Fièvre catarrhale
Question de :
M. Jean-Félix Acquaviva
Haute-Corse (2e circonscription) - Libertés et Territoires
M. Jean-Félix Acquaviva alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la fièvre catarrhale qui a fait son retour en Corse en octobre 2021, pour la première fois depuis 2017, date du dernier recensement de cette maladie dite de la « langue bleue » qui frappe principalement les ovins. Plusieurs dizaines de foyers ont été recensés du nord au sud de l'île. Au mois de mars 2020, M. le député alertait déjà M. le ministre, par le biais d'une question écrite, du risque de retour du virus eu égard au risque élevé que présente cette maladie pour le cheptel corse, malgré les vingt années de campagne de vaccination. Il regrette toutefois qu'aucune réponse lui ait été apportée depuis la publication au Journal officiel. Désormais, l'urgence sanitaire est là. En plus de l'utilisation d'insecticides, tueurs du moucheron piqueur de type culicoïde, porteur du virus, la vaccination demeure la mesure préventive la plus efficace. Cependant, le vaccin n'est plus remboursé depuis le début de l'année et la vaccination contre la maladie n'est plus obligatoire, mais autorisée . En raison du coût très élevé du vaccin pour les éleveurs (il faut débourser plus de 2 000 euros pour 600 brebis de la part d'éleveurs qui ne se versent que très peu de revenu pour bon nombre d'entre eux), les doses sont ainsi peu accessibles aux professionnels et ce, sans compter la période actuelle de gestation qui est considérée comme peu propice à la vaccination. Ainsi, il interroge le Gouvernement sur les mesures d'aides immédiates aux éleveurs qu'il compte prendre à très court terme. Puis, à plus long terme, compte tenu des observations des éleveurs dès 2020 qui faisaient état d'un risque fort d'arrivée du virus en Corse, via la Sardaigne voisine notamment, n'est-il pas nécessaire de créer, le plus rapidement possible, un arc de vigilance sanitaire en Méditerranée, impliquant les autorités territoriales des différents pays, les États et l'Union européenne afin d'apporter, enfin, une réelle protection contre ces maladies virales et leurs mutations dévastatrices ? Il lui demande son avis sur ce sujet.
Réponse en séance, et publiée le 8 décembre 2021
FIÈVRE CATARRHALE
M. le président. La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour exposer sa question, n° 1588, relative à la fièvre catarrhale.
M. Jean-Félix Acquaviva. La fièvre catarrhale a fait son retour en Corse au mois d'octobre dernier pour la première fois depuis 2017, année du dernier recensement de cette maladie dite de la langue bleue, qui frappe principalement les ovins. Plusieurs dizaines de foyers ont été recensés à ce jour, du nord au sud de l'île.
Il y a plus d'un an, au mois de mars 2020, je vous alertais déjà, monsieur le ministre, par le biais d'une question écrite, de la potentielle menace de retour du virus, eu égard aux risques élevés que présente cette maladie pour le cheptel corse, malgré les vingt années de campagne de vaccination. Toutefois, aucune réponse ne m'a été apportée depuis la publication au journal officiel. Désormais, l'urgence sanitaire est bien là. En plus de l'utilisation d'insecticides tueurs du moucheron piqueur de type culicoïde porteur du virus, la vaccination demeure la mesure préventive la plus efficace. Cependant, le vaccin n'est plus remboursé depuis le début de l'année et la vaccination contre la maladie n'est plus obligatoire, mais simplement autorisée.
Par ailleurs, le coût du vaccin est très élevé : il faut débourser plus de 2 000 euros pour 600 brebis, or bon nombre d'éleveurs ne se versent que très peu de revenus. De ce fait, les doses sont peu accessibles aux professionnels, sans compter que la période de gestation en cours est considérée comme peu propice à la vaccination.
Quelles mesures d'aides aux éleveurs avez-vous prises ou comptez-vous prendre à très court terme ? Dès 2020, les professionnels faisaient état d'un risque fort d'arrivée du virus en Corse, via la Sardaigne voisine notamment. N'est-il pas nécessaire, dans ces conditions, de créer, le plus rapidement possible, un arc de vigilance sanitaire en Méditerranée, qui implique les autorités territoriales des différents pays, les États et l'Union européenne, afin de protéger enfin efficacement les troupeaux de ces maladies virales et de leurs mutations dévastatrices ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Au préalable, je vous prie de m'excuser pour l'absence de réponse à votre question. J'en prends bonne note et je regarderai ce qu'il en est – comme vous le savez, il n'est pas dans mes habitudes de ne pas répondre aux parlementaires.
Je répondrai d'abord à la fin de votre intervention, qui concerne les moyens d'action. Ma position est très claire. À la suite de vos interpellations, nous avons sollicité un rapport de notre organe d'inspection, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Il conclut qu'il faut renforcer les dispositifs existants pour lutter contre la fièvre catarrhale ovine.
Ensuite, j'appelle à la vaccination. Comme vous l'avez très bien dit, elle est à l'évidence le meilleur moyen de lutter contre cette maladie. Nous partageons donc la même vision. Plusieurs éléments doivent être pris en considération. La fièvre catarrhale ovine est désormais massivement présente dans tout le territoire, y compris en Corse. Elle n'avait pas disparu entre 2017 et 2021, mais beaucoup de cas sont asymptomatiques ou faiblement symptomatiques, ce qui pose difficulté. En Corse, comme en Sardaigne, on observe une recrudescence avec de nombreux cas, comme vous l'avez souligné. Ce constat doit inciter plus fortement encore à la vaccination et à d'autres moyens d'action. Nous travaillons en partenariat avec le groupement de défense sanitaire, le GDS Corse, selon une convention.
Vous demandez si l'État rendra la vaccination obligatoire et si, dans ce cas, elle sera remboursée, comme elle l'était auparavant. Nous sommes confrontés à une double difficulté. D'abord, la fièvre catarrhale ovine n'est plus considérée comme une maladie réglementée, donc à charge de l'État ; elle est devenue à charge des éleveurs, parce qu'elle s'est propagée partout. Elle est donc considérée comme une maladie commune, même si elle peut entraîner de graves dommages économiques pour nos élevages.
Ensuite, quand la nouvelle réglementation européenne nous a obligés à prendre position en la matière, nous avons demandé à l'ensemble des professionnels s'ils voulaient que la vaccination soit obligatoire ; ils ont clairement répondu non. L'État incite donc à la vaccination parce que, comme vous, il considère qu'elle constitue la seule barrière à la maladie ; pour éradiquer le virus, il faudrait que tous les animaux soient vaccinés, ou au moins que la proportion de bêtes vaccinées soit massive. La vaccination n'est plus obligatoire, la gestion de la maladie incombe donc au monde de l'élevage et ne relève plus de la responsabilité de l'État. Cette situation est le résultat de l'application de la législation européenne sur la santé animale, après consultation de l'ensemble des professionnels. Voilà la réalité.
Dans ce contexte, nous continuons à travailler avec le GDS Corse, en renforçant la coopération ; je suis absolument persuadé que nous devons continuer en ce sens. Toutefois, je tenais à souligner dans quel cadre nous nous inscrivons d'une part, d'autre part que les consultations des professionnels ont abouti à faire cesser l'obligation vaccinale et donc le remboursement du vaccin.
M. le président. La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.
M. Jean-Félix Acquaviva. Le sujet est viral – c'est le moins que l'on puisse dire, en ces temps d'épidémie. (Sourires.) Vous l'avez dit, les conséquences économiques et sociologiques – nous parlons de territoires culturellement imprégnés par le pastoralisme –, sont catastrophiques.
Vous avez évoqué les concertations menées avec les professionnels. Votre point de vue est global.
M. Julien Denormandie, ministre. Oui !
M. Jean-Félix Acquaviva. S'agissant de la Corse, je peux garantir que les éleveurs voulaient la vaccination, depuis des années. Ils affirmaient que le virus allait revenir par la Sardaigne, où il était prégnant. Le très fort risque transfrontalier était identifié, puisque l'État et les institutions ont été avertis – c'était l'objet de ma question écrite et des interventions des professionnels sur place. On nous dit que ces derniers ne peuvent plus être remboursés alors qu'ils étaient volontaires. Étant donné l'historique des avertissements émis par les professionnels locaux, j'en appelle fermement à une adaptation en vue du remboursement, puisque nous sommes dans un temps d'expérimentation légitime. Si ce n'est pas le cas, il faut renforcer nettement la coopération directe avec la Sardaigne, parce qu'on dit que le coût du vaccin y est moins élevé. Nous ne pouvons pas rester en l'état.
Auteur : M. Jean-Félix Acquaviva
Type de question : Question orale
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 novembre 2021