, dans des proportions largement supérieures à celles de la moyenne nationale, il lui demande si cette expérimentation peut être étendue au territoire de la Nouvelle-Calédonie.

Réponse en séance, et publiée le 24 novembre 2021

RECUEIL DE PLAINTES CHEZ AUTRUI EN NOUVELLE-CALÉDONIE
M. le président. La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour exposer sa question, n°  1555, relative au recueil de plaintes chez autrui en Nouvelle-Calédonie.

M. Philippe Dunoyer. Je souhaite interroger le Gouvernement sur l'expérimentation permettant le recueil de plaintes des victimes de violences conjugales par la police ou la gendarmerie, en dehors de leurs locaux, dispositif que vous avez appelé recueil de plainte chez autrui. Le 12 octobre dernier, en commission des lois, le ministre de l'intérieur a annoncé le lancement de cette expérimentation, que vous avez confirmé, madame la ministre déléguée, le 27 octobre, à l'occasion de l'examen de la mission Sécurités du projet de loi de finances (PLF) pour 2022.

Je salue cette initiative qui complète d'autres dispositifs tels que le dépôt de plainte dans les hôpitaux, une des avancées qu'a permises le Grenelle des violences conjugales. Elle devrait avoir pour effet d'augmenter le nombre de plaintes et d'encourager les victimes, quelle que soit la pression subie.

Plusieurs lieux d'expérimentation ont été annoncés : le Vaucluse, le Pas-de-Calais, la Haute-Corse, la Sarthe, le Morbihan et plusieurs arrondissements de Paris. Je constate qu'aucun de ces lieux n'est situé outre-mer. Or je rappelle que le nombre de violences conjugales y est très important. J'appelle votre attention sur la situation en Nouvelle-Calédonie où les faits de violence sont très nombreux, ainsi que je l'avais précisé dans mon avis sur le projet de loi de finances pour 2019. Ainsi, le nombre d'agressions verbales est sept fois supérieur à la moyenne nationale, celui des agressions physiques, huit fois supérieur et celui des agressions sexuelles, neuf fois. Depuis 2019, les violences intrafamiliales continuent d'augmenter : entre 2019 et 2020, on constate une hausse de 24 % en un an contre 8 % au niveau national, soit un taux trois fois supérieur à la moyenne nationale.

Pourquoi les victimes en Nouvelle-Calédonie ne bénéficient-elles pas des mêmes dispositifs de recueil de plaintes ? Le taux de dépôt de plainte est encore très faible. Même si nous avons lancé une expérimentation à l'hôpital de Nouvelle-Calédonie, en instaurant un centre d'accueil en urgence des victimes d'agressions (CAUVA), afin de permettre aux victimes de déposer plainte, le taux reste encore très faible. M. le ministre de l'intérieur et vous-même, madame la ministre déléguée, avez engagé de multiples démarches pour améliorer la prise en charge des victimes de violence. Celles-ci sont encore trop nombreuses dans notre territoire qui occupe la première place de ce morbide podium. Dès lors, est-il possible d'élargir cette expérimentation à la Nouvelle-Calédonie ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté. Le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, et moi-même avons lancé une expérimentation permettant le recueil de plaintes des victimes de violences conjugales et de violences sexistes et sexuelles en dehors des services de police et de gendarmerie – à savoir un dispositif de recueil de plaintes hors les murs. Au quotidien, les services de police et les unités de gendarmerie sont particulièrement mobilisés dans la lutte contre ces violences, à raison, en moyenne, de 400 interventions par semaine pour protéger notamment les femmes et les enfants. Nous avons pris un certain nombre d'initiatives pour permettre à toutes les femmes et à toutes les victimes de ces violences de saisir les forces de l'ordre.

C'est notamment pour pouvoir répondre aux appels venant des territoires d'outre-mer que nous avons fait ouvrir la ligne d’écoute du 3919 vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, afin que les appels puissent être pris même en cas de décalage horaire. C'était un engagement du Président de la République, il est désormais tenu. C’est également à cette fin que nous avons créé la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr, grâce à laquelle des policiers et des gendarmes répondent, aident à préparer des plaintes ou diligentent des interventions immédiates, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.

Enfin, pour renforcer la qualité de l'accueil et la prise en charge de l'accompagnement des victimes, nous avons décidé de lancer une expérimentation de dépôt de plaintes dite hors les murs qui a débuté le 15 novembre et ce, pour une durée de six mois. Cinq départements sont concernés, vous les avez rappelés : le Vaucluse, le Pas-de-Calais, la Haute-Corse, la Sarthe et le Morbihan, ainsi que la commune de Saint-Denis. Tout à l’heure, j’annoncerai que le 13e et le 14e arrondissement de la ville de Paris bénéficieront de cette expérimentation. Comme son nom l'indique, l’idée est de pouvoir expérimenter pendant plusieurs mois des outils informatiques spécifiques comme les imprimantes portables, permettant la prise de plaintes dans d'autres lieux : chez l'avocat, en mairie, chez un ami, dans un hôpital, etc. À cette fin, des conventions pourront être signées. Au bout de trois mois d'expérimentation, soit mi-janvier 2022, un premier bilan sera réalisé.

Par définition, cette expérimentation a vocation à être généralisée dans l'ensemble des départements métropolitains et ultramarins dès que possible. Pour répondre à votre question, avec le ministre de l'intérieur, nous souhaitons que dès le tout début de l'année 2022, ce dispositif soit expérimenté en Nouvelle-Calédonie. Tel est le sens de la demande que nous avons formulée à la police et à la gendarmerie.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dunoyer.

M. Philippe Dunoyer. Merci, madame la ministre déléguée, pour cette annonce qui sera très bien reçue en Nouvelle-Calédonie. Vous connaissez les spécificités de ce territoire étendu dont la population est très éclatée. Pour ceux qui ont un mode de vie traditionnel, au sein d'un groupe réduit, porter plainte n'est pas une démarche facile.

Comme vous venez de nous l'annoncer, le début de l'année 2022 sera marqué par une expérimentation qui tiendra compte de nos spécificités territoriales. C'est une excellente nouvelle pour les trop nombreuses victimes de violences conjugales en Nouvelle-Calédonie.

Données clés

Auteur : M. Philippe Dunoyer

Type de question : Question orale

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 novembre 2021

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