Bâtiments emblématiques de la ville de Nice
Question de :
M. Éric Ciotti
Alpes-Maritimes (1re circonscription) - Les Républicains
M. Éric Ciotti interroge Mme la ministre de la culture sur le devenir de deux bâtiments emblématiques de la ville de Nice menacés de destruction par le maire de la commune : le Théâtre national de Nice (TNN) ainsi que le Palais Acropolis. La disparition de ces deux édifices, à l'intérêt patrimonial et historique indiscutable, chacun symbolisant l'architecture niçoise du XXème siècle, constitue une faute culturelle et une agression architecturale. Au-delà des faillites prévisibles des commerces situés à proximité et de la contraction redoutée des retombés économiques liées au tourisme d'affaire, la destruction de ces équipements ne permettra plus à la capitale azuréenne de disposer de salles de spectacle de grande capacité dans le cœur de ville, au moment même où les espaces culturels de bien moindre envergure appelés à les remplacer ne sont pas assurés d'exister. La démolition du TNN revient également à amputer l'œuvre du célèbre architecte Yves Bayard, qui l'a conçu comme formant un ensemble architectural indissociable avec le musée d'art moderne et contemporain de Nice qui, quant à lui, est appelé à demeurer. Il lui demande si elle envisage de préserver ce patrimoine architectural niçois pour les générations futures en les inscrivant au titre des monuments historiques.
Réponse en séance, et publiée le 2 février 2022
DESTRUCTION DU THÉÂTRE NATIONAL DE NICE
M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour exposer sa question, n° 1657, relative à la destruction du théâtre national de Nice.
M. Éric Ciotti. Madame la ministre de la culture, merci de votre présence pour répondre à ma question. Je souhaite vous alerter solennellement et appeler votre attention sur l'erreur économique, la faute culturelle et la folie budgétaire qui est en train de se produire à Nice avec la double destruction du palais des congrès Acropolis et du théâtre national de Nice. Ces deux bâtiments, édifiés à la fin des années 1980, constituent des équipements majeurs pour la ville de Nice, pour les Alpes-Maritimes et pour toute la Côte d'Azur.
Aujourd'hui, c'est un théâtre dirigé par Muriel Mayette-Holtz, après l'avoir été par Daniel Benoin, par Jacques Weber et par d'autres grands noms, qui va être détruit. C'est une part de l'âme culturelle de la ville de Nice qui va être mise à terre par une forme de folie mégalomane, de dérive personnelle, tout simplement pour réaliser 4 000 mètres carrés d'espaces verts, à la place d'un théâtre.
Madame la ministre, je vous demande solennellement d'être fidèle à ce qu'ont fait vos illustres prédécesseurs – Jacques Toubon, qui a sauvé la gare du Sud, et Jack Lang, qui a sauvé la façade du Palais de la Méditerranée – pour préserver des éléments du patrimoine niçois et éviter cette folie.
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Monsieur le député, la question de la démolition du théâtre national de Nice n'est pas mineure, et j'ai suivi de près ce dossier qui fait, je le sais, l'objet de débats. Elle fait partie du programme de transformation urbaine de la ville et de son inscription comme patrimoine architectural et paysager remarquable, afin de prolonger la promenade du Paillon dans le cadre d'une coulée verte. Ce programme s'inscrit dans une dynamique de redécouverte des racines architecturales, urbaines et paysagères de la ville, laquelle a déjà été amorcée par la démolition récente de la gare routière, de la galerie commerciale et du parking aérien. C'est à ce titre que Nice a été reconnue par l'UNESCO digne d'entrer au patrimoine mondial, sous l'intitulé « Nice, ville de villégiature d'hiver et de Riviera ».
C'est pour cette raison que le projet du maire de Nice a reçu, le 18 janvier, l'accord de l'architecte des bâtiments de France. Ce projet d'aménagement est, je tiens à y insister, assorti d'une nouvelle offre culturelle ambitieuse autour de la valorisation et de l'aménagement de nouveaux sites culturels, particulièrement en matière de théâtre et de spectacle vivant. C'est pourquoi j'ai également donné mon autorisation, le 2 décembre dernier, au titre de l'article 2 de l'ordonnance du 13 octobre 1945, pour la désaffection et la démolition de ce bâtiment, compte tenu de plusieurs éléments.
Tout d'abord, son état ne répond plus aux besoins techniques, fonctionnels et artistiques. Il nécessite de lourds travaux de remise aux normes – entre 12 et 18 millions d'euros – et ne permet plus de déployer une capacité d'accueil et une offre culturelle adaptées aux attentes de la population. Ensuite, la démolition est associée à une contrepartie, sous forme d'une nouvelle offre théâtrale se composant de deux salles de 300 et 500 places pour accueillir les équipes du Centre national dramatique, d'un équipement éphémère de 600 places permettant l'accueil de grands spectacles et d'une grande salle frontale qui prendra place au sein du futur palais des arts et de la culture à l'horizon 2025-2026.
Conformément à l'esprit du dispositif instauré par l'ordonnance de 1945, cette autorisation est délivrée sous réserve des assurances concernant la livraison en 2022 des équipements nécessaires à la poursuite de l'activité du Centre national dramatique.
Je serai, bien évidemment, très vigilante pour que le théâtre puisse poursuivre pleinement ses activités pendant les travaux et que le programme, puis la construction prévue de la salle, répondent aux attentes et aux besoins du territoire.
M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti. Madame la ministre, permettez-moi de vous faire part de ma déception quant à votre réponse. Vos arguments, je les connais : ce sont ceux du maire de Nice – mais ce sont de faux arguments. Cette salle est loin d'être vétuste. Elle n'a pas entravé – bien au contraire – l'inscription de Nice au patrimoine mondial de l'UNESCO. Cet équipement est une œuvre d'art, réalisée par l'architecte Yves Bayard. Le théâtre fonctionne parfaitement et a toujours bien fonctionné. Des travaux lourds de rénovation ont été engagés il y a peu de temps. Il en va de même pour le palais des congrès Acropolis.
On va gaspiller 300 millions d'euros d'argent public pour un simple caprice personnel. Les arguments qui ont présidé à votre décision, et qui ont d'ailleurs dû, je le crains, vous dépasser, sont des arguments purement politiciens : il s'agit simplement de faire plaisir à un nouveau converti dans votre majorité. Je le déplore, je le regrette, je le condamne. Les Niçois le regrettent et le condamnent aussi car, derrière cette gabegie, ce sont leurs impôts, qui ont déjà beaucoup augmenté, qui vont à nouveau augmenter fortement.
Auteur : M. Éric Ciotti
Type de question : Question orale
Rubrique : Patrimoine culturel
Ministère interrogé : Culture
Ministère répondant : Culture
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 janvier 2022