Question orale n° 1558 :
Dysfonctionnements du dispositif MaPrimeRénov'

15e Législature

Question de : M. Nicolas Dupont-Aignan
Essonne (8e circonscription) - Non inscrit

M. Nicolas Dupont-Aignan attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur les dysfonctionnements persistants du dispositif MaPrimeRénov'. Émile de Girardin, journaliste et homme politique sous la Restauration, disait : « Il semble que la bureaucratie ait, en France, pour unique fonction de ne rien faire et de tout empêcher. Si tel est en effet son rôle, il faut convenir qu'elle le remplit d'une façon irréprochable ». Manifestement, le dispositif MaPrimeRénov', permettant la prise en charge de travaux de rénovation visant à faire des économies d'énergie, n'a pas su échapper à ce mal tellement français. En Essonne comme partout dans le pays, divers dysfonctionnements ont été recensés : retards importants dans les versements, blocage sans motif des dossiers, extrême complexité de la procédure. Les conséquences financières de ces manquements peuvent être dramatiques pour les ménages modestes qui y sont confrontés. Nombreux sont les Français qui ont cru dans l'aide promise par l'administration et qui ont investi plusieurs milliers d'euros, qui dans un poêle à graminées, qui dans une chaudière moderne, qui encore dans des travaux d'isolation, persuadés que l'État tiendrait parole et paierait 20 %, 30 %, parfois 50 % de la facture. L'inertie administrative corrompt décidément les plus belles initiatives, à tel point qu'un dispositif pertinent d'économies énergétiques en vient à générer des situations de grave détresse financière. Nombreux ont été les responsables politiques qui l'ont alertée, pour l'heure sans grand résultat. Mais comment exiger du pachyderme impotent qu'est devenue l'administration qu'il réagisse avec célérité ? Il faut garder espoir qu'à force de crier dans le désert, le mouvement puisse enfin s'enclencher. Les concitoyens doivent pouvoir compter sur la parole publique pour réaliser les économies promises sans voir leurs dossiers et leur argent se perdre dans les taillis insondables de la bureaucratie. Les usines à gaz font rarement bon ménage avec la transition énergétique. Il souhaite donc savoir comment le Gouvernement, qui est le seul responsable, compte régler sans tarder tous ces dysfonctionnements et réparer les dégâts causés.

Réponse en séance, et publiée le 24 novembre 2021

DISPOSITIF MAPRIMERÉNOV'
M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour exposer sa question, n°  1558, relative au dispositif MaPrimeRénov'.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Madame la ministre, ma question concerne l'application concrète du dispositif MaPrimeRénov', qui avait été lancé avec force communication, et qui paraissait a priori formidable. Malheureusement, de la communication à la réalité, il y a une grande différence.

Je ne cesse d'être interpellé sur ce sujet, dans ma circonscription et au-delà, par nos concitoyens qui ont cru dans votre dispositif. En 2020, sur 574 000 demandes, seules 300 000 ont été acceptées selon la Cour des comptes. Une fois le dossier accepté, il faut encore attendre qu'il soit traité par l'ANAH – Agence nationale de l’habitat– avant de pouvoir lancer les travaux. Des ménages modestes qui ont déjà payé des acomptes aux entreprises voient leur dossier s'égarer et restent sans réponse, ou on leur redemande sans cesse de nouvelles pièces ; et en attendant on ne leur verse rien. Il en résulte que des ménages qui ont consenti un effort financier parce qu'ils ont cru en vos promesses, ne sont pas remboursés de ce qu'ils ont avancé pour les travaux. Que comptez-vous faire concrètement face à ces cas qui se multiplient ?

Quand, en 2020, vous avez réduit les fonds alloués au crédit d'impôt transition énergétique, vous disiez que c'était pour le remplacer par MaPrimeRénov' ; mais ce crédit d'impôt représentait 2,8 milliards d'euros en 2019, alors que MaPrimeRénov' n'est dotée que de 870 millions : vous avez donc fait des économies au détriment de la rénovation énergétique, à rebours de tous vos discours. Certes ces crédits sont portés à 3 milliards dans le budget pour 2022, mais rapportés aux 500 000 logements concernés, sachant que votre objectif est de 800 000 logements, cela ne représente que 6 000 euros par logement. Comment pourrions-nous remédier aux 4,8 millions de passoires énergétiques avec 6 000 euros de remboursement, d'autant que, comme la Cour des comptes le remarque, ce dispositif ne permet souvent de ne rénover qu'un équipement, les fenêtres ou la chaudière, et non de procéder à une véritable rénovation énergétique d'ensemble ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement. MaPrimeRénov’ est un dispositif essentiel pour la rénovation thermique, et votre question me donne l'occasion de vous rappeler quelques éléments concrets de son fonctionnement.

Le versement du crédit d’impôt, que MaPrimeRénov' est venue remplacer, n’intervenait qu'entre neuf et dix-huit mois après la réalisation des travaux : en attendant les ménages supportaient l'intégralité du coût des travaux. Par ailleurs cette aide était très peu redistributive, 20 % des ménages les plus aisés touchant 50 % de ce crédit d'impôt. MaPrimeRénov' est calibrée pour mieux soutenir les gestes de rénovation les plus écologiques et les ménages modestes.

En 2020, ce sont 200 000 dossiers qui ont été déposés, et 150 000 engagés. À ce jour, 650 000 dossiers ont été déposés, et ce sont au total, selon toute probabilité, entre 700 000 et 800 000 qui le seront. En 2021, 536 000 dossiers sont engagés, pour un montant de 1,7 milliard d'euros. La réponse à l'engagement, c'est-à-dire le moment où les ménages ont une première réponse, est de quatre jours quand le dossier est complet et de quinze jours en moyenne, des pièces manquant dans certains dossiers, ce qui entraîne un échange avec le demandeur. Plus de 300 000 primes ont été versées cette année au titre de ce dispositif. Il y a bien sûr un décalage entre le moment où la prime est demandée et celui où elle est versée puisqu'il faut que les travaux aient été réalisés. Cela étant, le délai de moyen de paiement quand les dossiers sont complets se situe entre dix et quinze jours.

Il reste des dossiers en souffrance. J'en suis consciente et j'ai demandé à l'ANAH de mettre en place une équipe dédiée au règlement de ces difficultés, qui sont parfois dues à des défaillances des systèmes d'information. Cela concerne, selon nos évaluations, 3 000 dossiers, soit 0,5 % des dossiers engagés. C'est beaucoup, c'est difficile pour les ménages concernés et pour les artisans : nous leur devons une solution. Notre objectif est de trouver une issue favorable d’ici à la fin de l’année à ces dossiers en difficulté. Mais cela ne change rien au fait que MaPrimeRénov' est un succès.

MaPrimeRénov' permet de financer de la rénovation par gestes – remplacement d'une chaudière, travaux d'isolation – parce que c'est souvent ainsi que les ménages entrent dans un processus de rénovation. Nous visons davantage de rénovations globales dès 2022 à travers le lancement d'un nouveau service public, France Rénov', qui accompagnera les ménages vers des travaux plus généraux, le développement de MaPrimeRénov' Rénovation globale et la fusion des aides dédiées aux ménages les plus modestes, Habiter Mieux Sérénité étant intégré au dispositif MaPrimeRénov', avec des conditions plus avantageuses grâce à la mobilisation des certificats d'économie d'énergie.

Cette politique de rénovation fonctionne ; elle est massive, elle est redistributive, écologiquement juste et soutenue budgétairement, d'abord par le plan de relance et désormais par le budget de l'État, et elle va se poursuivre.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Malheureusement, votre vision ne correspond pas à la réalité puisque l'aide apportée dans le cadre de MaPrimeRénov' n'est pas massive : on dénombre 5 millions de passoires énergétiques et, au rythme actuel, il faudrait au moins dix ans pour mener à bien au moins une rénovation par logement, ce qui n'est pas suffisant.

Données clés

Auteur : M. Nicolas Dupont-Aignan

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement : aides et prêts

Ministère interrogé : Transition écologique

Ministère répondant : Transition écologique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 novembre 2021

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