Question orale n° 1652 :
Limites de l'inclusion des enfants handicapés en milieu scolaire

15e Législature

Question de : Mme Monique Limon
Isère (7e circonscription) - La République en Marche

Mme Monique Limon alerte Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur les limites de l'inclusion des enfants handicapés en milieu scolaire. Mme la députée connaît et salue l’engagement de Mme la ministre sur la question de la place des enfants et plus largement des adultes en situation de handicap dans la société. En vertu du principe d'inclusion, la scolarisation en milieu ordinaire est recherchée systématiquement. Elle souhaite cependant attirer son attention sur les limites de l'inclusion à tout prix et pour tous. Si l'idée de l'école inclusive et des classes qui accueilleraient tout type de handicap est intéressante dans son principe, elle doit s'opérer de manière concertée et progressive. Les enfants présentant des déficiences intellectuelles légères ou moyennes peuvent effectivement s'adapter et s'épanouir dans des dispositifs de droit commun mais ce n'est pas aussi évident pour les enfants présentant des troubles plus profonds ou associés qui ont besoin de soins et d'un suivi renforcé dans un établissement spécialisé. Ils ont besoin de prises en charge globales pour assurer leur éducation à l'autonomie quotidienne, à la vie sociale ou professionnelle. Intégrés en classe ou dans une cour de récréation, l'hypersensibilité au bruit de certains peut générer parfois de la violence envers les autres et envers eux-mêmes. L'inclusion en milieu ordinaire ne peut pas se substituer de manière uniforme à l'accueil dans les établissements spécialisés et contre la volonté des familles. L'inclusion en marche forcée et la transformation du domicile en centre de soins peuvent avoir des effets préjudiciables à la socialisation et l'épanouissement de l'enfant ainsi qu'à l'équilibre du cercle familial. La réforme des ARS conduit à une diminution du nombre de places en IME qui s'accompagne d'une augmentation des places SESSAD, sans que les moyens humains et matériels nécessaires à une politique d'inclusion généralisée n'aient été suffisamment déployés notamment avec l'éducation nationale. Par ailleurs, de nombreux jeunes adultes sont maintenus dans des établissements pour enfants faute de solutions alternatives, au nom de l'amendement Creton, au détriment des enfants sur listes d'attentes. Ce sujet de société nécessite d'être traité à sa juste mesure et non pas de manière descendante comme on peut parfois le déplorer. Pour exemple, en Isère, le retrait à l'AFIPH d'un projet de création d'un centre de 40 adultes autistes sévères a été annoncé. Dans le même temps, ce sont près de 200 places d'IME supprimées d'ici 5 ans alors que les chiffres de la MDA de l'Isère révèlent que de nombreuses familles attendent une place en IME ; les crédits correspondants seront destinés à l'ouverture de SESSAD mais ces dispositifs ne permettront que très rarement de l'inclusion scolaire à temps plein. Le reste du temps les enfants seront gardés par leur famille à domicile. Ce phénomène obligera les femmes, le plus souvent, à interrompre leur activité professionnelle. Quid des enfants qui vieillissent et dont les aidants familiaux, en principe les parents, ont besoin d'aide au présent mais surtout pour l'avenir ? On sait que l'âge limite d'accueil dans les MAS ou les FAM est de 60 à 65 ans et l'âge moyen en EHPAD est de 87 ans. Elle lui demande s'il ne faudrait pas personnaliser et adapter les réponses aux besoins spécifiques des personnes handicapées mais aussi en fonction des parcours, du contexte familial et des projets de vie. Elle souhaiterait savoir si le Gouvernement entend mener une étude territorialisée afin d'apporter des réponses différenciées en fonction du contexte local et familial et répondre ainsi à l'urgence de créations de places dans les IME, les MAS et les FAM.

Réponse en séance, et publiée le 2 février 2022

INCLUSION DES ENFANTS HANDICAPÉS
M. le président. La parole est à Mme Monique Limon, pour exposer sa question, n°  1652, relative à l'inclusion des enfants handicapés.

Mme Monique Limon. Tout d’abord, madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, permettez-moi de saluer votre engagement en vue d'améliorer les conditions de vie des handicapés, et tout particulièrement votre volonté que tous les enfants puissent apprendre à l'école. Malheureusement, pour un certain nombre d'enfants porteurs de handicaps lourds, ce n'est pas possible : ils ont besoin d’un accompagnement renforcé, spécifique, au sein d'établissements spécialisés. Or les familles iséroises que j'ai rencontrées à ma permanence sont désemparées. Elles pointent le manque de places dans ces instituts médico-éducatifs (IME) : des majeurs y sont maintenus, ce qui empêche l'entrée de mineurs et bloque le système. Les enfants sont en souffrance, les familles aussi, bien évidemment, car malgré leur bonne volonté, elles ne peuvent leur apporter les soins adéquats. Elles n'y sont pas formées ; ce n'est pas leur rôle.

Par ailleurs, il manque également des places en foyer d'accueil médicalisé (FAM) et en maison d'accueil spécialisée (MAS) du fait du vieillissement des personnes handicapées : à 60 ou 65 ans au plus, elles partent donc en EHPAD, où la moyenne d’âge est de 87 ans. Alors que je visitais un établissement à Beaurepaire, l'Association familiale de l'Isère pour personnes handicapées (AFIPH) m'a fait part du retrait d'un projet de création de quarante places destinées à des adultes atteints de formes sévères d'autisme ! En Isère, même si les annonces de l'agence régionale de santé (ARS) peuvent nous rassurer quelque peu, elles demeurent insuffisantes : seules dix nouvelles places sont prévues en IME, de surcroît pour des enfants dont le cas est complexe, car ils sont en situation de handicap mais relèvent également de l'aide sociale à l'enfance (ASE). D'autres places seront supprimées d'ici à cinq ans et les crédits correspondants consacrés à l’ouverture de services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD).

Aussi, madame la secrétaire d'État, serait-il possible, à partir d'études et d'une analyse territoriale, d'envisager des réponses différenciées ? Il est urgent de mettre fin à l'embolie du système et de permettre à chacun, quel que soit son handicap, de trouver une place dans la société.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Madame la députée, je n'ignore pas non plus votre engagement au sein du territoire isérois : nous avons eu l'occasion d'effectuer plusieurs visites ensemble. C'est pourquoi je tiens à préciser les choses : l'école inclusive se construit, avec la coopération du secteur médico-social, en vue de scolariser les enfants handicapés à la hauteur de leurs besoins, suivant une gradation de l'accompagnement. Il existe ainsi des possibilités de scolarisation individuelle, en unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS), en unité d'enseignement externalisée, tandis que des enfants des IME viennent à l'école avec leurs accompagnateurs.

Pour autant, j'entends votre demande concernant les équipements et les établissements médico-sociaux. En aucun cas – sur ce point, je m'inscris en faux contre votre propos –, nous ne fermons de tels établissements : nous les transformons, de concert avec les associations, pour aller au plus près des besoins, avec des services d'accompagnement des enfants vers l'école et des adultes vers l'emploi. Je tiens également à vous rassurer concernant la situation en Isère : selon les secteurs, le taux d'occupation des établissements médico-sociaux s'y situe aux alentours de 60 %. C'est d'ailleurs pourquoi nous œuvrons à leur transformation avec les associations gestionnaires : il s'agit de réorienter les moyens afin de répondre aux demandes différentes des familles.

J'entends cependant que certaines situations complexes nécessitent des plateaux techniques et l'intervention d'équipes pluridisciplinaires auprès de ces enfants et de ces familles. En Isère c'est une soixantaine de places d'IME qui ont été réorientées et non pas supprimées, je tiens à le dire : nous avons besoin des professionnels et ils sont financés pour créer 185 nouvelles places d'accompagnement spécialisé en réponse aux besoins des familles.

Vous évoquez également un retrait d'autorisation pour la création de places pour adultes autistes. Cette autorisation avait été délivrée il y a cinq ans. Les solutions ne sont pas sorties. Là encore, je demande aux associations gestionnaires de travailler plus vite et plus fort.

Nous engageons un nouvel appel à manifestation d'intérêt. Je rappelle que nous avons lancé la création d'unités résidentielles pour autistes complexes. Le prix à la place est très important pour prendre en compte ces besoins complexes. Nous avons des réponses un peu partout. Ce grand plan pour prévenir les départs en Belgique mobilise 90 millions pour la France entière. Il concerne spécifiquement les adultes autistes, ce qui permettra de libérer enfin des places pour les enfants en situation de handicap.

Notre méthode est tout sauf descendante ; elle est coconstruite. Nous avons mis en place Communautés 360 pour partager ce diagnostic territorial et pour trouver des solutions multiopérateurs. Tout le monde a un petit bout de solution. Ce qu'il nous faut, c'est travailler au plus près des besoins. C'est pourquoi le projet de loi 3DS – relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale – simplifie les agréments. En effet, parce qu'un enfant n'entre pas forcément dans une seule case, là où jusqu'ici il n'y avait que des cases et des silos, nous voulons ouvrir ces agréments et supprimer les barrières d'âge qui limitent les parcours.

Les personnes handicapées vieillissent, ce dont nous devons nous réjouir, mais il nous faut les accompagner dignement là où elles ont l'habitude de vivre sans les obliger, justement, à en sortir en raison de leur âge.

M. le président. La parole est à Mme Monique Limon.

Mme Monique Limon. Merci beaucoup, madame la secrétaire d'État. Vos réponses vont me permettre de retourner vers les familles et les associations qui m'avaient sollicitée, pour les rassurer et entamer, avec elles et avec les personnes responsables, le travail de réflexion nécessaire pour mener à bien ces créations de places dont on a tant besoin.

Données clés

Auteur : Mme Monique Limon

Type de question : Question orale

Rubrique : Personnes handicapées

Ministère interrogé : Personnes handicapées

Ministère répondant : Personnes handicapées

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 janvier 2022

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